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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.2.djvu/74

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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS^


XIII, can. 2, et celui de Constance, sess. VIII, 2'^prop. de Yyclif. Et, en effet, des « espèces » qui ne sont produites qu’après la consécration ne sauraient être dites demeurer, manere, et ce qui est transsubstantié avec le pain, ne restant à aucun degré, ne peut non plus manere sine subjecto. Theol. cursus integer, Lyon, 1671, dist. XL IV, q. ix.

Balli, en reliant le corps du Christ et les espèces par un vinculum e/ficiendæ, nous fait songer, très naturellement, au dynamisme leibnitzien. On sait que, pour l’auteur de la Monadologie, l’essence du corps ne consiste pas dans l'étendue, mais dans une force active primitive et une passivité première. Les propriétés spatiales des corps : étendue, impénétrabilité, inertie, mobilité, etc., ne sont que des phénomènes, c’est-àdire des effets dérivés des monades simples, qui, dans les substances composées, sont réunies entre elles par un vinculum subslanliale, qui est comme la forme du composé, un mode indépendant des monades dont il est l’union. Leibnitz se rapproche donc de la conception aristotélicienne qui distingue la réalité de la substance de celle de la quantité. La substance corporelle pourra être présente en un lieu d’une maiiière non dimensive ; rien ne s’opposera même à ce qu’elle soit présente en plusieurs lieux à la fois ; il suffira, pour cela, qu’elle y soit active, la substance, par ellemême, n'étant pas d’ordre spatial. Leibnitz expose, dans son Système de lliéologie, une explication du dogme eucharistique, qui est entièrement d’inspiration catholique. Il y prouve l’existence de deux accidents absolus, la masse ou le pouvoir de résister et l’effort ou le pouvoir d’agir, qui sont, par rapport aux corps, quelque chose d’absolu, de réel et de surajouté, que l’action divine pourra donc, sans contradiction, séparer des corps. Seulement, on aurait tort de voir dans le Syslema la pensée personnelle de Leibnitz. M. Baruzi a démontré qu’il n’est autre chose qu’un écrit " objectif » destiné à préparer l’union des Églises, en précisant mieux les principaux points de controverse. Baruzi, Leibnitz et l’oryanisalion religieuse de la terre, Paris, 1907, p. 242-243, note. On ne doit pas, en lisant Leibnitz, oublier qu’en raison même de sa fécondité et sa sympathie intellectuelle universelles, il est plein d’essais. Ce caractère afl’ecte aussi sa théologie. Il prouve à Arnauld « que la transsubstantiation et la présence réelle du même corps en plusieurs lieux ne diffèrent pas en dernière analyse et cju’on ne peut pas dire qu’un corps soit en plusieurs lieux distants, les uns des autres, autrement qu’en concevant que sa substance existe sous diverses espèces ou apparences. » Émery, Exposition de la doctrine de Leibnitz sur la religion, Paris, 1819, p. 418. Il tient surtout à prouver que sa philosophie se concilie avec le dogme de la transsubstantiation aussi aisément qu’une autre et il écrira au P. des Bosses : Si accidentia vultis restare sine subjecto, dicendum est, sublatis monadibus panem constituentibus quoad vires primitivas activas et passivas, substitutuque præsentia monadum corpus Christi constitucntium, restare solum vires dcrivalivas quæ in pane lucre, cadeni pliœnomena exhibentes, quse monades panis exhibuissent. Opéra philosophica, édit. Jo. Ed. Erdmann, Berlin, 1840, p. 463. Si des Bosses répugne à faire des espèces eucharistiques de purs phénomènes, Leibnitz tient en réserve une explication plus réaliste : le conlinuum corporel s'étant évanoui, à la suite de la transsubstantiation qui fait disparaître le vinculum subslantiale ou l’union réelle des monades du pain, il reste, néanmoins, les points isolés de la continuité primitive ; ces points, que Leibnitz appelle accidentels, servent de soutien aux qualités réelles. Ibid., p. 680. On le voit, il n’y a là qu’une transposition mathématique et leibnitzienne de l’explication de saint Thomas. Un point demeure dans l’ombre :

que deviennent, après la conversion sacramentelle, les monades du pain et du vin ? Le dynamisme offre incontestablement de grandes facilités d’explication : le corps du Christ est présent dans l’eucharistie per modum subslantise, d’une présence non locale : ni compénétration réelle, ni multiplication de petits corps humains organisés pour chaque élément sensible de l’hostie, comme chez les cartésiens qui ne peuvent concevoir une présence corporelle inétendue. Ces avantages sont vivement mis en lumière dans une brochure du chanoine Ubaghs, jadis professeur de philosophie à l’université de Louvain : Du dynamisme considéré en lui-même et dans ses rapports avec la sainte eucharistie, Louvain, 1852. D’après Ubaghs, « tout ce qui concerne les espèces eucharistiques se simplifie pour le dynamiste, qui n’hésite pas un instant à admettre la réalité des accidents absolus. » Op. cit., p. 133. Il cite un passage de Leibnitz, emprunté au Syslema theologicum, qui appelle toutes les réserves que nous avons faites plus haut, concernant le caractère réel de cet écrit. Leibnitz adoptait plutôt l’attitude nominaliste vis-àvis des accidents absolus ; il en faisait, comme les cartésiens, de purs états concrets de la substance. Opéra phil., p. 686 ; il écrit au P. des Bosses : Mallem accidentia eucharistica explicari per pliœnomena, ita non erit opus accidentibus non modalibus quæ parum capio. Ibid., p. 681. On admettra très difficilement aussi le réalisme outre d' Ubaghs qui lui fait écrire que « toute substance, essentiellement une, est toujours la même et tout entière partout où elle se trouve, sans se multiplier avec les individus, les phénomènes ou les accidents auxquels elle est unie. » Il devient, dès lors, très aisé, trop aisé de comprendre « comment le même corps de Jésus-Christ peut se trouver à la fois sous une si innombrable quantité d’espèces. » Op. cit., p. 119.

Le dynamisme eucharistique compte aujourd’hui encore des défenseurs intrépides. Le P. Leray, eudistc, a rajeuni les principales thèses dynamistes dans sou intéressant ouvrage : La constitution de l’univers et le dogme de l’eucharistie, Paris, 1900. Le P. Léonard Lehu, des frères prêcheurs, consacra à l’ouvrage du P. Leray trois articles dans la Revue thomiste, mars, mai, juillet 1901, où il lui reproche d’avoir cru « que, par suite des découvertes de la science, la théologie eucharistique était aujourd’hui réduite à une page blanche sur laquelle il lui serait loisible d'écrire ce qu’il voudrait. » Le P. Leray riposte dans les Annales de philosophie chrétienne, novembre 1901, que, si, « pour mettre d’accord sa foi et sa raison, il a senti le besoin d’inventer un système nouveau, il ne l’a point inventé au gré de sa fantaisie, » comme le P. Lehu semblait l’insinuer. Il nous a paru que ce système, sur plusieurs points, retrouvait les thèses de Joseph Balli. D’après le P. Leray, après la transsubstantiation, le corps du Christ soutient les accidents du pain : blancheur, rondeur, à la place du pain « en ce sens que certains des éléments de ce corps, carbone, hydrogène, oxygène, azote, supportent réellement et en toute rigueur les accidents particuliers des éléments du pain qu’ils remplacent. » Annales de phil. chréL, loc.cit., p. 175. Le corps de Jésus-Christ « est présent tout entier sous chacun des petits volumes occupés précédemment par les atomes du pain et, par suite, l’ensemble des positions où il a multiplié sa présence forme une figure ronde ; mais cette figure n’affecte aucunement son corps qui est présent à l’instar d’un esprit, sauf pour les éléments substitués à ceux du pain, dont ils ont revêtu toutes les propriétés. » Ibid. Les accidents passent donc du pain au corps de NotreSeigneur ; le P. Leray tient avec Lugo que ce corps supporte (sustentai) les accidents non in eodem génère causæ. Nous percevons donc visiblement l'éclat et