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EPHÉSIENS (ÉPITRE AUX ;


aiment Jésus-Clirist. 24. Sans doute, Tychiqiie donnera aux destinataires des nouvelles de l’apôtre, mais il reçoit la même mission, et dans les mêmes ternies, pour les Colossiens, iv, 7, 8, ce qui n’empêche pas saint Paul d’ajouter de sa main sa salutation personnelle, 18. L’Épître aux Éphésiens ne contient non plus aucune salutation des compagnons de saint Paul, alors que celle aux Colossiens en a plusieurs, iv, 10-14. qui précèdent celle de l’aiiôtrc et ses recommandations pour les Laodiccens, 15-17. Les procédés épistolaircs sont donc très diflcrents. Le thème dévelojjpé jicut sans doute convenir à l’Église d’Éphèse, composée de juifs et de païens convertis, mais il est aussi d’un intérêt général et il est exposé d’une façon générale, de telle sorte que les enseignements sont appropriés également à toutes les Églises de l’Asie proconsulaire, même à celles que l’apôtre n’a ni fondées, ni visitées. Toutes ces circonstances se vérifient mieux dans l’hypothèse d’une lettre circulaire que dans le fait d’une Épître adressée à une Église connue et aimée, que saint Paul n’avait pas revue depuis trois ans.

Du reste, divers passages de l’Épître montrent que l’apôtre était complètement étranger à ceux à qui il écrivait. Ainsi il dit : « C’est pourquoi, aj’ant entendu parler de votre foi au Seigneur Jésus et de votre charité pour tous les saints, je ne cesse, moi aussi, de rendre grâce pour vous » , i, 15. C’est le langage d’un homme qui a connu par ou’i-dire la foi et la charité de ses lecteurs et qui a attendu, pour leur donner place dans ses prières, d’avoir entendu parler de leurs vertus chrétiennes. L’apôtre s’exprime dans les mêmes termes au sujet des Colossiens, qu’il n’a jamais vus. Col., i, 3, 4. Il ne connaissait donc pas davantage les lecteurs, dont il parlait ainsi, et il ne s’agit ni de la persévérance des Éphésiens, ni des bonnes nouvelles de leur piété, reçues depuis leur séparation. Plus loin, à la fin de son exposé dogmatique, saint Paul rappelle qu’il est l’apôtre des gentils et qu’il est prisonnier à cause de cet apostolat, et il ajoute : « Si du moins vous avez entendu parler de la charge que la grâce de Dieu m’aaccordéeen vuede vous, » iii, 1, 2. Puis, il explique longuement, 3-12, l’origine de sa vocation à l’apostolat. Les chrétiens d’Éphèse connaissaient assurément la vocation spéciale de saint Paul, et il n’était pas nécessaire de la leur décrire ; un simple rappel eût suffi pour eux. L’explication est donnée à des lecteurs qui pouvaient ignorer l’origine de cette mission cl a qui il importait de la faire connaître. Assurément, la conjonction E’.-’S n’exprinie aucun doute sur le fait, dont les lecteurs auraient pu’entendre parler ; elle a plutôt le sens emphatique que le sens négatif. Néanmoins, cette forme de langage étonne vls- ; Vvis des Éphésiens, qui vraisemhlablement connaissaient tous les détails de la vocation apostolique de saint Paul, et il n’y avait nul besoin de les leur répéter, pas plus que de leur faire remarquer que l’apôtre avait l’intelligence du mystère chrétien, 4, et que son enseijnement était conforme à celui des autres apôtres. I. 6. I--nfin, saint Paul termine la description des désordres des païens par ces mots : « Mais, pour vous, ce n’est point ainsi (avec ces sentiments) que vous avez connu le Christ, si du moins vous l’avez entendu et si vous avez été instruits en lui, > iv, 20, 21. Ici encore, îïye n’exprime aucun doute sur la conversion des destinataires de la lettre au christianisme, puisfjue l’apôtre n’aurait pas écrit à des païens. Néanmoins, il reste surprenant cjuc Paul se soit exjjrinié ainsi au sujet <le hdéles cpiil avait évangélisés et qui lui devaient d’avoir connu.Iésus-( ; hrist et l’ICvangile. Os paroles conviennent mieux à des chrétiens quel’apôtre n’avait pas catéchisés et dont il ignorait le degré d’instruction religieuse.

Dès le ive siècle, Théodore de Mopsueste, adonné à l’explication littérale et grammaticale de l’Écriture, avait remarqué que le contenu de l’Épître aux Éphésiens ne cadrait pas avec le récit des Actes, et il en avait conclu que l’apôtre avait rédigé cette lettre avant d’avoir été à Éphèse, In Epist. ad Epli.. P. G., t. Lxvi, col. 912 : Traclatiis in Epist. ad Epli., arg. (sous le nom de saint Hilairc de Poitiers), dans Pitra, Spicilegiiim Solesmense, Paris, 1852, t. ii, p. 96-98 ; Swete, Theodori episcopi Mopsucsleni in Epist. Ti. Paiili conimentarii, Cambridge, 1880, t. i, p. 110. Son disciple Théodoret le réfutait bientôt par des arguments historiques et avec une compétence égale à celle d’un critique moderne, /n SpisI. arf /Jp/i., P. G., t. Lxxxii, col. 505, 508. Le sentiment de Théodore de Mopsueste a néanmoins été reproduit en Orient par lu Synopsis saciæ Scripturæ, attribuée à saint Athanase et qui est de la fin du v<e siècle, P. G., t. xxviii, col. 417, 420, et par Œcumenius, au x* ; siècle, Epist. ad Eph., P. G., t. cxviii, col. 1165, et en Occident à la fin du xir siècle, par Hugues de SaintVictor, Qiiœst. in Epist. ad Eph., P. L., t. clxxv, col. 567, et par Pierre Lombard, In Epist. ad Eph., P. L., t. cxcii, col. 169. Le diacre Euthalius disait aussi que saint Paul avait envoyé cette lettre aux Éphésiens lorsqu’il ne les connaissait, comme les Romains, que par la renommée. £dî//o Epist. Pauli, P. G., t. lxxxv, col, 704 ; H. von Soden, Die Schriften des N. T., Berlin, 1902, t. I, p. 652. Cf. l’argument pseudo-euthalien de l’Épître, col. 761, qui développe les mêmes fausses données. L’Ambrosiaster, de son côté, a écrit : Ephesios apostolus non fundavit in ftde, scd confirmavit. Gaudens in eis ad meliora scripsit. In Epist. ad Eph., P. L., t. XVII, col. 371-373. Raban Maur copie l’Ambrosiaster, Expositio in Epist. ad Eph., P. L., t. cxii, col. 381, et Alton de Verceil sait que quelques-uns ont ce sentiment. In Epist. ad Eph., P. L., t. cx.xiv, col. 547. L’Ambrosiaster dépendait probablement du prologue marcionite. corrigé par un catholique : Ecclesii sunt Asiani. Ili acccplo rerho vcritatis pcrslitcrunt in fuie. Hos conlaudat apostolus scribens eis a Roma de carcerc. Dom de Bruyne, dans la Revue bénédictine, janvier 1907, j). 15. Ce prologue a été rciiroduit par le pseudo-Euthalius, /-". G., t. lxxxv, col. 607, par Walafrid Strabon, Glossa ordinaria, P. L., t. c.xiv, col. 587, par Lanfranc, Epist. b. Pauli apostoliad Eph., P. L., t. CL, col. 287-288, et par Pierre Lombard, P. L., t. cxcii, col. 109, avec l’addition : pcr Thycicum diaronem. Il a été transcrit purement et simplement par Claude de Turin, In Epist. ad Eph., P. L., t. civ, col. 842, par Alton de "Verceil, In Epist. ad Eph., P. L., t. cxxiv, col. 545-546, et par saint Bruno, In Epist. ad Eph., P. L., t. cliii, col. 315-316. Le fond en a été adopté par saint Thomas, Epist. ad Eph., y>To. et c. i, lect. m. Opéra, Paris, 1876, t. XXI, p. 260, 261, par Denys le (Chartreux, Epist. ad Eph., dans Opéra, Montreuil, 1901, t. xiii, p. 297, et par Aureoli (xiv"e siècle), CoHipp/x/jH/n sensus litlrralis totius dirinaScriptunr, Quaracchi, 1896, p. 292. Ce sentiment n’est que l’écho inconscient de l’hypothèse marcionite d’une lettre par laquelle saint Paul reprenait les Laodicéens ((ui avaient élé prévenus par de faux ajjôlres et qu’il n’avait pas vus.

Si le caractère général de la lettre n’eni|)êchait pas ces comnienlaleurs cîilholicpies de reconnaître dans les Éphésiens ses seuls destinataires, c’était par suite de l’erreur historique sur la non fondation <le l’Eglise d’Éphèse par saint Paid ; dans cette fausse supposition, ils admettaient facilement que saint Paul avait confirmé dans la foi les Éphésiens qu’il n’avait pas encore vus. Mieux instruits sur la fondation de la communauté chrétienne d’Éphèse par saint Paul, beaucoup de critiques nKwIcrne » ..ni vine siècle, se ralliant à un