Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/619

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
2537
2
FIN DU MONDE

^38

interprétation. Augustin est resté indécis sur le sorL futur de la mer et il ne savait pas si elle sera anéantie ou conservée dans un état plus parfaiL. Des docteurs de l’Occident ont partagé son indécision et l’ont étendue à la purification du quatrième élément, le feu. Les avis sont différents aussi sur l'époque à laquelle s’allumera le feu de la conflagration finale : le feu purificateur précédera-t-il ou suivra-t-il le jugement dernier ? Plusieurs, qui l’identifient au feu du jugement, placent la conflagration du monde avant la sentence du juge. Des divergences de détails se manifestent enfin dans la description de l'état futur du monde renouvelé, sur lequel l'Écriture ne dit rien de précis.

/II. ÈWi^EiaxEMENT théoi.ogiqu E. — Les théologiens ont connu suffisamment les variations d’opinion de l’enseignement traditionnel. Il nous reste à voir comment, à partir du xii'e siècle, ils ont systématisé les données de l'Écriture et de la tradition et quelles spéculations ils y ont ajoutées. Malheureusement, en cette matière, la spéculation théologique, fondée en partie sur une science physique fausse, est loin d’avoir fait progresser la théologie. Les âges subséquents ont dû abandonner à peu près entièrement les opinions scolastiqucs sur la fin du monde.

1° Les théologiens du xii'^ au xiii<e siècle. — Nous pouvons considérer comme le premier théologien le Maître des Sentences, qui pourtant est encore exégète. Comme exégète, Pierre Lombard a commenté d’abord le ps. CI. Son exégèse est tributaire de celle de saint Augustin. Par les cieux qui périront, il entend, avec l'évêque d’Hippone, les cieux proches de la terre et il ramène leur destruction à un changement de qualités d’après la 11- lettre de saint Pierre. De superioribus auiem cœlis cœlorum non est cerlum, sed si manenl, non in se, sed Dec manenle. Les cieux qui couvrent tout seront changés. Mutata vel mutanda recte dicuntur quia jam non subjacebunt corruplioni sicut ante. In ps. Cl, 27, P. L., 1. cxci, col. 910. Pour le Lombard, le feu du jugement sera le feu purificateur. In EpisI. I ad Cor., iii, 13-15, col. 1558. Si la figure du monde passe, c’est sa beauté, et non pas sa substance. Cette figure vieillit tous les jours, et tandem in judicio mundanorum igniutn cum /lagratione peribil. La substance du monde libérée aura les qualités qui convieiment aux corps immortels. Substantia non périt, sed qualilas. Ibid., vii, 32, col. 1597-1598. Dans les Sentences, 1. IV, dist. XLVII, 4, P. L., t. cxcii, col. 955, le Maître résume brièvement sa pensée sur ce sujet : Domino veniente, præcedet ante eum ignis quo comburctur faciès mundi hujus ; et peribil cœlum et terra, non secnndum substaniiam, sed secundum speciem quæ immutabitur ; cœlum quidem acreum, non xthereum. Tantum cnim ascendct ignis in judicio quantum ascenderunt aquæ in diluvio. Les méchants qui seront encore en vie seront consumés par le feu ; les bons auront le sort des trois enfants hébreux dans la fournaise. Toutefois, in quitus (les bons), si quid purgandum fuerit, per illum ignem purgabitur. Le jugement dernier aura lieu, purgato mundo per ignem. Ce texte, dont la partie principale reproduit la pensée de saint Augustin, sera commenté par les théologiens pendant plusieurs siècles.

Ricliard de Saint-Victor expose son sentiment dans son commentaire de l’Apocalypse. Le début de la septième vision agit de innovatione fulura elementorum. Des quatre éléments trois seulement, d’après le texte, seront renouvelés, l’air, la terre et l’eau : la terre que le voyant a vue nouvelle, l’air, puisqu’il a vu un ciel nouveau, l’eau, puisqu’il dit qu’il n’y a plus de mer. On peut croire qu’il n’a pas parlé du feu qui doit être renouvelé, parce qu’il constate que le feu est souillé par peu ou point de corruption et que les autres élé ments doivent être purifiés par sa vertu à la dernière conflagration. S’il est dit que le premier ciel et la première terre ont disparu et si le voyant atteste qu’il en a vu de nouveaux, on ne doit pas penser que ces deux éléments, l’air et la terre, seront absolument consumés et que d’autres seront créés à leur place ; mais tous deux seront brûlés selon leur première forme et leur apparence, ils ressusciteront et ils seront renouvelés longuement et inestimablement mieux. Quelques-uns disent sur ce passage que l’eau sera complètement consumée par la force de ce dernier foyer ; mais il faut voir subtilement qu’il n’est pas parlé de l’eau, mais bien de la mer, pour montrer clairement que l’eau ne sera pas anéantie absolument, sed a corpulentia et omni corruptione et jalsa amariludine tune purgari. Quant aux trois éléments qu’il nomme, le voyant ne parle pas de leur consomption absolue, mais de leur purification parfaite par le feu et du renouvellement que Dieu fera d’eux. In Apoc, 1. VII, c. I, P. L., t. cxcvi, col. 859-860.

Alain de Lille s’occupe de la fin du monde dans son traité Contra hsereticos, 1. I, c. xxvi, P. L., t. ccx, col. 327. Quod autem legitur quod Deus in die judicii omnia faciet nova, sic intelligendum est : omnia innovabit, quia et tempora innovabuntur, et terra innovabitur, quantum scilicel ad exteriores qualitates, quia terra erit marmore planior et cryslallo clarior. Sic cœtera elementa erunt nova, id est, innovata, sicut pannus dicitur novus quando per rcparalionem est innovatus. Et homo dicitur fil lus novus per pœnilentiam innovatus. A simili, caro nostra erit nova, id est, per glorificutionem innovata. Il faut entendre de la même manière Apoc, xxi, 1, à savoir, de la terre renouvelée et de l’air renouvelé. Ici, sous le nom de ciel, c’est l’air qui est désigné, comme en Marc, iv, 4. Au jour de la résurrection, l’air ne s’altérera plus secundum diversas qualilates, comme il le fait maintenant. La parole de Notre-Seigneur, Matth., xxiv, 35, doit s’entendre de transitu accidenlali, non substantiali : le ciel et la terre ne passeront pas au point de cesser d'être ou ne seront pas changés en d’autres, ce qui serait un transitas substantialis, sed Iransibunt secundum exteriores qualilates.

2° Théologiens du xiii" au xive siècle. — Guillaume de Paris a touché à diverses questions qui nous intéressent ici dans son traité De universo, 1' II-'. Au c. XII, Opéra, Venise, 1591, p. 662, il expose qu’après la fin du monde il n’y aura plus de temps. Si les mouvements des cieux persévéraient, il y aurait du temps, car le mouvement ne peut exister sans temps. S’ils cessent, que ferait leurs moteurs intelligents et leurs âmes ? Ils seraient malheureux. Pourtant, selon la doctrine des chrétiens, le mouvement du ciel doit cesser complètement. Au c. xxxviii, p. 699, il explique quel sera le renouvellement du monde, insinué par les prophètes et prédit explicitement dans le Nouveau Testament. Le ciel et la terre ne sont pas incorruptibles. Dieu les conserve. Il peut donc les renouveler et améhorer les cieux et les corps célestes. Si Dieu pour quelques élus a perfectionné la terre qu’ils habitent durant leur vie, que ne fera-t-il pas pour un nombre bien plus grand d'élus, pour une durée éternelle, pour son épouse spirituelle, pour couronner ses fils, pour ses hôtes ? Pour rémunérer les cieux, les étoiles et les luminaires de leurs services, comme l’ont enseigné justement les sages des chrétiens, il les conservera, et ils continueront à éclairer les élus. Au c. xxxix, Guillaume décrit l'état futur du monde. La paix régnera entre les éléments. Les animaux, les végétaux et les minéraux ne seront plus nécessaires à l’homme. Les quatre éléments seront conservés ; la terre sera plus ornée, l’air plus pur ; il n’y aura plus ni nuages ni pluies ni tempêtes ; l’eau