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EVANGILES APOCRYPHES


prend comme point de départ l'Évangile de saint Luc, qu’il considère comme étant celui de Paul, Rom., ii, 16, et l’expurge soigneusement de tout ce qui peut rappeler l’Ancien Testament. Les citations des Pères de l'Église, tout particulièrement de Tertullien et d'Épiphane, permettent de reconstruire en grande partie l'Évangile de Marcion. Ce travail a été fait par Hahn, dans Thilo, Codex apocnjphus Novi Testamenti, Leipzig, 1832, p. 401-486, et plus récemment par Zahn. Marcion omettait les récits de l’enfance, du baptême, de la tentation et commençait l’histoire de Jésus en combinant Luc, iii, 1, et iv, 31.

Les critiques libéraux des deux derniers siècles, Semler et Eichhorn au xviiie siècle, Baur, Ritschl, Schweglcr au xix'=, ont essayé de démontrer que l'Évangile de Marcion était antérieur à notre troisième Évangile, dont il serait la source. Cette vue insoutenable est aujourd’hui complètement abandonnée.

Le texte dans Thilo, lor. cil., et dans Zahn, Geschichle iles N. T. Kanons, t. ii, p. 455-494. Travaux : A. Hahn, Das Evangelium Manions in seiner iirsprtinglichen Gestall, nebst dem vollstàndigsten Beweise, dass es nicht selbstslandig, sondern ein versliinimeltes und vcrfnlschtes Lukas-Evangelium war, Kônigsbcrg, 1823 ; Zahn, Geschichle des N. T. Kanons, t. i, p. 588-718 ; t. ii, p. 409-455. Littérature plus complète dans Bardenhewer, Geschichle der alikirchlichen Litteratur, t. i, p. 345.

III. Les Évangiles suppléments.

1° Le Protévangile de Jacques et ses remaniements. — C’est l’humaniste français Postel († 1581) qui a donné le nom de Protévangile à un écrit grec, rapporté par lui d’Orient, ayant pour titre : Histoire de la nalivilé de Marie, et attribué par de nombreux manuscrits à Jacques, frère du Seigneur. Le nom fort impropre de Protévangile de Jacques est resté à cette composition. Elle raconte en un langage plein de naïveté, et parfois de fraîcheur, les premières années de la sainte Vierge, depuis le moment où un ange annonce sa naissance à ses parents longtemps privés de postérité, jusqu'à celui où elle est confiée à saint Joseph, qui sera le gardien de sa virginité. Suit le récit de la conception miraculeuse et de l’enfantement virginal du Sauveur, l’arrivée des mages et le massacre des innocents ; la narration se termine un peu brusquement sur le récit de la mort de Zacharie, père de JeanBaptiste, assassiné par ordre d’Hérode.

Cette dernière partie, comprenant les c. xxii-xxiv, n’est rattachée que par un lien assez lâche au reste du livre, et l’on a récemment prouvé son caractère adventice. L’unité du reste de l'écrit n’est pas non plus absolument parfaite, et la critique y a distingué deux sources principales, l’une consacrée aux enfances de Marie, l’autre au récit de la naissance du Sauveur. Ces deux sources ont pu être unies d’assez bonne heure ; en tout cas, celui qui les a compilées peut à bon droit être appelé l’auteur du Protévangile, car, en dépit de quelques divergences de style, c’est le même esprit que l’on retrouve dans les deux premières parties. Le but évident de l’auteur est la glorification de Marie, vierge et mère, ce qui lui semble le moyen le plus efïicace de défendre les conceptions orthodoxes relatives à la personne de Jésus. Le point sur lequel il insiste le plus, c’est la pureté parfaite et la virginité absolue de Marie, dans la conception et dans l’enfantement de Jésus.

Sous sa forme actuelle, cet écrit est d’origine relativement récente, ve siècle ; mais les deux premières parties existaient déjà, unies ou séparées, dès la fin du 11e siècle. S’il n’est pas jjrouvé, en effet, que Justin leur a emprunté certaines traditions relatives à la naissance du Sauveur, il est inliniment vraisemblable que Clément d’Alexandrie s’en inspirait pour aflirmer le premier mariage de Joseph et l’enfantement virginal.

Fragment des H y pot ij poses, cité par Zahn, dans Forschungen zur Geschichte des N. T. Kanons, t. m p. 83 ; S/rom., VII, XVI, 93, édit. Stahlin, t. iii, p. 66 ; P. G., t. IX, col. 529. En tout cas, Origène connaissait un livre de Jacques, ficoXoç 'laxwgo-j, Comment, in Matllh, tom. X, 17, P. G., t. xiii, col. 876-877, où il était question d’un jn-emier mariage de Joseph. Épiphanc est le premier écrivain grec qui en fasse une citation textuelle, Hær., lxxix, 5, P. G., t. xlii, col. 748 ; mais à partir du e siècle cet écrit est fréquemment utilisé par les orateurs, hagiographes, poètes et artistes de Byzance. Si le Protévangile n’a jamais été considéré dans la liturgie grecque comme un livre canonique, du moins il a joui d’une grande considération dans toutes les Églises d’Orient.

L’Occident lui a été moins favorable, et l’on ne connaît à l’heure présente aucune version latine ancienne du Protévangile. Il devait cependant en circuler, sinon des versions, au moins des remaniements, car à plusieurs reprises on trouve condamné le livre de Jacques. Innocent l", dans une lettre à Exupère de Toulouse, P. L., t. xx, col. 501 ; décret de Gélase, De libris non recipiendis, dans Preuschen, Anatecla, p. 153. Mais peu à peu les suspicions tombèrent et des remaniements furent mis en circulation qui conservaient les principales légendes du Protévangile grec. Le plus ancien semble être V Évangile du pseudoMatthieu, ou Livre de la naissance de la bienheureuse Marie et de l’enfance du Sauveur. C’est une compilation passablement indigeste, dont la première partie, ixvii, reproduit assez fidèlement les narrations du Protévangile. La seconde partie, qui raconte la fuite en Egypte, et la troisième, qui dépeint l’enfance de Jésus à Nazareth, dérivent respectivement de l'Évangile de l’enfance et du récit de Thomas le philosophe dont il sera question plus loin. Le tout a pu être compilé vers la fin du vie siècle. Un peu plus tard, peutêtre à l'époque carolingienne, a pris naissance un nouveau remaniement latin du Protévangile, VÉvangile de la nativité de Marie. Beaucoup plus discret d’allure, beaucoup plus délicat dans l’expression, il s’est efEorcé d’atténuer ce que pouvaient avoir d’incompatible avec l’exégèse du temps les narrations de pseudoMatthieu.

L’influence de ces remaniements a été moins considérable dans l'Église latine que celle du Protévangile dans les Églises d’Orient. C’est surtout à partir du xiiie siècle que les légendes mises par eux en circulation commencent à s’imposer. Leur insertion dans le Spéculum hisloricde de Vincent de Beauvais et dans la Légende dorée de Jacques de Voragine a singulièrement hâté leur diffusion. Plusieurs traditions ecclésiastiques, en particulier la présentation et le séjour de Marie au temple, n’ont pas d’autre origine.

Le texte dans Fabricius, Codex apocriiphiis Novi Testamenti, Hamljouig, 1703 ; dans Birch, Auclarium codicis apocnjphi N. T. Fabriciani, Copenhague, 1804 ; dans Thilo, Codex apocnjphus Novi Testamenti, Leipzig, 1832, et dans Tischendort, Eoangelia apocrypha, 2e édit., Leipzig, 1876. Les deux éditions de Fabricius et de Thilo sont accompagnées d’un commentaire.

Études et commentaires récents : Meyer.dans Henneclce, Nenlestainentliche Apo/cryp/ien, p. 47-63 ; llandbuch, p. 106131 ; E. Amann, Le Protévangile de Jacques et ses remaniements latins, Paris, 1910, donne une bibliographie très complète ; Ch. Michel, £yan(/17es apocryp/ies, Paris, 1911, t. I (collection Hemmer et Lejay).

Évangile de Thomas le philosoplie.

C’est le

nom que l’on donne d’ordinaire à un ouvrage qui porte dans les meilleurs manuscrits le titre suivant : » Récit des enfances du Seigneur par Thomas, philosophe Israélite, » 0ài(ia iTpar.XiiTju cpivoaôçou pT, Ta et ; ta îtaiSi/.à toj Kupi’ov. Le texte existe en deux rédactions