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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE

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que prcsentent les autres liturgies. D’après cette opinion, qui garde encore quelques partisans, voir, par exemple, P. de Punict, Fragments inédits d’une liturgie égyptienne écrits sur papyrus, dans le Congrès eucharistique de Londres, p. 380, 390 sq., ce serait l’oraison Qiuirn oblalionem qui représenterait cette cpiclèsc. Mais l’analogie générale entre le canon occidental et les anciennes anaphores d’Orient, voir dans Hoppe, op. cit., p. 119-120, le tableau des concordances entre la liturgie clémentine et la messe romaine, les similitudes remarquables du canon romain et du canon gallican ou mozarabe (voir un tableau de ces similitudes dans mon article de la Revue aagustinienne, 1909, t. xiv, p. 313-315 ; cf. Cagin, avant-propos au t. v de la Paléographie musicale, Solesmes, 1886, p. 91-92) permettent d’affirmer, malgré toutes les opinions contraires, que le Supra quæ et le Supplices te rogamus représententl’ancienne épiclèse romaine, « dont la forme a été légèrement modifiée pour éviter les erreurs d’interprétation auxquelles a donné lieu l’épiclèse dans certaines liturgies. « Cabrol, Dicl. d’archéol. chrét. et de lit., art. Anamnèse, t. i, col. 1885.

A ces raisons fondamentales il faut ajouter aussi le caractère d’unité que présentent les formules du canon, depuis Unde et memores jusqu’au Mémento des morts : elles forment en réalité, de l’avis des anciens liturgistes, une seule oraison : Oratio quarto illa est, quic proxime post consecralionem habetur in illis vcrbi’s : Unde et memores, Domine, etc., et extenditur usque ad ilhid : Mémento etiam. Domine, nam ante (Mémento) ponitur conclusio : Per Christum Dominum nostrum. Bellarmin, Controv., 1. II, De missa, c. XXIV, cité dans Hoppe, op. cit.. p. 130, note 283. Cette unique oraison ainsi délimitée comprend les mêmes éléments que les prières faisant immédiatement suite aux paroles de l’institution dans les liturgies orientales. Anamnèse ([//ide et memores) ; offrande (Offerimus… de fuis donis ac datis) ; prologue de l’épiclèse ou demande générale d’acceptation, puis épiclèse proprement dite (Supra quæ et Supplices te). Hoppe montre longuement, op. cit., p. 121-201, à la lumière des commentaires liturgiques et d’un grand nombre d’autres documents traditionnels, que le texte et les rites de ces dernières formules y révèlent une véritable épiclèse, exprimée seulement enfermes plus mystérieux que dans les autres liturgies. Voir spécialement Hoppe, p. 130 sq., 137, 141-142, 149, 155, 157, 160 sq., 165, 167 sq., 176 sq., 180-187. Voir aussi P. de Puniet, dans le Congrès eucharistique de Londres, p. 393, note 3, où ce critique, bien que partisan de l’opinion opposée à celle de Hoppe et à la nôtre, cite des textes insinuant clairement la demande de transsubstantiation contenue dans le Supplices romain. Cf. Cagin, Te Deum ou illatio, Paris. 1907, p. 215-238.

Quant aux signes de croix et bénédictions qui accompagnent cette oraison, nous avons vu plus haut que des esprits, tels que saint Pierre Damien et Innocent III, les considéraient comme des rites épiclétiques. Voir aussi Assémani, Bibl. orient., t. ii, p. 202, cité par Hoppe, op. cit., p. 208, note 456. La signification de ces rites est, du reste, à ce point naturelle, qu’au temps du concile de Trente leur présence dans le canon, après les paroles du Sauveur, effarouchait maints théologiens, entre autres Maldonat, Hoppe, op. cit., p. 110-111, et que plusieurs Pères du concile exprimèrent le désir de les voir supprimer : Placerel multis quod non fièrent cruccs super hosticun consecraiam, ne videretur aliquid déesse ad suam sanctificationem. Le Plat, Monumenta…, t. v, p. 432.

Nicolas Cabasilas et, après lui, un grand nombre de liturgistes et de théologiens orientaux, voient, eux

aussi, l’épiclèse romaine dans les prières en question. Orsi écrit à ce sujet, op. cit., p. 122 : Easdem esse nos laudatæ orutionis (.Jubé liiec perferri) atque apud Grœcos invocationis Spiritus Sancii notiones, lubens admitto, et a Cabasila non contemnendis rationibus loto illo capite demonslratur.

Tout nous paraît concorder à attester l’existence, , après le récit de l’institution, d’une épiclèse romaine analogue pour le sens à toutes les autres, bien qu’assez dilTérente dans les expressions. Toutefois il est possible que le canon romain ait possédé, comme les aiiaphores égyptiennes, une double épiclèse : l’une l)lus courte avant le récit de la cène (Quam oblalionem ) ; l’autre plus explicite, l’épiclèse normale (Su/Jraquæ et Supplices te), après ce récit. Voir mon article : L’épiclèse dans le canon romain de la messe, dans la Revue augustinienne, 1909, t. xiv, p. 303-378. Cf. Maltzew, De vestigiis epicleseos in missa romana, dans Acta II conventus Velehradensis, Prague, 1910, p. 135143. Tout nous porte à conclure avec Hoppe, op. C17., p. 208-209, à la concordance absolue du canon romain et des anaphores orientales. « L’acte consécratoire est ici comme là, au point de vue liturgique, une solemnis oratio développée en un grand acte de prière et de bénédiction, en une invocation de la puissance créatrice de Dieu, en une épiclèse du Verbe ou du Saint-Esprit. Le mode de consécration ne diffère pas substantiellement, ni quant au texte ni quant aux rites, de celui des Églises orientales. La chaire de Pierre a conservé intact l’héritage que lui a laissé le l)rince des apôtres et, en vertu de sa primauté, elle scelle comme pleinement catholique l’héritage des autres Églises. » Nous faisons volontiers nôtre cette conclusion, en y ajoutant seulement l’affirmation expresse de l’efficacité consécratoire absolue que possèdent, indépendamment des autres prières liturgiques, les paroles de l’institution constituant la formule centrale de cette eucliologie eucharistique. Ajoutons aussi qu’il faut nécessairement faire la part de l’hypothèse en ce qui concerne l’origine apostolique attribuée ici nettement par Hoppe à l’épiclèse. Nous devons, d’ailleurs, dire maintenant un mot de cette question.

Signalons auparavant une dernière donnée sur laquelle il y aurait lieu d’insister beaucoup au point de vue liturgique, et qui ne laisse pas d’avoir aussi une grande importance théologique : c’est l’existence, dans toutes les liturgies d’Orient et d’Occident, pour l’administration de tous les sacrements ou même des sacramentaux, d’épiclèses analogues aux épiclèses eucharistiques. La comparaison avec les épiclèses de la bénédiction de l’eau baptismale ou de la bénédiction des huiles serait particulièrement intéressante.

iir. oniniXES de l’épiclèse. — On peut soutenir, nous venons de le montrer, que l’épiclèse existait dans toutes les liturgies au ve siècle. Est-ce à dire qu’elle ait été absolument primitive ? Cette universalité même porterait à le penser, et plusieurs liturgistes l’ont admis. Hoppe, op. cit. ; Renaudot, op. cit., l^assim ; Orsi, op. cit., p. 88-89 ; Cagin, op. cit., etc. L’analogie générale des anaphores suppose, en effet, un fonds commun de la liturgie primitive, dont l’épiclèse pourrait bien avoir fait partie. Cf. Cabrol, Dict. d’archéol. chrét. et de lit., art. Anaphore, t. i, col. 1912 ; Canon, t. ii, col. 1900. Cependant quelques auteurs récents ne sont pas de cet avis. Batifïol voit dans l’épiclèse du Saint-Esprit une évolution de l’époque constantLnicnne. Schermann, Baumstark, Buchwald, auxquels semble se rallier Hauschen (voir les références dans l’ouvrage de ce dernier, £ue/iar<s/je und liusssakrainent, 2^ édit., 1910, p. 113), ont essaj’é de prouver qu’elle datait seulement de l’époque des pneu-