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FILIOQUE


hypothèse n’est pas fondée sur les documents historiques. C’est dans les actes du IIP concile de Tolède, convoqué en 589 par le roi Reccarcd, que l’on trouve pour la première fois le symbole de Constantinople avec cette addition : ex Paire et Filio procedentem. Mans ;, Concil., t. ix, col. 981. Le 3= canon de ce concile prononce aussi l’anathènie contre ceux qui refusent de croire que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, ibid., col. 985 ; on déclare catholique une foi qui ne peut être autre que celle de Constantinople, can. 11. On y défend aussi d’altérer ou de changer les symboles promulgués et sanctionnés par les anciens conciles, et on invite les Églises d’Espagne et des Gaules à réciter le symbole de Constantinople secundiim formam orienluliiim ecclesianim concilii conslantinopolitani, hoc est, ccntum quinquaginta episcoporum. Can. 2, ibid., col. 993. Des actes donc de ce concile il résulte que les Pères de Tolède proposèrent la doctrine du Filioqiic comme approuvée par les conciles de Nicèe et de Constantinople ; mais ces Pères ne donnent pas d'éclaircissements sur l’addition au symbole, ce qui aurait eu lieu sans doute s’ils en avaient été les auteurs. L’addition du Filioqiie au symbole de Constantinople se trouve aussi dans le texte du symbole renfermé dans les actes des VIIP(653), XIP(681), XIIle(683), XV<^(688), XVII « (G94)conciles de Tolède, du IV « concile de Braga(675) et du concile de Mérida (666). Mansi, Concil., t. x, col. 1210 ; l. xi, col. 77, 154, 1027, 1062 ; t. xii, col. 10, 96.

Il va sans dire que les écrivains orthodoxes, en général, rejettent l’addition du Filioque au symbole comme une interpolation, dont la responsabilité ne tombe pas sur les Pères des anciens conciles de Tolède. Zoernikav et Eugène Boulgaris citent, à l’appui de cette assertion, les anciennes éditions latines des actes des conciles, Cologne, 1530 ; Paris, 1535, où l’on ne trouve pas le Filioqiic. U-=.p Tr, ; èxTcopEjæco ; To-j àytou rivï-jjj.aTo :, Saint-Pétersbourg, 1797, t. i, p. 315. Prokopovitch dit : Z)o^ma/a//n « /? ! iisque ad concilium acquisgrancnse lalinis inaiiditum fiiil. Traclatiis de processione Spiritus Sancii, Gotha, 1772, p. 29. Le métropolite Macaire Boulgakov soutient que l’insertion du F iliaque dans le symbole a été faite en Espagne, à la fin du viiie siècle. Pravoslavnodoijmatitcheskoe bogoslouie, Saint-Pétersbourg, 1895, t. I, p. 257. Un polémiste grec moderne, Cyriaque Lampryllos, n’accepte pas, au contraire, les théories de SCS devanciers orthodoxes. L’idée de la procession binaire du Saint-Esprit, dit-il, se rapproche beaucoup (le celle de la doctrine trinitaire des ariens. Or les conquérants vandales et goths de l’Espagne étaient ariens ou semiariens et, en se convertissant au christianisme, ils gardèrent quelques traces de leur ancienne hérésie. Il n’est donc pas étonnant que, ]>our les arracher plus aisément à leurs croyances hérétiques, les évêques espagnols aient inséré le Filioque dans le symbole, comme s’il y eût été au moment de sa promulgation. La niyslification julalc, Athènes, 1883, ]). 10-11.

(^)uel jugement porter sur ces diverses opinions de la théologie orthodoxe ? Remarquons, tout d’abord, que, si, dans l'état actuel de la science, l’origine espagnole du Filiuquc ne soulève aucun doute, son insertion toutefois au symbole de Constantinople ne cesse point d'être obscure. Cerlurn est, écrivait saint Antonin de Florence, ncc credendum ab alio apposilum Filioque, rtisi a papa vcl aliquo concilio ; quis eniin alius hoc prseauinpsiHsii ? Verum a quo papa, vel concilio, non usquequiique cerium. Cluonica, III, tit. xxii, c. xiii, n. 13, Lyon, 1586, t. iii, p. 573. Du même avis est Thomas de.Jésus, qui toutefois penche à. croire (|U(î cette insertion remonte à la fin du vie siècle. J)f procnrunda sainte omnium ijentium, . l, c. iii,

Anvers, 1613, p. 328, 329. Voir Zoernikav, op. cit., t. I, p. 438-440 ; Tantalides, llaTriatixol ïty/o'., Constantinople, 1850, t. ii, p. 85-86. Quelques écrivains catlioliques n’hésitent pas à soutenir que le Filioque se trouvait dans le symbole de Constantinople in ipsa prima symboli formatione. Binius, dans Mansi, t. ix, col. 1006. Vincenzi en arrive à accuser les grecs d’avoir, au vii'e siècle, altéré le symbole de Constantinople, en y effaçant le Filioque. De processione Spiritus Sancii a Pâtre Filioque adversus grœcos, Rome, 1878, p. 01-63. Nous n’avons pas à réfuter cette hypothèse arbitraire. Il est inadmissible, en elïet, que les grecs aient pu falsilier le symbole, sans qu’il s'élevât dans l'Église grecque elle-même des voix de protestation, ou sans que les écrivains ecclésiastiques eussent consigné à la postérité le souvenir d’un événement de si haute importance.

D’après Bellarmin, le symbole avec l’addition a été récité pour la première fois au Ville concile de Tolède, en 653. Avant cette époque, dit-il, le symbole de Constantinople ne renferme pas le Filioque. Ce symbole a été lu en 589 au concile de Tolède, mais il n’avait pas alors l’addition latine. De Christo, 1. II, c. XXI, Opéra, Naples, 1856, t. i, p. 220.

De ce que nous venons de dire, il résulte : 1° que l’insertion du Filioque dans le symbole a été faite en Espagne ; 2° que la date de cette insertion n’est pas certaine ; cependant, il n’est guère probable qu’elle remonte au V et au vi'e siècle ; 3° que, dans sa polémique avec les grecs, la tliéologie latine ferait bien de ne pas trop insister sur l’autorité et le témoignage des conciles de Tolède dans le but de démontrer la vérité dogmatique du Filioque. L’authenticité, en effet, des professions de foi de ces conciles est douteuse, et l’on ne saurait décider avec assurance lequel de ces conciles aurait inséré le Filioque au symbole de Constantinople.

2° Le Filioque ci l' Église romaine. — Quelle a été la conduite de l'Église romaine à l'égard du Filioque ! Il faut distinguer entre l’atTu-mation de la vérité dogmatique exprimée par cette formule et son énonciation officielle au symbole. Pour ce qui concerne le premier point, il est hors de doute que les papes se sont toujours prononcés en faveur de la procession du Saint-Esprit du Fils ; il suffît de citer les noms de saint Léon le Grand, de saint Hormisdas et de saint Grégoire le Grand, voir t. iv, col. 805-806 ; mais pour ce qui concerne l’adoption officielle du Filioque au symbole de Constantinople, l'Église romaine a jugé bon de temporiser. A plusieurs reprises, elle n’a point cédé aux instances réitérées de ses fils les plus dévoués. Les papes n’ignoraient pas l’esprit chicanier des grecs. Ils craignaient, à bon droit, que l’insertion au symbole d’une formule dogmatiquement vraie n’eflarouchât le formalisme byzantin, ne semât dans l'Église l’ivraie de nouvelles hérésies, et les faits, malheureusement, allaient confirmer ces tristes prévisions.

Tandis que les conciles espagnols professent ouvertement leur croyance au Filioque, les papes s’abstiennent d’en parler dans leurs professions de foi. C’est ainsi que nous n’en trouvons pas trace dans la profession de foi que Pelage I" (555-561) envoya à Childebert, roi des Francs. Mansi, Concil., t. ix, col. 728-730. Remarquons toutefois qu’après les mots : ex Paire intemporaliter procedens, le pape ajoute : Spiritus Sanctus Pcdris est Filiique Spiritus, ce qui signifie que la relation du Saint-Esprit à l'égard du Fils ne diflère pas de sa relation à l'égard du Père. Le même silence est observé par le pape saint Agatlion dans la profession de foi envoyée à l’empereur Constantin Pogonat et à ses deux frères Héraclius et Tibère, en 680. Hahn, op. cit., p. 346-348.