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EXORCISME


de l’or souillé, gâté, mélangé d'éléments divers : airain, étain, fer, plomb. Vous voulez avoir l’or seul et à part. Sans le feu, impossible de le dégager des matières étrangères. De même, sans les exorcismes, qui sont divins et puisés dans les divines Écritures, impossible de purifier l'âme. On vous a mis un voile sur le visage, pour aider à l’attention et au recueillement de la pensée, de peur que l'œil vagabond n’entraîne le cœur dans ses divagations. Mais le voile qui couvre les j’eux n’empêche pas de recevoir par les^ oreilles un secours salutaire. De même, en effet, que des orfèvres habiles, qui veulent fondre l’or dans le creuset et attiser le foyer placé en dessous, arrivent à leur but en lançant l’air sur la flamme au moj’cn d’appareils ingénieux, de même l’Esprit-Saint, par ceux qui exorcisent, inspire la crainte et stimule l'âme, enclose dans le corps comme en un creuset, et le démon s’enfuit, et la santé demeure avec l’espoir de la vie éternelle ; enfin, purifiée de ses péchés, l'âme arrive au sidut. » Plus loin, ibid., n. 14, col. 353-356, Cjrille insiste en détail sur les règles de décence à observer dans les exorcismes, et il veut, notamment, que les catéchumènes des deux sexes soient rangés en deux groupes séparés, « les hommes avec les hommes, les femmes avec les femmes. » Cat., xiii, n. 3, P. G., t. xxxiii, col. 773-776, il vante l’efricacité des exorcismes chrétiens, en tant surtout qu’elle repose sur le mystère de la croix : « Si quelqu’un ne croit pas à la vertu du crucifié, qu’il interroge les démons ; si des paroles ne le convainquent point, qu’il se rende devant des faits éclatants. Il y a eu, par le monde, bien des hommes attachés sur une croix, et pourtant aucun d’eux n’est redouté des puissances infei’nales, qui tremblent au seul aspect du signe de la croix sur laquelle notre Christ est mort pour nous. C’est que les premiers ont été crucifiés pour leurs propres péchés, tandis que le Christ s’est livré pour les péchés d’autrui. » Nous apprenons encore de Cyrille qu’il existait des exorcismes même pour l’huile des catéchumènes. Il écrit, en clïet, Cat., xx, n. 3, col. 1079-1080 : ' Ainsi dépouillés, vous avez été oints de l’huile exorcisée, depuis le sommet de la tête jusqu'à la plante des pieds, et vous vous êtes trouvés associés à l’olivier franc qui est Jésus-Christ. Détachés de l’olivier sauvage, vous avez été entés sur le tronc de l’olivier franc, vous avez part à la sève vigoureuse du véritable olivier. L’huile exorcisée était donc un symbole, signifiant l’association à la vigueur du Christ et écartant incontinent tout vestige de la puissance ennemie. De même que le souffle des saints et l’invocation du nom de Dieu brûlent les démons, comme ferait une flamme très ardente, et les met en fuite, de même cette huile exorcisée acquiert, par l’invocation de Dieu et par la prière, une telle force que non seulement elle purifie, en les brûlant, les traces des péchés, mais qu’elle met en déroute les invisibles puissances du mai. »

III. Discipline actuelle et doctrine del'Église. — 1° Exorcisme des possédés. — L'Église n’a pas abandonné, il n’y a aucune apparence qu’elle doive abandonner jamais la pratique des exorcismes, même des exorcismes au sens plein et primitif du mot, c’est-àdire des rites destinés à expulser le démon des personnes, des lieux ou des objets où sa présence et son influence se trahissent par des manifestations sensibles. Voir Démons et Démoniaques. Mais c’est une doctrine traditionnelle, déjà formulée par saint Hihiire et saint Athanase, voir plus haut, et solennellement rappelée par le concile provincial de Vienne de 1858, tit. IV, c. x, CoUeclio lacensis, t. v, col. 186, qu’avec la diffusion universelle du christianisme le démon a vu son pouvoir diminué et que, par conséquent, les cas de véritables possessions diaboliques sont devenus beaucoup plus rares. D’ailleurs, les in convénients de la précipitation et de méprises éventuelles en semblable matière, très regrettables de leur nature et en toutes circonstances, acquerraient facilement, à notre époque, dans un monde frondeur et trop sceptique, une gravité exceptionnelle. C’est une des raisons qui ont déterminé l'Église à tracer, soit pour le discernement des cas de possession, soit pour l’exorcisme lui-même, des règles strictes et précises dont ou trouvera un résumé à l’art. [Exorciste. Ces règles tendent aussi à sauvegarder constamment, dans les rapports avec les mauvais esprits, et les droits souverains de Dieu, et la dignité humaine ; elles vont à empêcher qu’aucune forme de conjuration ne dégénère soit en pratique superstitieuse et magique, considérée comme agissant en quelque façon mécaniquement, soit en une sorte de prière ou d’hommage adressé au démon, et, par conséquent, eu un acte d’idolâtrie satanique. Telles sont les idées et les préoccupations qui ont guidé toutes les générations chrétiennes dans l’usage des exorcismes, comme on peut le voir par les témoignages que nous avons empruntés aux Pères.

Elles se retrouvent dans les principes formulés et défendus par les grands théologiens, notamment par saint Thomas d’Aquin, excellent interprète, ici comme ailleurs, de la tradition catholique. Le docteur angélique se demande, Siim. tlieoL, II Ilf, q. xc, a. 2, « s’il est permis d’adjurer les démons, » et il répond : « Il y a deux sortes d’adjurations : l’une, par manière de prière ou de sollicitation, et qui est fondée sur le respect qu’on porte à un être saint ; l’autre, par manière de compulsion. Il n’est pas permis d’adjurer les démons de la première manière, parce que cette forme d’adjuration paraît impliquer une certaine amitié, une certaine bienveillance, sentiments que nous ne pouvons avoir à l'égard des démons. Quant à la seconde manière d’adjurer, celle qui est compulsive, son usage sera permis ou ne le sera pas, suivant le but que l’on poursuivra. Dans le cours de cette vie, en effet, les démons sont pour nous des ennemis. Mais leurs actes ne sont pas soumis à notre pouvoir ; ils sont, en revanche, soumis au pouvoir de Dieu et des saints anges ; car, selon saint Augustin, De TriniL, 1. III, c. iv, « l’esprit i( rebelle est gouverné par l’esprit juste. » Nous pouvons donc, pour empêcher les démons de nous nuire dans nos âmes ou dans nos corps, les repousser comme on repousse des ennemis, en les adjurant par la vertu du nom divin, usant en cela de la puissance divine que le Christ nous a communiquée lorsqu’il a dit, Luc, x, 19 : Voilà que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les seorpions et toute la puissance de l’ennemi, et elle ne pourra vous nuire en rien. Mais il n’est pas permis de les adjurer pour en apprendre quelque chose, non plus que pour obtenir quelque chose par eux, parce que cela impliquerait une sorte d’association avec eux. »

L’efficacité des exorcismes pour expulser les démons est analogue à celle que les théologiens catholiques reconnaissent à cette catégorie d’actes et d’objets qu’ils appellent des sacramentaux ; elle est donc, non point d’ordre physique, mais d’ordre moral ; elle n’est pas, du moins suivant l’opinion la plus commune, ex opère operato, comme celle des sacrements, bien qu’elle ne repose pas principalement et proprement sur la sainteté personnelle de l’exorciste ; à plus forte raison, elle n’est pas inconditionnée et infaillible. Indépendamment des mérites du ministre, elle s’explique par trois considérations, elle a comme un triple aspect : a) les démons ont naturellement horreur des mystères de notre religion auxquels se rattache le souvenir de leur défaite ; voilà pourquoi, à la seule vue du signe de la croi.x, à la simple invocation du nom de Jésus, etc., ils souffrent et s’enfuient ; b) c’est l'Église qui prie dans la personne de l’exorciste, c’est à sa