tenue. Commentarins in Genesim, Paris, 1895, p. 149150. M. G. Hoberg s’y rallie résolument. Die Genesis, nach dem Lileralsinn erklùrl, Fribourg-en-Brisgau, 1908, p. 41-42. Cette explication par une vision abandonne le sens littéral propre du récit biblique. « C’est un caprice exégétique de prétendre qu’Adam a cru voir que Dieu a pris une côte et l’a bâtie pour en faire une femme : ce qu’il faut entendre au sens propre ou au sens figuré. » J. Lagrange, L' innocence et le péché, dans la Revue biblique, 1897, t. vi, p. 365.
Le P. Lagrange, loc. cil., avec Cajetan, rejette le sens littéral pour adopter le sens parabolique. Il n’indique pas quelle signification il attache à cette parabole, sinon peut-être que l’homme devra aimer sa femme comme une partie de lui-même. Il déclare même plus loin, p. 378, qu’aucune doctrine théologique importante n’est fondée sur la réalité historique de ce fait que la femme a été formée d’une côte de l’homme. L'Église ne nous dit pas si les circonstances du récit biblique doivent être prises à la lettre. Il paraît certain que l’auteur a prétendu enseigner une histoire vraie, mais s’il n’a pas inventé un symbole pour raconter une histoire vraie, il a pu revêtir une histoire vraie, connue par révélation et transmise chez les Hébreux sous une forme populaire, de circonstances pittoresques qui figurent dans son récit comme une métaphore ou un symbole. S’il parlait de l’ablation d’une côte d’Adam pour former Eve, il ne l’entendait pas à la lettre, encore que peut-être la majorité de ses contemporains l’entendit ainsi. Ce détail de son récit historique ne répondrait pas à la réalité et n’aurait qu’une signification métaphorique. M. J. Nikel pense aussi que les récits de la Bible sur le paradis et la chute reposent sur une tradition populaire et qu’il faut les considérer comme vraiment historiques pour le fond. Il reconnaît toutefois que les éléments de la forme de ces récits n’appartiennent qu'à la tradition populaire et ne sont pas à interpréter à la lettre. Aussi, relativement à la formation d’Eve d’une côte d’Adam, avait-il exprimé le désir qu’une décision ne fût pas prise par l’autorité ecclésiastique, Der geschichlliche Charakter von Gen., i-iii, dans Weidenauer Sludien, Vienne, 1909, t. iii, p. 42. Il visait sans doute la décision que préparait alors la Commission biblique De charactere hislorico Irium priorum capilum. Geneseos et qui a été approuvée par Pie X, le 30 juin 1909. Or, le désir de M. Nikel, qui est consulteur de la Commission, n’a pas été entendu, car la Commission a donné une réponse négative à la troisième question, concernant spécialement le sens littéral historique des faits de ces trois premiers chapitres qui touchent aux fondements de la religion chrétienne, et nommément de la formation do la première femme ex primo homine. Ce sens littéral historique ne peut être mis en doute. Acta aposlolicæ sedis, 1909, 1. 1, p. 568. La Commission semble avoir eu directement en vue la formule de saint Paul, I Cor., xi, 8 ; elle n’a pas employé les mots ex cosla primi Iiominis pour laisser, sans doute, aux exégètes la liberté d’expliquer l’action créatrice divine sur cette côte d’Adam dans un sens qui ne soit pas trop strict.
La décision de la Commission biblique au sujet de la création d’Eve ex primo homine repose sur l’interprétation unanime des Pères et des commentateurs catholiques. Voir F. Vigouroux, Les Livres saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iv, p. 137-141 ; J. Brucker, Questions actuelles d'Écriture sainte, Paris, 1895, p. 239-243 ; U., L'Église et la critique biblique, Paris, s. d. (1908), p. 219-220 ; J. Selbst, Handhuch zur BibtischenGescliiclite, 7*= édit.. Fribourg-en-Brisgau, 1910, t. I, p. 168-169 ; M. Hetzenauer, Theologia bifc /(ca, Fribourg-en-Brisgau, 1908, t. i, p. 525-528 ; Id., Commentarium in librumGenesis, Graz et Vienne, 1910,
p. 61-65. Le second récit de la création de l’homme est plus fortement anthropomorphique que le premier. Il y a donc, dans son interprétation, place pour un plus grand nombre de ces métaphores, dont la Commission biblique reconnaît l’existence dans les trois premiers chapitres de la Genèse, ad 5'"". Acta aposlolicæ sedis, t. I, p. 568. Cf. H. Lesêtre, Les récils de l’histoire sainte. La création, dans la Revue pratique d’apologétique, 1905-1906, t. I, p. 402-404.
II. Tentation et péché.
1° Caractère historique du récit. — Au cours des siècles, on s’est demandé si le récit de la Genèse, iii, 1-24, était historique et relatait un fait réel, ou s’il n'était pas plutôt un mythe, ou une allégorie, ou, au moins, un récit partiellement métaphorique.
1. Ce n’est pas un mythe.
La plupart des rationalistes contemporains regardent le récit génésiaque de la tentation comme un mythe populaire, plus ou moins philosophique, ou psychologique, destiné à expliquer l’origine du mal dans le monde, la misère de l’homme, obligé au travail, et surtout la condition inférieure de la femme dans la société domestique. L’humanité primitive avait été créée sans la connaissance du bien et du mal ; elle était à l'état des enfants qui n’ont pas même le sentiment de la pudeur. L’enfant est innocent tant qu’il reste ignorant. Vient le jour où il mange du fruit de l’arbre de la connaissance. La femme, plus précoce, en vient là la première ; elle prend connaissance de sa puissance secrète et intime. Elle s’imagine que ce que sa nature lui révèle est défendu par Dieu sous peine de mort. La lutte se fait en elle-même ; le démon de la tentation lui dit que Dieu n’a pas puni de la mort la connaissance du bien et du mal. L’esprit tentateur a achevé son œuvre ; la femme voit que le fruit de l’arbre de cette connaissance est beau et agréable ; c’est un plaisir à goûter. La femme est séduite ; l’homme ne peut résister. Devenus adultes, ils savent ce qu’est le péché. Leurs yeux s’ouvrent et le sentiment de la pudeur naîtra en eux. La vie réelle leur apparaît, dès lors, avec ses conditions possibles. Ils découvrent une existence d£ douleurs et de sujétion pour la femme, de travail et de fatigue pour l’homme, avec la perspective de la mort. Ils ont perdu, sans doute, leur na’iveté première, leur tranquillité insouciante, mais ils ont acquis la connaissance du bien et du mal et ils sont entrés dans la pleine possession de leur conscience et de leurs facultés. Ils ont passé de l'état d’enfance à l'âge adulte. Le fruit défendu, dont l’homme s’empare malgré l’avertissement de Dieu, c’est donc simplement son passage à la liberté morale et son pouvoir de transgresser les ordres divins. H. Gunkel, Genesis, p. 12-20 ; Driver, J’Iic book of Genesis, p. 56-57.
Cette interprétation mythique ne répond pas au sens obvie que présente le récit de la Genèse. L'écrivain qui l’a rédigé ne nous reporte pas au temps où les bêtes parlaient ; ce n’est pas un serpent qu’il fait parler, mais un être mauvais, pervers, jaloux de l’homme. Il est si peu imbu de mythologie qu’il a fait défiler devant l’homme tous les animaux et qu’il a constaté leur infériorité relativement à Adam. La psychologie de la tentation de la femme par le diable est très line, nous le verrons ; mais elle ne répond pas àl’explication psychologique qu’on en donne. Gunkel est obligé de reconnaître que des idées, nécessaires au mythe, ne sont pas exprimées dans le récit biblique, et il les supplée généreusement pour faire tenir debout une interprétation qui ne répond pas au texte. Il attribue aussi à son auteur des réflexions qui n’ont très vraisemblablement jamais pénétré dans son esprit. Le récit biblique ne s’explique pas sans la désobéissance à un ordre formel de Dieu et sans le péché ; il n’exprime pas seulement la conscience de la