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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE


Aussi bien, Bossuet semble-t-il revenir complètement sur sa première pensée, et son explication définitive tient beaucoup plus compte, sans le dire expressément, de l’instantanéité de la transsubstantiation. Nous croyons devoir citer en entier ces lignes suggestives qui contiennent à peu près tous les éléments de la vraie solution pour le problème de l’épiclèse, encore qu’on y retrouve çà et là une certaine imprécision théologique à l’égard de l’opinion grecque.

" Faites l’application de cette doctrine (concernant l’esprit des liturgies) à la prière des Grecs (c’est-à-dire à l’épiclèse), il n’y aura plus de difficulté. Après les paroles de Notre-Seigncur on prie Dieu qu’il change les dons en son corps et en son sang : ce peut être ou l’application de la chose à faire, ou l’expression plus particulière de la chose faite, et on ne peut conclure autre chose des termes précis de la liturgie. Mais dit-on, dans celle de saint Basile, qui est la plus ordinaire parmi les Grecs (cette incidente est inexacte : la liturgie de saint Basile est aujourd’hui réservée à un petit nombre de jours dans l’année), après les paroles de Jésus-Christ, on appelle encore les dons antitypes, c’est-à-dire figures et signes ; ce qu’on ne fait plus après la prière dont nous parlons., Je l’avoue, et sans disputer de la signification du mot d’antitype, en le prenant pour simple figure au gré des protestants, tant pis pour eux, car écoutons la liturgie : Nous approchons, ô Seigneur, de votre saint autel, et après vous avoir offert les figures (xà i-nl-z^^Tza.) du sacré corps et du sacré sang de votre Christ, nous vous prions que votre Esprit-Saint fasse de ce pain le propre corps précieux, et de ce vin le propre sang précieux de Notre-Seigneur ! On voit donc manifestement ce qui était la figure du corps devenir et être fait le propre cor|is, c’est-à-dire ce qui l’était en signe le devenir projirement et en vérité, en sorte qu’on ne sait plus ce que c’est, ni ce que le Saint-Esprit a opéré, ni ce que les mots signifient, si ce qu’on appelle le propre corps est encore comme auparavant une figure. « Vous me répondrez que cela est clair ; car, en effet, que pouvez-vous dire autre chose ? mais que du moins il sera constant que ce changement se fait dans la prière (c’est-à-dire dans l’épiclèse). Point du tout : ce n’est point constant, puisque nous venons de voir que dans ce langage mystique qui règne dans les liturgies, et en général dans les sacrements, on exprime généralement après ce qui pourrait être fait devant ; ou plutôt, que pour dire tout on explique successivement ce qui se fait peut-être tout en une fois, sans s’enquérir des moments précis : et en ce cas nous avons vu qu’on exprime ce qui pouvait déjà être fait, comme s’il se faisait quand on l’énonce, afin que toutes les paroles du saint mystère se rapportent entre elles, et que toute l’opération du Saint-I-sprit soit sensible. « Ainsi on pourrait entendre dans la liturgie des grecs que dès qu’on prononce les paroles de Notre--Seigneur, où l’on est d’accord que consiste principalement toute l’efficace de la consécration, encore qu’on n’ait pas exprimé l’intention de les appliquer au pain et au vin. Dieu prévient la déclaration de cette intention, et c’est là, à mon avis, sans comparaison le meilleur sentiment, pour ne pas dire qu’il est tout à fait certain. » Ibid., xi.vii.

Puis l’éminent controversiste confirme sa pensée en prouvant par la liturgie orientale que la consécration se consomme dans la prolalion des paroles de Notre-Seigncur. « C’est là, dis-je, le meilleur sentiment : tant à cause qu’il est plus de la dignité des paroles du I-’ils de Dieu qu’elles aient leur effet dès qu’on les profère, qu’à cause aussi que la liturgie semble elle-même nous conduire là… » Ibid., xlviii. Et il termine par une page qui, tout en étant très

exacte sur l’tfficacité consécratoire, seule essentielle, des paroles de l’institution, laisse encore place à quelque imprécision au sujet de la portée réelle des expressions des conciles de Florence et de Trente, ainsi qu’au sujet de la liberté concédée à l’opinion orientale. Cette page achèvera de montrer ce qu’il y a d’excellent, non moins que ce qu’il y a d’imparfait, dans l’explication de l’épiclèse par Bossuet. « Mais pour revenir à la consécration, il y a encore une preuve contre l’oitinion des Grecs modernes dans le rit mozarabique et dans le Sacramentairc appelé gothique, qui assurément est le même dont usait l’Église gallicane, comme le P. Mabillon l’a démontré-Ces deux rits si conformes entre eux sont en même temps très conformes au rit grec ; et la prière où l’on demande la descente du Saint-Esprit pour sanctifier les dons se trouve souvent après que les paroles de Jésus-Christ sont proférées, mais souvent elle se trouve devant, souvent même elle ne se trouve point du tout. Ce qui démontre non seulement que la place en est indifférente, mais encore qu’en elle-même ou ne la tient pas si absolument nécessaire, et que les paroles de Jésus-Christ qu’on n’omet jamais et qui se trouvent partout marquées si distinctement, sont les seules essentielles. D’où vient aussi que saint Basile, après les avoir marquées dans le livre du Saint-Esprit comme celles qui font le fond, se contente de dire des autres qu’on fait devant et après, qu’elles ont beaucoup de force ; ce qu’on ne doit pas nier, puisque l’Église orientale et l’occidentale s’en servent également.

<i Que si après toutes ces raisons et l’autorité de tant de Pères grecs et latins, qui mettent précisément la consécration dans les paroles divines comme étant sorties de la bouche du Fils de Dieu, et les seules toutes-puissantes, les Grecs persistent encore dans le sentiment de quelques-uns de leurs docteurs et ne veulent reconnaître la consécration consommée qu’après la prière dont nous parlons : en ce cas, que ferons-nous, si ce n’est ce qu’on a fait à Florence, de n’inquiéter personne pour cette doctrine, et (C qu’on a fait à Trente, où, sans dc’tTminer en particulier en quoi consiste la consécration, on a seulement déterminé ce qui arrivait quand elle était fa^te ? » Ibid., T..

Nous avons dit plus haut qu’à Florence et à Trente on avait fait toute autre chose que ce que dit ici Bossuet qui s’en est sans doute trop exclusivement tenu à l’opinion de Renaudot sur ce point. Cela l’a mis quelque peu en contradiction avec les excellents 1 principes précédemment exposés par lui, mais dont il a le tort de tirer cette conclusion pratique : « Pour moi, dans les catéchismes et dans les sermons je proposerai toujours la doctrine qui établit la consécration précisément dans les paroles célestes comme théologiquement très véritable, ainsi qu’on a fait dans le Catéchisme du concile ; mais je ne crois pas que j’osasse jamais condamner les Grecs qui ne sont pas encore parvenus à l’intelligence de cette vérité. Quoi qu’il en soit, il n’y a nul doute qu’il ne faille faire comme on a fait au concile de l.yon, comme on a fait au concile de Florence, et comme on fait encore dans toute l’Église, qui est de laisser chacun dans son rit, puisqu’on demeure d’accord que les deux rits sont anciens et entièrement irrépréhensibles ; et peut-être faudrait-il encore laisser à chacun ses explications, puisqu’on recevant les grecs, soit en particul’er comme on en reçoit tous les jours, soit même en corps, on n’a dressé aucune formule pour en ce point leur faire quitter leur sentiment ; ce qu’on a fait a|)paremmeiit à cause des autorités que les Grecs apportent pour eux. qui ne sont pas méjtrisables, mais dans la discussion desquelles je ne crois