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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/154

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EUTYCHÈS ET EUT YCIII ANISME


d’un tout pour former un Dieu-liomme, une nouvelle essence complète, tout de même que le corps et l'âme, substances incomplètes, s’unissent pour former une substane complète. Des docteurs très orthodoxes ont fait appel à la comparaison de l’union de l'âme et du corps pour donner une idée de l’union hypostatique. Saint Cyrille d’Alexandrie en particulier y recourt constamment. L’auteur du symbole athanasien l’emploie sans scrupule : Sicul anima rationalis cl caro lums est honio, ita Deus et homo unus est Christus. Mais il n’en est pas moins vrai que ce n’est qu’une comparaison. On ne peut assimiler complètement le composé théandrique au composé humain, car le Verbe immuable et parfait en lui-même ne saurait jouer le rôle de partie proprement dite, pas plus du reste que la nature humaine du Christ, qui elle aussi est parfaite et complète en elle-même.

Nous avons déjà dit plus haut que la théorie de la composition avait été prêtée aux sévériens par les polémistes catholiques non sans quelque apparence de raison. Ses véritables représentants doivent être clierchés dans le camp des ariens et des apollinaristesLes premiers, au témoignage de Nestorius, Le livre (VHéraclide, p. 6-7, faisaient du Christ un demi-dieu et un demi-homme, avec un corps sans âme et une divinité créée. Ils disaient que l’union du Verbe avec la chair avait abouti à une seule nature. Impassible par nature, le Verbe était deveiui passible en s’incarnant ; il avait réellement souffert les souffrances naturelles du corps, comme l'âme humaine souffre dans le corps auquel elle est unie. On comprend pourquoi l’accusation d’arianisme a été portée fréquemment contre les monophysites en général.

Bien qu’il cherche à sauvegarder l’immutabilité du Verbe dans l’union et qu’il déclare inadéquate la comparaison tirée du composé humain, Apollinaire est cependant un vrai monophysite. Il affirme l’unité d’essence, oùcria, dans le Christ et dit que la chair fait partie de l’essence du Christ, qu’elle est unifiée en essence avec la divinité, f ; jvoj(7t<. : > ; j. ; vr| t^, ^io^-r-'.. G. Voisin, L’apollinarisme, Louvain, 1901, ' p. 2'78282. C’est pour arriver à cette unité que l’hérésiarque ampute l’humanité du Christ des facultés supérieures de l’intelligence et de la liberté et ne lui laisse qu’une âme sensible. Ses disciples rigides reçurent le nom de synoiisiastes. Ce furent de vrais monophysites. Aux disciples comme au maître les orthodoxes attribuèrent à peu près toutes les formes du monophysisme réel dont Eutychès et les siens portèrent ensuite le fardeau. Et cela n’est pas étonnant, puisque Eutj’chès fut, dès le début de la controverse monopliysite, condamné comme imbu de l’erreur d’Apollinaire.

Tout en se défendant de vouloir confondre la divinité avec la chair, Apollinaire prétendait cependant qu’il fallait attribuer à celle-ci les propriétés de celle-là. C'était sa manière d’entendre la communication des idiomes : « On peut dire, écrivait-il, que le fruit du sein de David est le créateur du monde, parce qu’il est uni au créateur ; que celui qui est né d’Abraham était avant Abraham… Comment ce qui est uni à Dieu en l’unité de personne ne serait-il pas Dieu avec lui ? Comment ce qui est uni à l' Incréé en l’unité de vie ne serait-il pas incréé avec lui ? » G. Voisin, op. cit., p. 296. C’est sans doute en faisant un raisonnement semblable que la secte monophysite des aclistêtes, que le prêtre Timothée présente comme une fraction de julianistes ou gaïanites, arrivait à dire que fe corps du Christ était non seulement incorruptible, dès le moment de la conception, mais encore incréé, d’où le nom d’actistàtes, ày.ziGxri' : a'. ou à/.-io-Tc’Tai. Comme les niobites, ces hérétiques niaient toute différence de la divinité et de la ciiair, après l’union. Timothée, op. cil., col. il.

7o Théorie de l’origine ccleste de la chair du Christ.


Enseigner que le corps du Christ est réel et non apparent et qu’il ne forme pas une essence unique avec le Verbe, mais nier en même temps sa consubstantialité avec le nôtre et lui donner une origine extrahumaine, ce n’est pas être monophysite véritable, mais c’est être eutychien en quelque manière. On sait, en effet, qu’Eutychés a nié la consubstantialité du corps du Christ avec celui des autres hommes, et qu’on lui a généralement prêté l’erreur de Valentin et d’Apelles sur l’origine céleste de la chair du Sauveur.

L’histoire a conservé le nom de quelques eutychiens anticonsubstantialistes. Pendant qu’il était exilé à Gangres (vers 460-464), Timothée Élure écrivit plusieurs lettres contre deux clercs égyptiens, Isaïe, évêque d’Hermopolis, et Tliéophile, prêtre d’Alexandrie, qui niaient que Dieu le Verbe nous fût consubstantiel dans la chair, et propageaient leur doctrine à Constantinople. Lebon, op. cit., p. 24, 96-98. Nous ignorons du reste comment ils expliquaient leur théorie. Soutenaient-ils l’origine céleste du corps du Christ et faisaient-ils de la Vierge un simple canal ? C’est possible, mais assez invraisemblable. Peut-être faisaient-ils la distinction d’Eutychès entre utoixa àvÔpojTroj et c-à)|j.a àvOpojTiivov.

8o L’aphlhariodocétisme.

La controverse qui mit aux prises Sévère d’Antioche et Julien d’Halicarnasse relativement à la corruptibilité, c’est-à-dire à la passibilité du corps du Christ, tient à peine par un fil à l’eutychianisme. Le nom d’aphthartodocèles, qui fut donné à Julien, à Gaïanos et à leurs disciples, est un terme injurieux que la plupart ne méritèrent pas. Sauf la secte des actistètes dont nous avons déjà parlé, les juhanistes ou gaïanites ne peuvent être accusés de docétisme. Ils n’ont pas nié non plus que le corps du Christ ait été passible en fait pendant sa vie mortelle, qu’il ait ressenti en fait les mouvements des passions honnêtes, irââv-, à^iàol-pra. Leur erreur a consisté à admettre que cette passibilité de fait était comme un miracle perpétuel, le corps du Christ ayant possédé de plein droit l’incorruptibilité des corps glorifiés, dès le moment de la conception. Certains paraissent même avoir expliqué cette incorruptibilité de droit dans un sens tout à fait irrépréhensible. Cf. Léonce de Byzance, Contra Nestorium et Eulijchen, P. G., t. lxxxvi, col. 1317-1353 ; l’auteur du De sectis, ibid., col. 1229 sq. ; Timothée, De receptionc hæreticorum, ibid., col. 44, 57 ; S. Jean Damascène, Z)e hærcsibus, 84, P. G., t. xciv, col. 753-756. Ce n’est qu’en tant qu’on pourrait voir dans cette doctrine une atteinte à la consubstantiahté du corps du Christ avec le nôtre, qu’elle est susceptible d'être rattachée au monophysisme eutychianiste. Julien d’Halicarnasse se défendait énergiquement d'être eutychianiste, et l’on sait qu’il a composé des écrits contre les disciples d’Eutychès. Lebon, op. cit., p. 174. La controverse aphthartodocète mérite d'être étudiée à part. Voir Gaïamtes.

I. Sources.

Mansi, Concil., t. vi, vu ; F. Perry, TIic second synod of Ephesus, Dartford, 1881 ; P. Martin, Le I rigandage d'ÊpIièse d’après les actes du concile récemment retrouvés, (h % a Revue des questions historiques, 187A, t.xvi, p. 5-68 ; Id., Le pseudo-synode connu dans Vldstoire sous le nom de brigandage d' Êphèse, étudié d’après ses actes retrouvés en syriaque, Paris, 1875 ; S. Léon, Episl., P. L., t. Liv ; Nestorius, Le livre d’Iléraclide de Damas, trad. Nau, Paris 1910 ; Thoodoret, Eranistès, ILvreticarum fabularum compendium, IV, 13, P. G., t. lxxxiii ; Ahrens et Kriiger, Die sogenannie Kirchengeschichte des Zacharias Rlictor, Leipzig, 181)9 ; Évagre, II. £., J. II, III, P. G., t. lxxxvi ; Théophane, Chronographia, F. G-, t. cvm ; Théodore le Lecteur, Fragmenta historiée ecclesiasticic, P. G., t. lxxxvi ; Liberatus, Breviai-ium causse nestorianorum et culychianorum, P. L., t. lxviii ; Gélase, De duabus naturis in Cliristo adver-