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FEU DE L’ENFER


teux commis pendant cette vie ; ce souvenir ronge comme le ver et consume comme le feu. »

En somme, voilà toutes les autorités que l’on peut invoquer dans l'Église grecque en faveur du feu métaphorique. Si l’on retranche saint Grégoire de Nysse et saint Jean Damascène, dont l’opinion concorde tout à fait avec le courant traditionnel, il ne reste qu’Origènc, dont les erreurs sont connues, et Théopliylacte, dont l’autorité est de peu de poids.

b) Dans l'Église latine, on invoque l’autorité de Lactance et de saint Ambroise.

a. Ladanee est l’un des premiers qui ont essayé d’expliquer la nature et l’action du feu de l’enfer. Lui aussi affirme que le feu éternel « est d’une nature différente du nôtre, cujiis natura diversa est ab hoc nostro… qui, nisi alicujiis materiæ fomite alitur, extinguitiir, Inslit. div., 1. VIT, c. xxr, P. L., t. vi, col. 802 ; c’est une sorte d’aliment divin, qui se suffit à lui-même, sans qu’il soit nécessaire de l’alimenter. » Est-ce là nier la réalité du feu infernal ? Nullement, c’est simplement indiquer une dissemblance que personne ne songe à nier. Mais que Lactance conçoive le feu de l’enfer comme quelque chose de distinct des sentiments de l'âme du damné, la suite de son texte l’indique suffisamment : …est parus, ac liquidus, et in aquæ modum flaidus.

b. Plus grave serait l’autorité de saint Ambroise, si un seul texte pouvait faire autorité contre le sentiment clairement exprimé par le même Père dans plusieurs autres endroits de ses œuvres. Dans son commentaire In Luc., 1. VII, n. 205, P. I, ., t. xv, col. 1754, saint Ambroise dit expressément : Sicul ex multa cniditate et febres nascuntur, et vermes, itu, si quis non decoqual peccata sua, vcl quadam interposita sobrictate abstinentiæ, sed miscendo peccata peeccdis tanqnam cruditateni quamdam contrahat veteruni et rccentiorum delictorum, igné proprio et suis vermibus consumctur… Ergo neque est ignis aliquis perpetuus flammarum corporalium, neque verniis est corporalis… Ignis est quem générât mœstitia dclictorum. Voir aussi. In ps. i, n. 56, P. L., t. XIV, col. 952. Ou bien nous n’avons ici qu’un aspect incomplet de la pensée de saint Ambroise, ou bien il faut croire que, sur le point précis du feu réel ou métaphorique, ce Père n’avait pas d’idée bien arrêtée, car, en plusieurs autres endroits de ses œuvres, l’enfer est représenté comme un lac de feu et la peine des sens comme causée par le feu réel. Voir spécialement. De fide, 1. II, n. 119 ; In ps. xxxvi, n. 26 ; De Nabuthe, n. 52, P. L., t. xvi, col. 584 ; t. xiv, col. 980, 747. Sur la doctrine réaliste de saint Ambroise, voir Niederhuber, Die Eschatologie des hl. Ambrosius, Paderborn, 1907, p. 104 sq.

2. Pères dont l’opinion sur la réalité du feu de l’enfer serait douteuse. — a) Saint Jérôme a été accusé d’origénisme, voir Enfer, col. 75, et y consulter les auteurs cités. En ce qui concerne la négation du feu réel, on retient de ce Père trois textes principaux :

In Is., 1. XVIII, c. Lxvi, ꝟ. 24, P. L., t. x.xiv, col. 676 : Vermis auteni qui non moritur et ignis qui non extinguctur, a plerisque conscientia aecipitur peccalorum, quæ lorqueat in suppliciis constitulos. Mais, on le remarque à la simple lecture du texte, saint Jérôme rapporte ici une opinion qui a cours de son temps, voir plus haut, col. 2201 ; il ne dit pas qu’il y adlière.

Il s’agit bien ici de l’opinion des origénistes ; saint .Jérôme la mentionne expressément dans l’Apologia udu. libros Rufini, ii, 7, P. L., t. xxiii, col. 429 : Igncs uutem seternos, quos intelligerc snlel Origencs, puto quod te non fugiat, conscientiam indelicct pccccdorum et jnenitudinem interna cordis urentem. De quu et Isaius laquiiur : vermis eorum non morietur et ignis eorum non extinguetur. Simple citation d’opinion.

Dans l’Epist., cxxiv, ad Avilum, n. 7, /'. L., t. xxir.

col. 1065, saint Jérôme rapporte encore la même opinion d’Origène, sans, pour autant, la faire sienne : Ignem quoquc gehennir et tormenta, quæ Scriptura sancta peccatoribus conuuinatur, non ponit in suppliciis, sed in conscientia peceatorum, quando Dei virtute et poteidia ornnis memnria dclictorum anle oculos nostros ponitur… ; et quidquid fcceramus in vita vel turpe, vct impium, omnis eorum in conspectu nostro pictura describitur ac prœteritas voluptates mens intuens, conscientia ; punitnr ardorc et pœnitudinis stimulis confoditur. Il est à remarquer que cette lettre est écrite précisément pour redresser les erreurs du Ilep’t àpycôv d’Origène, dont saint Jérôme avait donné une traduction exacte. Il est donc bien évident, ici du moins, que non seulement saint Jérôme ne fait pas sienne l’opinion d’Origène, mais qu’il la rejette.

En sorte que seul le texte du commentaire sur Isaïe pourrait laisser un doute dans l’esprit du lecteur, car saint Jérôme n'émet aucune critique, ni directe, ni indirecte, à l'égard de la doctrine professée a plerisque. Petau, De angelis, 1. III, c. v, n. 2, affirme que c’est sa coutume d’agir ainsi à l'égarddeserreurs manifestes. Quoi qu’il en soit, saint Jérôme a rejeté explicitement l’opinion du feu métaphorique dans son commentaire In Epist. ad Ephesios, 1. III, c. v, 6, P. L., t. XXVI, col. 522. Développant ce texte : Nemo vos decipiat inanibus verbis, il applique l’expression de « frivolités " à la conception du feu métaphorique qui, flattant les pécheurs et leur donnant confiance, les conduit plus sûrement aux éternels supplices : Verba quæ decipiunt atque supplantant, inania sunt et vacua. Quæ vero œdificant auditores, plena, cunudata, conferta. Quia igitur sunt pleriqne qui dicunt, non futura pro peccatis esse supplicia, nec extrinsecus adhibenda tormenta, sed ipsum peccatam et conscientiam delicti esse pro pœna, dum vermis in corde non moritur, et animo ignis accenditur, in similitudinem febris quæ non iorquet extrinsecus œgrotantem, sed corpora ipsa corripiens punit, sine cruciatuum forinsecus adhibitionc quod possidel. Has itaquc persuasiones et decipulas frcmdulentas, verba inania appellavit et vacua, quæ videntur ftorem quemdam habere sermonun^, et blandiri peccatoribus ; sed dum ftducitmi tribuunt, magis eos ferunt ad œterna supplicia.

b) Saint Augustin, dont l’autorité est d’un si grand poids, a été, affirme-t-on, hésitant sur la question de la réalité du feu de l’enfer.

a. Dans le De Genesi ad litteram, 1. XII, c. xxxii, P. L., t. xxxiv, col. 480, les lieux infernaux où sont tourmentés les damnés nous sont représentés comme incorporels, mais semblables aux corps, et saint Augustin conclut : Est ergo prorsus inferoruni substantia, sed eam spiritualem arbitror esse, non corporalem.

b. Dans le De civitate Dei, nous relevons plusieurs textes où la doctrine du feu réel en enfer est présentée comme plus probable, mais sans que l’auteur veuille absolument trancher la question. Au 1. XX, c. xxii, on lit ce résumé de la pensée du saint docteur : In pœnis autem malorum et ine.vlingnibilis ignis et vivacissimus vermis, ab cdiis atque (dits éditer atque cditer est cxpositus. Alii quippe utrumque ad corpus, alii utrumque ad animum rctulerunt ; alii proprie ad corpus ignem, tropice ad animum vermem, quod credibilius esse videtur. P. L., t. xLi, col. 694. Au 1. XXI, c. ix, col. 723 sq., ce résumé reçoit son développement naturel, dans le conunentaire que saint Augustin fait d’Is., lxvi, 24, et de Marc, ix, 42-47. Tout d’abord, le première opinion est examinée : le ver rongeur et le feu sont des peines de l'âme ; en ce cas, le feu ne serait que la douleur du remords dévorant l'âme coupable. Saint Augustin rapporte cette opinion sans l’approuver, mais aussi sans la blâmer formellement ; il laisse entendre seulement que les partisans d’une telle doctrine