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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/240

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EXORCISME — EXORCISTE

dit, reconnais la sentence qui te frappe, et rends honneur au Dieu vivant et véritable ; rends honneur à Jésus-Christ, son fils ; rends honneur au Saint-Esprit, et retire-toi de ce serviteur de Dieu N., appelé par la bonté de Dieu et de Notre-Seigneur Jésus-Christ à la grâce, à la bénédiction, à la fontaine du baptême. Et ce signe de croix, que nous imprimons sur son front, n’aie jamais, diable maudit, l’audace de le profaner. »

Pour le baptême des adultes, les prières de l’exorcisme sont plus longues, ses cérémonies plus nombreuses ; et de même que le sujet répond personnellement aux questions posées par le prêtre, de même il prend, naturellement, une part plus active à l’accomplissement des différents rites. Cf. F. J. Dôlger, Der Exorcismus im altcliristlichem Taufrilual, Paderborn, 1909 ; Kawereau, art. Exorcismus, dans Realencydopâdie fiir protestantische Théologie iind Kirche, Z<^ édit., Leipzig, 1898, t. v, p. 695-700.

Exorcismes des choses inanimées.

Ce n’est pas seulement en faveur des personnes que l'Église estime les exorcismes utiles et les pratique ; c’est parfois à l'égard des habitations ou d’autres objets matériels. Elle sait que les démons, en tant que natures intelligentes et supérieures, ont la capacité naturelle d’agir dans le monde visible et d’en faire servir les forces à leurs desseins pervers, bien que leur action, là comme ailleurs, reste toujours subordonnée aux règles et limites imposées parla divine providence. Elle professe également aussi que, par suite du péché, ce pouvoir originel des esprits mauvais a pris une extension nouvelle. En conséquence, des lieux et des choses, aussi bien que des personnes, peuvent être soumis à certaines influences diaboliques spéciales. L’exorcisme pratiqué en vue d'éventualités de ce genre n’est donc pas autre chose qu’une prière adressée à Dieu, au nom de son Église, pour qu’il daigne arrêter ou refréner les influences dont il s’agit ; et cette prière, qui implique la foi en sa toute-puissance, implique pareillement l’espérance et une confiance filiale en sa miséricordieuse bonté. Parmi les choses auxquelles l’usage et le langage ecclésiastiques appliquent un exorcisme ou une bénédiction sous fonne d’exorcisme figurent notamment l’eau, le sel, l’huile ; et ces choses servent à leur tour pour la bénédiction ou la consécration, surtout solennelle, d’autres objets et de lieux destinés au culte public ou privé, comme temples, autels, ornements sacrés, cloches, etc. L’eau bénite, d’un usage si fréquent et si populaire parmi les fidèles, est ellemême un mélange d’eau et de sel exorcisés, auquel, grâce à la prière solennelle de l'Église, Dieu a attaché une vertu de protection spéciale contre les esprits infernaux. Voir Eau bénite.

Concluons en soulignant le caractère éminemment religieux et moral de l’exorcisme. L’exorcisme, tel qu’il a toujours été reçu dans l'Église catholique, est une conséquence naturelle, logique, de la croyance aux possessions diaboliques. Qu’il s’applique d’ailleurs directement à des personnes ou à des choses, non seulement il est fondé sur la promesse du Christ, Marc, XVI, 17, ainsi que sur son exemple et celui des apôtres, et conforme aux principes et aux usages de toute la tradition chrétienne, mais il constitue un acte de religion au fond duquel une analyse attentive découvre les éléments essentiels de divers actes vertueux. Exorciser dans les limites et en suivant les conditions rappelées plus haut, c’est attester qu’on croit et à l’existence des anges, et à la déchéance d’une partie d’entre eux, et aux suites funestes du péché, et surtout à la toute-puissance et à la miséricorde divines, desquelles on attend protection et secours efficaces contre les agissements des esprits mauvais. Les exorcismes, parce que leurs formules ne coiniiortenl, à l’adresse des démons, que des propositions impératives ou même comminatoires et des appellations humiliantes pour eux, évitent jusqu'à l’apparence d’hommages idolâtriques. En outre, parce que ces ordres sont donnés, ces menaces proférées, ces re' proches articulés au nom de Dieu ou de Jésus-Christ, parce que l’on attend de Dieu seul leur efiicacité, qu’on sait conditionnée par diverses dispositions morales du sujet ou du ministre, l’ensemble n’a rien du caractère magique et superstitieux des pratiques plus ou moins analogues que nous avons relevées chez différents peuples tant anciens que modernes. Que d’ailleurs, dans les siècles passés, on ait pu parfois abuser du recours à ces conjurations solennelles, en supposant trop facilement une intervention satanique, cela a priori ne serait pas très étonnant. Mais nous n’avons pas à examiner la question à ce point de vue purement historique. Cet article avait pour but de mettre en lumière le principe et l’essence de l’exorcisme ; il nous sulîit d’en avoir constaté la légitimité, en même temps que la sagesse des prescriptions par lesquelles l'Église en a réglé l’usage.

Probst, art. Ex3rris-niis, dans Kircheiilexikon, Frlbourg en-Brisgau, 1886, t. v, col. 1141-1146 ; Toner, art. Exir(i.sm, daiis The catholic encyclopedia, New York, 1909, t. v. p. 709-711.

J. FORGET.


EXORCISTE. — I. Coup d'œil historique. II. Effets et nature de l’ordination d’exorciste. III. Conditions et règles imposées aux exorcistes.

I. Coup d'œil historique.

Le nom d’exorciste, en latin exorcisia, en grec èlopxt’TTriç ou i-Koç>ynTTr, ç, n’est, étymologiquement et dans l’usage primitif, que le nom concret correspondant à l’abstrait exorcisme ; celui-ci est l’acte, celui-là le sujet agissant. Dans les auteurs profanes, chez les écrivains juifs, souvent chez les Pères et même dans les livres du Nouveau Testament, quiconque exorcise, surtout s’il le fait habituellement, est appelé exorciste. Cf. Act., XIX, 13 ; Josèphe, Ant. jiid., VIII, ii, 5 ; Lucien, Epigr. in Anlhol., xi, 427. De soi donc, cette dénomination n’implique ni une dignité ou un ministère ecclésiastique, ni l’entrée ou l’enrôlement dans une catégorie réservée, fermée aux profanes. Exorciste est synonyme d’exorciseur.

De fait, nous voyons qu'à l'époque des origines chrétiennes et jusque vers le milieu du iiie siècle, tous le) fidèles, ceux du moins à qui les charismes n’avaient pas été refusés, pouvaient prétendre à exorciser. C’est ce qu’attestent clairement Tertullien, Minucius Félix et d’autres auteurs à peu près contemporams, cités à l’article précédent ; c’est ce que dit notamment ce passage de VApologeticus, c. xxiii, P. L., t. i, col. 410 : « Qu’on amène devant vos tribunaux une personne certainement tourmentée par le démon. Sur l’ordre qui lui en sera intimé par un chrétien quelconque, cet esprit se proclamera démon en toute vérité, comme ailleurs il se déclare faussement dieu. » La même conclusion se dégage de ces lignes diDe idototatria, c.xi, P. L., t. I, col. 794 : « Le chrétien vendeur d’encens, comment, en passant par les temples païens, conspuera-t-il les autels fumants ? Comment leur lancera-t-il un souffle de mépris et d'éloignement, après les avoir alimentés ? Avec quelle confiance exorcisera-t-il les clients dont sa maison se fait la pourvoyeuse ? Qui' s’il réussit, lui, à chasser le démon, qu’il n’en fasse pas honneur à sa foi : ce sera plutôt une faveur facilement obtenue de celui qu’il rassasie quotidiennement.' Nous trouvons encore une confirmation de l’usage existant au c. XLi du De preescripi., P. L., t. ii, col. 68, là où le fougueux Africain reproche aux « femmes hérétiques l’insolence qu’elles poussent jusqu'à oser enseigner, discuter, accomplir des exorcismes : » le