Marsilc, > mais le cavalier disparut. Mercati, ému, hors de lui-même, se rendit à la maison de Ficin. Il apprit que son maître était mort à l’heure de l’apparition. Et, ajoute Baronius, JMercati, homme d’une probité antique et d’une vie innocente et utile à tous, comme il convient à un philosophe, ne cultiva plus, à partir de ce moment, que la philosophie chrétienne, et, le reste de sa vie, mort au monde et vivant seulement pour la vie future, offrit le modèle d’un clirétien parfait. Voir un récit quelque peu différent dans Audin, Histoire de Léon X, nouv. édit., Paris, 1850, t. i, p. 33-34, et en rapprocher deux lettres de Ficin, Epist., 1. I, fol. 2-3, 6 b, l’une à Michel Mercati, où il rappelle leurs colloques fréquents sur les choses divines, l’autre où il raconte une apparition qu’auraient eue sa mère et son grand-père maternel à la mort de sa grand’mère maternelle.
II. Œuvres. — Ficin lui-même donne la liste de ses œuvres, mais incomplètement, dans deux lettres. Epist., 1. I, fol. 8 b-9 a (sans date) ; 1. IX, fol. 199É200 a (du 12 juin 1489). Sans parler de petits commentaires sur Lucrèce qu’il rédigea puer adixuc et qu’il jeta au feu, ni de ses traductions des Argonauliqiies, des Hymnes d’Orphée, d’Homère et de Proclus et de la Théogonie d’Hésiode, production de son adolescence qu’il ne livra pas au public, Epist., 1, XI, fol. 2226, ses écrits peuvent se diviser en quatre classes.
1° Les traductions.
Au premier rang, celle de
Platon (56 livres). Puis les traductions, en général partielles, de divers auteurs grecs, la plupart néoplatoniciens : Plotin (54 livres). Porphyre, Proclus, Jamblique, Alcinoiis, Priscien, Speusippe, Xénocrate, Théon, les Vers dorés de Pythagore, Mercure Trismégiste, et, parmi les chrétiens, l’auteur des œuvres que Ficin, avec ses contemporains, attribuait à Denys l’Aréopagite, ainsi que Synésius et Michel Psellus. A signaler encore les traductions d’un petit psautier et du De rnonarcliia deDante, et la traduction de l’anglais / ; ; linguani liumunam (le latin) de l’Oraculurn Aljonsi régis ad regem Ferdinandum. De toutes ces traductions celle de Platon est de beaucoup la plus importante. La version des dix premiers dialogues fut terminée sous le gouvernement de C.osme de Médicis († 1464), celle des neuf suivants sous celui de Picr : e († 1469), le reste, du temps de Laurent le Magnifique : l’édition princcps, assez incorrecte, cf. Epist., 1.’VIII, fol. 182, jiarut à Florence, vers 1477. Ce fut un événement mémorable. Ues parties isolées de l’œuvre de Platon avaient été traduites. Ficin réussit à « faire pour Platon ce qu’une légion de laborieux érudits de tous pays avaient fait pour Aristote deux et trois siècles auparavant : mettre la philoso]ihie nouvelle à la portée (le tous les esprits cultivés non pas de l’Italie seulement mais de tout l’Occident, fournir à une élite les moyens d’en puiser les éléments à leur source la plus pure et la plus authentique, » et il le fit, « si l’on tient compte (les obstacles à vaincre, avec un succès incontestable. » C-crtes, sa traduction n’est point parfaite. Depuis lors, des passages obscurs ont été cclaircis, des erreurs de copistes redressées, des manuscrits inconnus de l-’icin utilisés, et les travaux sans nombre consacrés à Platon ont apporté de la lumière ; d’autre part, sa version est trop littérale. Mais elle a des mérites véritables, reconnus par des hommes de la valeur de IJuhle, de Tennemann, de Riltcr, d’Ueberweg, de Chaignet, de C. Huit. Cî. C. Huit, Le jvatonisme pendant tu Renaissance, dans les Annales de pliilosophie clirélienne, nouv. série, Paris, 1895-1896, t. xxxiii, p. 27.5-277.
2° Écrits pltilosopltiques.
Viennent, sous cette
lubrique, les (ï ; uvres de philosophie ou même de
théologie platonicienne, en particulier ses « arguments » sur tous les livres de Platon et de Plotin, son commentaire considérable du Banquet ou le De amore, les deux écrits de sa jeunesse : les Institutions pledoniciennes (1456) et le De voluptate (1457), les 1 arguments » sur la Théologie mystique et les Noms diuins de l’Aréopagite, le De.sole (cominiraison de Platon et de Den>s l’Aréopagite entre le soleil et Dieu) et le De lamine. Platon n’est pas sans intervenir même dans le De vita qui s’annonce comme un ouvrage de médecine et traite, dans les deux premiers livres. De vita suna et De vila longa, mais, dans un troisième livre intitulé : De vita eœlitus comparanda, on retrouve Platon et les néo-platoniciens à propos de V « âme du monde » , de l’influence des astres, etc. De ces écrits le principal est la Theologia platonica sive de immorlalilate animorumel œterna felicitate, « le monument le plus important sans contredit de l’école platonicienne au xv<e siècle. » C. Huit, op. cit., p. 365366.. C’est un commentaire théologique de la doctrine de Platon, et surtout une amplification éloquente du Pliédon, une démonstration de l’existence et de l’immortalité de l’âme.
3° Écrits théologiques.
Le plus long et le plus
précieux est le De religione christicuia et fidei pictate : il était commencé en 1474 et sûrement fini en 1477. Cf. c. IX, fol. llb ; Epist., 1. I, fol. 25 6-26 « ; 1. III, fol. 98 6-99 a. Ficin a écrit également des commentaires sur les Évangiles, sur les Épîtrcs de saint Paul (en dépit du titre, ce commentaire ne traite que des trois premiers chapitres et d’une partie du IV de la lettre aux Romains), le De divina gratta, etc.
4° Lettres.
Ce recueil, en douze livres, est
inappréciable pour connaître non seulement l’humaniste, mais encore l’homme, le chrétien, le prêtre. Malheureusement les lettres ne sont pas disposées selon l’ordre chronologique, et peu sont datées ; la plupart de ces dernières le sont des années postérieures à l’ordination sacerdotale. Ficin y a fait figurer les dédicaces de ses écrits et divers opuscules philosophiques ou théologiques, tels que le De felicitate, les Qua’slioncs quinque de mente, le Compendium platonicæ Iticologiæ, VArgamenturn in platonicam theologiam (prélude à la Theologia platonica), le De convivio, le De vita l’iatonis, le De institutione principis (il s’agit d’un cardinal), VOralio ad Deum theologica, le De raptu Pauli ad tertium cœlum et animi immortalitale.
III. Doctrines.
1° Le platonisme de Ficin.
Jusqu’où est allé le platonisme de Ficin ? Jusqu’au
paganisme strict, d’après divers auteurs, en tête
desquels se place, pour l’étendue et la véhémence de
son réquisitoire, Mgr Gaume, La Révolution, Recherches
historiques sur l’origine et la propagation du mal en
Europe depuis la Renaissance jusqu’à nos jours, Paris,
1856-1857, t. H, Révolution française, p. 260-261 ;
t. VIII, Le rationalisme, p. 208-218, 241-242. Il juge
que Ficin est un pur païen. Ce chanoine assiste Cosme
de Médicis mourant et, au lieu de lui faire recevoir
les sacrements, il le prépare à paraître devant Dieu
en lui lisant Platon. Il « ne possède dans sa chambre
ni crucifix, ni statue de la sainte Vierge, ni image de
saint. Tout cela est remplacé par un buste de Platon
devant lequel est suspendue une lampe jour et nuit
allumée. « La communauté des femmes et des biens
et l’infanticide ordonnés par Platon « lui semblent
des choses excellentes et les bases d’un État bien
réglé. » Il appelle ses auditeurs non pas ses frères
en Jésus-Christ, mais ses frères en Platon. Il enseigne
un rationalisme audacieux, faisant du philosophe « le médiateur entre Dieu et l’homme, homme pour
Dieu et Dieu pour les hommes, i Il demande sérieusement
qu’on enseigne la philosophie de Platon
da » s les églises comme l’Écriture sainte, et il le fait.