Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
263
264
ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE


sur les divergence !  ; qui existent entre l’Église orientale et l’Église oecidenUdc. La 2e édit.on de ce dernier ouvrage porte encore un titre batailleur : Glaive spirituel pour la défense de la sainte Église orientale du Christ contre les contradictions et les entêtements de J’Église occidentale.

Le patriarche Joachini (1674-1691), d’abord favorable à la doctrine catholique, puis hésitant, se laissa finalement gagner par les Likhoudés. Après avoir sollicité et obtenu du patriarche de Constantinople Denys IV, une déclaration patriarcale et synodale que la doctrine de la consécration par l’épiclèse était la seule vraie et devait, par conséquent, être tenue par l’Église russe (1689-1690), Joachim condamna, dans un synode tenu à Moscou (1690), les partisans des doctrines « latinisantes » . Son successeur Adrien, bien qu’il eût lui-même auparavant professé la croyance ainsi anathématisée, ratifia cette condamnation. A la faveur des troubles politiques qui régnaient alors en Russie, on ajouta à ces mesures des moyens violents de répression, la querelle se termina par le triomphe de la théorie byzantine. Elle avait coûté la vie à Medviédev (1691), la liberté à Pierre Artémiev et à Gabriel Dometchki, tous trois défenseurs de la doctrine proscrite. Adrien inséra luie formule de la croyance grecque dans l’office de l’orthodoxie et dans le serment imposé aux évêques le jour de leur sacre. « L’Église catholique orthodoxe, cst-il dit dans ce serment, croit et enseigne que la transsubstantiation du corps et du sang du Christ s’accomplit dans la divine liturgie par la descente et l’opération du Saint-Esprit, au moyen de l’épiclèse faite par l’évêque ou le prêtre dans sa prière à Dieu le Père, pour qu’il fasse ce pain…, etc. » Jastrebov, Leçon de théologie dogmatique sur l’eucharistie, dans les Troudy (Travaux) de l’Académie ecclésiastique de Kiev, janvier 1908, p. 10 sq. Cf. Hoppe, op. cit., p. 7, note 18.

A Kiev, on persista quelque temps encore à enseigner la doctrine catholique à laquelle cette métropole était toujours restée attachée ; le métropolite Gédéon Tchtvertinskii la professait encore en 1701, Schliapkine, Sv. Dimilrii Uostovskii i ego, vrémia (S. Dimitri de Bostov et son /fmps), Saint-Pétersbourg, 1891, p. 224, note 1 ; mais on en vint peu à peu, sous la pression ofliciclle, à adopter là aussi la croyance opposée. Voir Cieplak, De momenlo quo transsubstaniiatio in augustissimo missæ sacrificio perugitur, Saint-Pétersbourg, 1901, p. 14-18, où l’on trouvera des références aux principaux ouvrages russes traitant de cette histoire. On peut voir, d’ailleurs, dans la Perpétuité de la foi, édit. Migne, t. i, col. 1189, 1226, 1227, d’intéressantes professions de foi faites par des Russes contre les protestants, en 1667 et 1668. La doctrine de l’efficacité consécratoire des paroles du Christ y est affirmée incidemment, mais avec clarté.

Ces faits ont une portée théologique et apologétique qui n’est pas à dédaigner. Ils ont l’avantage d’accuser nettement la persistance de l’enseignement traditionnel, et sa puissance de persuasion pour des esprits dégagés de l’influence byzantine.

3. Dans les autres Églises orientales.

C’est à cette même influence qu’est due la pénétration plus on moins complète de la théorie de l’épiclèse dans les autres Églises orientales. Les Arméniens grégoriens ou non-unis adoptent de nos jours l’opinion grecque. Mais il n’en a pas toujours été ainsi, et cette adoption paraît même être chez eux de date assez récente. Nous avons déjà entendu Chosrov le Grand, au xe siècle, Nersès de Lampron, au xii « , Grégoire de Tahtev, au xiv « , se prononcer pour les paroles de l’institution, comme forme de l’eucharistie, et le

pape Clément VI (1342-1352) attester ofRciellement la croyance des Arméniens sur ce point. Ajoutons ici quelques indications supplémentaires.

Le concile de Sis, en Cilicie (1344-134.5 ?), pour répondre à l’accusation portée contre les Arméniens à ce sujet, fait cette déclaration formelle : " Tous les Arméniens sans exception croient et pensent que le pain et le vin sont véritablement changés au corps et au sang du Christ par les paroles du Christ. Les Arméniens ne croient pas que la consécration ait lieu au moment de l’épiclèse ; ils savent qu’elle a déjà eu lieu. » Mansi, t. xxv, col. 1242-1243. Cf. Hefele, Hist. des conciles, trad. Delarc, t. ix, p. 556 ; voir les accusations auxquelles cette déclaration répond, dans Denzinger-Bannwart, iinf/i(r(rf(on, n. 544 (18201821).

( Parmi les pièces recueillies par les auteurs de la Perpétuité de la foi, au x.vue siècle, se trouvent plusieurs attestations de patriarches, évêques ou prêtres arméniens, attestations données à Rome, à Alep, au Caire, en 1668 et 1671, qui, tout en visant directement l’affirmation de la croyance à la transsubstantiation, témoignent incidemment de la croyance des signataires à la doctrine catholique sur la fornude l’eucharistie. Op. cit., t. i, col. 1229-1230, 12341235 ; t. II, col. 1271.

Enfin, dans la seconde moitié du xviiie siècle, un patriarche arménien grégorien de Constantinople, Jacques de Nalian, enseignait encore la même doctrine dans un catéchisme à l’usage des fidèles et dans plusieurs autres écrits. Avedichian, op. cit., p. 345, 358.

On trouve également dans la Perpétuité de la foi des attestations très explicites dans le mêm sens : du patriarche des Syriens, à Alep, en date du 29 février 1668, t. i, col. 1235 ; des Syriens de Damas, t. ii, col. 1259 ; du patriarche des Coptes, ibid., col. 1265 ; des Maronites d’Antioche, le 12 juin 1673, ibid.^ col. 1229.

Cependant, des tentatives furent faites à plusieurs reprises pour inculquer aux Melkites l’erreur bj’zantine. Au commencement du xviiie siècle, l’erreur se propagea assez pour qu’un prélat melkite, Photius Habdelnour, évêque d’Héglon et de Ptolémaïs, allât jusqu’à lancer l’anathème contre ceux qui attribueraient aux paroles du Sauveur l’efficacité consécratoire (1716). Pctrus Bencdictus, Antirrheticon allerum, c. iv, dans Opéra S. Ephreem syriaca, Venise, 1755-1756, à la fin du t. ii, p. 20. Cette pénétration et cette diflusion de l’erreur fut arrêtée parle décret de la Propagande, du 8 juillet 1729, approuvé par Benoît XIII et que nous avons signalé au début de cet article.

Moins d’un siècle plus tard, l’erreur reparaissait en Syrie par les écrits de Germanos Adam († 1809), ai’chcvêque melkite d’Alep. Elle se répandit à ce point et divisa tellement les esprits, qu’il s’ensuivit un schisme temporaire. A Alep surtout, on vit se renouveler jusque parmi les fidèles les discussions qui s’étaient jadis produites à Kiev et à Moscou. La mort de Germanos Adam ne mit pas fin à ces divisions. Le 6 mars 1812, la Propagande envoya en Orient une instruction où elle exposait la doctrine de l’Église et où l’excommunication était lancée contre ceux qui oseraient soutenir la doctrine opposée. Enfin, le 8 mai 1822, Pie VII défendit aux Alépins et à tous les catholiques orientaux de discuter cette question, sous peine de suspense pour les évêques et les prêtres, d’excommunication pour les laïques, encourues ipso facto. Charon, L’Église grecque melkite catholique, dans les Échos d’Orient, 1902, t. v, p. 340-341 ; 1903, t. vi, p. 300 sq. On trouvera les documents romains dans la Collectio lacensis, t. ii, .