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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/297

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EXTASE

1894

tien semblable à ceux qu’avaient avec Dieu les anges avant leur conllrmation en grâce, lorsqu’ils ne le voyaient pas encore face à face, mais tlans l’obscurité de la foi.

On peut dès lors également comprendre ce qu’aflirment les saints et les maîtres : dans l’oraison ordinaire la grâce élève l'âme en lui conservant sa manière ordinaire d’agir ; dans la contemplation parfaite — el l’extase fait partie de cette contemplation parfaite — la grâce élève l'âme en changeant sa manière d’agir. Enfm, comme il n’y a que Dieu qui puisse élever l'âme miraculeusement à la faveur spéciale de converser avec lui, à la manière des anges, d’esprit à esprit, il faut conclure que, dans l’extase, l'âme vit dans un perpétuel miracle.

Mystiques et théologiens sont tous d’accord quand ils parlent de l’obscurité de la connaissance de Dieu acquise dans l’extase : la lumière est trop vive, elle éblouit, et l'âme, revenue à elle-même, se trouve impuissante à décrire ces splendeurs et ces ombres, cette lumineuse obscurité. Hœc conlemplatio nerjativa (licitiir Clara caligo quia ob nimiam lacis abundanliam inlcllccliis obscuraliir : quemadniodiiin qui inluetur solem, radiorum fulgorc obcœcalus nihil cernit, sed ianliim inlclligil solem esse magnum quoddum lumen, sic Deus in isla caliginc injnndil animw luccm magnam quæ facil ut illa inlclligal non jeun veritateni cdiquam paiiiculeuem, sed acquiral generalem quamdam et eon~ fusuni noliliam cjus incomin-ehensibills bonilalis, iinde anima incipil efjormarc allissimum de Deo ideam, licet confuscmi. S. Alphonse de Liguori, Praxis confessariorum, n. 13.5. Cf. Suarez. De oralione, 1. XIII, c. XXVIII. L’auteur, longtemps connu sous le nom de Denys l’Aréopagite, écrivait déjà : « Il y a vis-à-vis de Dieu une très divine gnose qui s’obtient par agiiosie, au moyen d’une union supérieure à l’intelligence, lorsque l’intelligence, détachée de tous les êtres et en sus dépouillée d’elle-même, s’unit aux clartés supersplendides, en elles et par elles s’illuminant de l’inscrutable abîme de la sagesse. « Trad. Dulac, p. '2.54 : P. G., t. iii, col. 572. Cf. S. Jean de la Croix, Nuil obscure, 1. II, c. xvii, t. iii, |i. 428-'l.'J2 : B^*' Angèle de Foligno, Vj’e, c. xxiv, xxvi ; S"' Madeleine de Pazzi, Œuvres, part. IV, c. xvii.

Trois sortes d’extases divines.

L’extase est

le troisième des quatre degrés que sainte Thérèse donne à la contemplation : la quiétude, l’union simple, l’union extatique, l’union consommée. Voir Contempi..TioN. La sainte décrit l’extase dans sa Vie, c. xviii sq.. et dans la vi « demeure du Cliâlecm intérieur.

On peut distinguer trois sortes d’extases : 1, extase simple, qui se produit doucement, et où l’action divine ne se fait pas sentir très fortement ; 2. le ravissement, extase subite, irrésistible. Sainte Tliérèse admet que l’on peut lutter avec succès contre Dieu dans l’extase simple ; dans le ravissement c’est tout à fait impossible, au moins la plupart du temps. Sans réflexion préalable, sans nulle coopération personnelle, vous vous trouvez saisi par un mouvement d’une force et d’une impétuosité inouïes. Vous sentez… cet aigle puissant vous enlever sur ses ailes. » Vie, c. XXII, t. vil, |). 24.3. 3. Le vol de l’esprit. Le ravissement est parfois si impétueux qu’il paraît emporter l’esprit loin du coips, et les séparer. L'âme prend son vol et semble abandonner son vêtement de chair. Cf. Château intérieur, W demeure, c. iv. D’ailleurs, entre l’e.xtase simple, le ravissement et le vol de l’esprit, il n’y a qu’une différence de degré. ' Ravissement, élévation, vol de l’esprit, c’est tout un, et ces différents noms n’expriment qu’une même chose qu’on appelle aussi extase. » Vie, c. xx, t. i, p.241.

Liberté el mérite pendant t’extase divine.

Saint

Thomas, Si(m. llwoL, l' II » , q. cxiii, a. 3, ad 2°'", estime

que l'âme est toujours libre, même dans l’extase ; quelques auteurs ont soutenu le contraire. Suarez, De oralione, 1. II, c. xx, se range à l’avis de saint Thomas qui semble bien aussi être celui de saint Augustin, de saint Jean Chrysostome et de saint Bernard. Cf. Analecta juris pontiflcii, liv. 48 et 49, col. 1266 ; Benoît XIV, De servorum Dei bealiftcatione, 1. III, c. IV, n. 14. Sainte Thérèse prend nettement position et aflirme que l'âme alors ne peut perdre son temps. Cantique des Cantiques, c. vi. Cf. Poulain, Des grâces d’oraison, c. xviii, 37.

Effets.

 1. Sur les sens extérieurs. — Parfois

tout rapport avec le monde extérieur cesse ; les actes de la vie végétative seuls continuent. — 2. Sur tes sens intérieurs. — Ils sont aussi quelquefois annihilés, leur action est toujours amoindrie. Cf. Meynard, Traité de ta vie intérieure, t. ii, p. 332 sq., qui cite sur la question l’opinion des plus grands théologiens. — 3. Sur l’intelligence et la volonté. — Voir ce qui a été dit des effets de l’extase en général, col. 1883 sq. Th. de Vallgornera, Tlieologia mijstica d. Tliomæ, q. iv, disp. II, a. 17, résume ainsi d’après sainte Thérèse les effets de l’extase : Le premier effet se manifeste dans le corps ; on croirait que l'âme l’a quitté. Il arrive que l’extase guérisse maladies et infirmités. Le second est un ardent désir de servir Dieu. Le troisième est un mépris et un dégoût beaucoup plus intense du monde. Le quatrième, une plus intime connaissance de Dieu et de soi. Le cinquième, une soif ardente de Dieu et du ciel. Le sixième, une blessure d’amour délicieuse et cruelle. Le septième, une joie profonde qui se manifeste à l’intime de l'âme et la rapproche de Dieu. On peut consulter sur les blessures d’amour un chapitre excellent du P. de Maumigny, Prcdique de l’oraison mentale. Oraison extraordinaire, 4e édit., c. xix.

Durée.

Sainte Thérèse, Vie, c. xviii, t. i, ^

p. 225, aflirme que chez elle la suspension simultanée des puissances n’a jamais duré une demi-heure ; elle écrit encore, c. xx, p. 254 : « Comme je l’ai dit pour l’oraison d’union, cette transformation totale de l'âme de Dieu dure peu. » Et pourtant il est des extases qui durent parfois de longues heures, des jours, des semaines. Voir Poulain, Z)es grâces d’oraison^ c. xviii, 7. Cf. Imbert-Gourbeyre, La stigmediscUion, t. ii, p. 278. L’aliénation des sens semble, en eflet, dans bien des cas, avoir duré et des jours et des semaines ; la suspension totale et simultanée des puissances de l'âme' a-t-elle été aussi longue'? Ilestdifticile, impossible même, de répondre à cette question ; il faudrait entendre chaque extatique en particulier. Sainte Thérèse répond pour elle-même. Très courts sont les instants oii l'âme est toute plongée en Dieu ; bientôt l’intelligence et la mémoire se reprennent à agir, la volonté seule reste unie pleinement. Ainsi unie, elle maintient le corps dans une impuis.sance absolue et comme mort ; ce qui l’aide à reprendre plus facilement et à replonger en Dieu l’intelligence et la mémoire qui lui avaient échappé. L’aliénation des sens restant complète, l’union des facultés de l'âme est donc plus ou moins forte ; il y a, dans l’extase, connne un flux et un reflux ; la divinité inondant et absorbant plus ou moins les puissances de l'ân^e. S'> ; Thérèse, Vie, c. xx, t. i, p. 255, 256 ; Cliâteau intérieur, vi<^ demeure, c. iv. On comprend dès lors comment la sainte peut aflîrmer que ses plus longues extases ne durèrent jamais plus d’une demi-heure ; elle parle de l’union totale de l'âme avec Dieu ; on comprend aussi comment l’on peut dire que certaines extases ont duré des jours et des semaines ; ceux qui parlent ainsi considèrent la durée de l’aliénation des sens, sans tenir compte de l’intensité plus ou moins grande de l’union de l'âme avec Dieu.