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EXTRÊME ONCTION DU 1’^ AU IX" SIÈCLE


du second Évangile. L’auteur n’hésite pas, il rapproche saint Marc et saint Jacques. « Ce que dit l’apOtrc ne s’écarte pas de ce qu’affirme l’évangéliste. » Suit le texte de l’Épître. Et Victor d’Antioche ajoute : (I L’huile adoucit les fatigues du travail, entretient la lumière et ménage la gaieté. Donc l’huile qui est employée dans l’onction signifie et la miséricorde de Dieu et la guérison de la maladie, l’illumination du cœur. Il est clair que la prière produit tous ces effets, l’huile, à mon avis, les symbolise. » Cramer, Catenæ grœcorum Palriim in Novum Testamentum, Oxford, 1844, t. I, p. 324. Si on ne retenait que cette dernière affirmation, on pourrait être tenté de croire que l’auteur voit dans l’huile une simple figure. Mais considéré dans son ensemble, ce témoignage montre que les chrétiens font comme les disciples de l’Évangile des onctions qui guérissent : seulement, ce qui dans ce rite obtient, d’après lui, la grâce et la santé, ce n’est pas la matière employée, c’est la prière prononcée : l’huile n’est qu’un symbole de ce qui est donné en raison de la supplication. C’est ainsi que saint Augustin parlait de l’eau et de la formule du baptême. Cf. de Sainte-Beuve, op. cit., col. 49-50 ; Kern, op. cit., p. 45. Au reste, nous savons qu’à cette époque, en Syrie, l’huile est en usage. Rabbouhi, évêque d’Édesse (412-435), et Isaac d’Antioche (f après 459) l’affirment expressément. Il faut donc voir dans le texte de Victor une intéressante énumération des effets de l’onction des malades : elle apaise Dieu, guérit, donne au cœur la lumière, sans doute en augmentant la foi. Recommandée par saint Jacques, elle se rattache aux miracles opérés par les disciples de Jésus.

Rabboula prescrit « que les moines ne donnent pas l’huile, spécialement à une femme. Mais s’il y a un moine qui manifestement possède le charisme, il pourra donner l’huile aux hommes, et s’il y a des femmes qui en aient besoin, il leur enverra l’huile par leurs maris, » Overbeck, S. Ephrœmi Syri, Rabbulæ, episc. Edesscni…, opéra selecla, Oxford, 1865, p. 210. Ainsi, selon l’évêque d’Édesse, les moines appliquaient l’huile : il leur défend de le faire, à moins qu’ils n’aient le charisme, leur intervention ne doit être qu’extraordinaire. L’efi’et de leur onction semble être purement physique.

Isaac d’Antioche nous apprend aussi que des « femmes sottes » préfèrent à l’onction « d’un prêtre périodeute » celle du premier venu, d’un prétendu ascète, d’un inoine imposteur. « Femme accorde ton aumône au reclus, mais reçois l’onction de ton prêtre ; nourris le moine, mais que ton huile soit celle des apôtres…, celle du crucifié et reçois du prêtre l’onction… On néglige l’huile des apôtres et des martyrs qui ont souffert la mort pour la vérité et l’huile du mensonge reluit sur la figure de femmes perverties. Les serviteurs du Christ, les orthodoxes ont coutume de conduire leurs malades et leurs infirmes au saint autel, mais ils n’osent pas administrer l’huile, de peur de paraître mépriser la demeure d’expiation ; là où il y a un prêtre chargé de conduire le peuple, ils observent les justes règlements. » BickeW, Conspecl as rei Syrorum lilei arias, Munich, 1871, p. 77-78. Ainsi, il y a une huile des malades et des infirmes ; ses effets doivent être précieux, elle peut être nommée huile du crucifié, huile des apôtres et des martyrs. Pourquoi ces dernières appellations ? Kern, op. cit., p. 29, conjecture que c’est parce que les Syriens croyaient pouvoir faire dériver des apôtres et partant des martyrs la matière en usage dans leurs églises. Ne serait-ce pas plutôt parce que l’huile brfilée en l’honneur des martyrs près de leurs tombeaux et de leurs reliques était en très haute estime ? S. Jean Chrysostome, Homélie sur les martyrs, P. G., t. L, col. 664 ; S. Augustin, De civilale Dei, P. L., t. XLi, col. 767. Quoi qu’il en soit, l’onction doit être

faite par le prêtre : Isaac le répète à satiété, sous toutes les formes, ainsi le veut le juste usage, ainsi agissent les orthodoxes serviteurs du Christ.

Même son de cloche en Arménie. Le catholicos Jean Mandakuni (f vers 498) combat les remèdes magiques. En user, « c’est mépriser les dons de la grâce. Car l’apôtre a dit : Quelqu’un est-il malade ? » Suit le texte. Puis Mandakuni rappelle quel traitement fait disparaître le démon : c’est le jeûne, la prière, le signe de croix. Les prêtres superstitieux sont plus gravement coupables ((ue les fidèles, « eux qui abandonnent la grâce de Dieu, la prière et l’huile de l’onction que des ordres imposent pour les malades… Les commandements de Dieu ne nous prescrivent-ils pas la prière pour les malades et l’onction d’huile… ? Celui qui les méprise… s’expose à la malédiction des apôtres. Ainsi vous faites disparaître les grâces de Dieu, la vertu de la sainte croix, et lejeîàne et la prière que des ordres prescrivent… » Schmid, Heilige Reden des Joannes Mandakuni, Ratisbonne, 1871, p. 222 sq. Maladie et possession, onction et exorcisme sont distingués avec précision. L’application d’huile est utile à la santé, mais elle est aussi un don spirituel et elle est obligatoire en vertu d’un précepte divin, enseigne Mandakuni.

La superstition était dilficile à déraciner : c’est aux mêmes usages que s’attaquait un peu plus tard Procope de Gaza († 525). Commentant l’interdiction jetée par le Lévitique, XIX, 31, sur les devins et les évocateurs d’esprits, il proscrit le recours aux démons. Qu’on supplie Dieu en l’appelant Sabaoth, et qu’on lui demande la santé, soit ! « Mais bien plutôt, déférez à ce conseil : Quelqu’un est-il infirme, parmi vous, qu’il appelleles prêtres de l’Église…, etc. » P. G., t. lxxxvii, col. 763-764. Donc, en Syrie, au temps de Procope. l’extrême onction est considérée comme un remède. La fin spéciale que se proposait le rhéteur de Gaza l’obligeait à ne pas énumérer les autres effets du rite.

La magie était à la mode en Gaule comme en Orient. Dans trois sermons, saint Césaire († 543) lui oppose l’emploi d’huile bénite. « Chaque fois, dit-il, qu’une maladie surviendra, que le malade reçoive le corps et le sang du Christ et qu’ensuite il oigne son corps afin que s’accomplisse en lui ce qui est écrit (le texte de saint Jacques est alors cité). Considérez, mes frères, que celui qui malade aura couru à l’église, méritera de recevoir la santé du corps et d’obtenir la rémission des péchés. Puisque donc deux biens peuvent être trouvés dans l’église, pourquoi s’adresser aux enchanteurs ? … » Serm., CCL.KV, n. 3, Appendice aux sermons de saint Augustin, P. L., t. xxxix, col. 2238-2239. Dans un autre sermon, l’évêque d’Arles combat encore les pratiques superstitieuses : <i Combien il serait plus juste et plus salutaire de courir à l’église, de recevoir le corps et le sang du Christ, de s’oindre avec foi d’huile bénite ainsi que les siens 1 Et comme le dit saint Jacques, on recevrait non seulement la santé du corps, mais aussi la rémission des péchés. » Serm., cclxxix, n. 5, P. L., t. xxxix, col. 2273. Dans un troisième texte, on lit : « Ce qui est pis, ils [les fidèles] ne réclament pas le remède d’église, l’auteur du salut et l’eucharistie du Christ. Et, comme il est écrit, ils devraient oindre » (perunguere). Lejay propose de donner au mot le sens réfléchi (s’oindre). Le rôle théologique de Césaire d’Arles, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, Paris, 1905, t. x, p. 609 ; Netzer, op. cit., p. 207, croit, au contraire, que ce verbe doit s’entendre au sens passif (être oint) ; Boudinhon, Revue du clergé français, Paris, 1911, t. Lxviii.p. 725-726, cornbat cette explication. « Les fidèles devaient oindre d’huile bénite par les prêtres (ou bien oindre par les prêtres d’huile bénite) et placer en Dieu tout leur espoir. » Sermon publié par dom Morin, Revue béné-