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FIN DERNIÈRE


Wegscheider, Hermès, P. Janet, sur ce sujet ne sont que de l’anthropomorphisme. Voir C. Mazzella, DeDco créante, n.l77, p. 121 ; art. Création, col. 2163-2164, avec textes scripturaircs et patristiques, col. 21C72168.

d) La fin dernière absolue de la création, c’est la gloire de Dieu extrinsèque et formelle. — On connaît le sens de ces mots. Voir Création, ibid. Or tout dans la création, toute gloire extrinsèque objective, est essentiellement ordonné à cette communication suprême : Dieu connu, aimé, glorifié ; c’est la gloire formelle. Donc tout va à la gloire formelle extrinsèque de Dieu.

Un exemple qui sera en même temps l’explication d’une difficulté mettra cette doctrine en lumière. La gloire formelle divine : vénérer, aimer et en partie connaître Dieu, est au libre pouvoir de la créature intelligente, du moins en fait. Dieu aurait pu créer, il est vrai, les hommes et les anges // ! statu termini, dans son nécessaire et immobile amour. Il ne l’a pas choisi dans notre ordre, pour beaucoup de bonnes raisons, esquissées déjà à l’art. Enfer, col. 117, et qui seront développées aux art. Liberté et Prédestination. Et les anges, voir Anges, t. i, col. 1202 sq., 1223, 1237 sq., et les hommes, voir Homme, ont donc été créés in statu vise, dans un état d'épreuve ou de liberté par rapport à la fin dernière concrète elle-même.

Qu’arrive-t-il donc pour les malheureux qui se damnent, qui librement refusent d’aimer, de glorifier, de prendre et de posséder Dieu comme le bien, leur bien infini suprême ? Échappent-ils, eux, à la fin dernière absolue universelle de la création qui est la gloire divine formelle ? C’est impossible ; si c’est une fin absolue et universelle, rien n’y peut échapper et tout y est ramené pour que tout soit dans l’ordre. Seulement nous avons distingué plus haut les créatures propter seprovisæ, ce sont celles qui constituent la fin dernière concrète elle-même, et les créatures propter alla provisæ, ce sont celles qui servent les premières à atteindre la même fin. Or il ne faut pas hésiter avec saint Thomas, Qusest. disp.. De veritede, q. V, a. 7, à ranger tous les damnés dans cette seconde catégorie. Ils n’ont pas voulu de la participation personnelle formelle à la fin dernière universelle ; pour être ramenés à l’ordre, ils ne peuvent plus être que des instruments, comme les astres, les animaux, etc., de cette participation dans les autres. Et c’est ce qu’on exprime quand on dit que, sortis de l’ordre de l’amour, ils sont tombés dans l’ordre de la justice. Voir Enfer, col. 115-117. C’est le omnia propter electos, non de saint Paul, car II Tim., ii, 10 signifie autre chose, mais de la tradition, ou, de saint Paul, du moins implicitement, le omnia cooperantur in bonuni…, xoï ; /./'|T0' ; ojtiv, Rom., viii, 28, et le omnia propter vos de I Cor., iii, 23.

Dieu aurait-il pu vouloir un ordre où toutes les créatures libres se seraient damnées ? D’après ce que nous venons de dire, c’est la même question que celle-ci : Dieu pouvait-il créer un monde totalement irrationnel ? Nous avons dit que cela ne convenait pas à sa sagesse. La présente hypothèse conviendrait évidemment moins encore à sa bonté et à son amour.

e) Fin naturelle et surnaturelle. — Cette perfection suprême de connaissance et d’amour, sommet et fin dernière, finis opcris, de la création, peut être naturelle ou surnaturelle.

Elle peut être naturelle : c’est théologiquement certain, comme l’est la possibilité de l'état de nature pure. La nature de l'état de terme ou de fin dernière dans l’ordre naturel est la fixité dans la félicité ou dans la damnation, suivant le choix libre de la vertu ou du péché ; il n’y a pas de péché philosophique, en effet, mais dans tout ordre le péché est essentiellement théologique : choix ou rejet de Dieu lui-même.

l’unique fin dernière concrète en n’importe quel ordre.

La fin dernière peut être surnaturelle ; elle l’est en fait. Cela sera prouvé ailleurs. Voir Grâce. La perfection suprême surnaturelle, fin de notre création, est donc : Dieu donné en vision intuitive et en pur amour glorifiant et béatifié corrélatif. Mris tout cet exposé n’apparaît-il pas ici comme inconsistant, croulant par sa base ? L’union hypostatique, ou Dieu substantiellement possédé en unité de personne, n’est-elle pas une participation divine supérieure à la vision intuitive elle-même ? Et ne devrait-elle pas être par conséquent la fin de la création ? Nullement. L’union hypostatique et la vision intuitive sont dans des ordres totalement différents : la première est la communication divine suprême dans l’ordre quidditatif et statique ; la seconde est la communication divine suprême dans l’ordre opératif, dynamique, dans l’ordre du perfectionnement intrinsèque et formel des natures, donc dans l’ordre de la finalité. L’humanité du Christ elle-même n’aurait pas atteint sa fin dernière si elle n’avait reçu cette divinisation intrinsèque formelle de la grâce, de la vision et de la charité.

Cependant ces deux ordres de l’union hypostatique et de la divinisation formelle des natures créées, totalement différents, ne sont pas séparés. L’Homme-Dieu doit nécessairement être la tête de toute la création surnaturelle, de toute la création non seulement comme Dieu, mais aussi comme homme ; la tête, c’està-dire la cause exemplaire d’inépuisable richesse, la cause efficiente distributrice et méritoire s’il le faut, enfin la cause finale. En fait, c’est bien ainsi que tout vient du Christ de quelque façon, tout est régi par le Christ, tout va au Christ. Le texte cité : omnia propter vos, I Cor., iii, 23, ajoute vos autem Christi. Mais il faut conclure : Christus autem Dei ; car le Christ, comme homme, bien que fin de toute la création, n’en peut être la fin dernière absolue ; celle-ci, c’est Dieu seul, le Dieu unique et infini qu’adore, aime, possède, glorifie avec toute la création, plus que toute la création et au nom de toute la création, l’humanité déifiée de Jésus-Christ. Voir Mgr Gay, Vie et vertus chrétiennes, t. i, p. 20-32, 64-68 ; F. Anizan, ^/^ /((/, 2e édit., Paris, 1913, c. i, xv.

/) Fin et voie. — C’est évidemment en fonction de la notion de fin dernière que doit s'établir et s’analyser la notion d'état de voie, par opposition à l'état de terme. L'état de voie, c’est précisément l'état de tendance à sa perfection, ou à sa « finition » (per-fectio) ou à sa fin ; un état d'ébauche, de croissance, d’enfance. L'état de terme, c’est la fixité dans la vie parfaite, pleinement développée, finie, c’est-à-dire dans la fin dernière. On étudiera ailleurs la constitution et les rapports de ces deux états. Voir Liberté.

La fin dernière absolue et les créatures.

Dieu

considère et veut la fin dernière de la création, non pas finis operantis ou fin cherchée par lui, mais finis operis, fin essentielle à laquelle.Il dirige son œuvre en lui donnant les tendances connaturelles proportionnées. Ce sont ces tendances ou la façon pour les créatures d’aller à leur fin dernière, que nous devons maintenant considérer en elles-mêmes. Sans nous arrêter à toutes les analyses abstraites qui ont été esquissées plus haut et qu’il serait facile de transposer à ce nouveau point de vue, nous prendrons concrètement la distinction des créatures irrationnelles propter alia provisse et des créatures intellectuelles propter se provisæ.

1. Le monde irrationnel.

Il faut distinguer dans ce monde deux espèces de finalité, toutes deux essentielles, toutes deux ayant une fin dernière : une finalité intrinsèque ou immanente et une finalité extrinsèque. — a) Finalité intrinsèque. — Chaque être est dirigé à une fin propre, individuelle, proportionnée à sa