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ÉQUIVOQUE — ÉRASME


railleries et aulant de manières (lélouriiécs pour rendre riclicuks ceux qui en sont l’objet.

Le substantif équivoque a pour synonymes les mots : ambiguïlA et double sens, dont il est séparé par des nuances.

h’amhi{/uïlé a un sens général susceptible de diverses inter))rétations, ce qui lait qu’on a peine à démêler la pensée de l’auteur, et qu’il est même parfois impossible de la pénétrer complèlement. Le double sens a dpux significations naturelles et convenables : par l’une il se présente littéralement pour être compris de tout le monde ; par l’autre il fait une fine allusion pour n’être entendu que de certaines personnes. L’équivoque a deux sens : l’un naturel, qui paraît être celui qu’on veut faire entendre et qui est efïectivement entendu de ceux qui écoutent ; l’autre détourné, qui n’est compris que de la personne qui parle, et qu’on ne soupçonne pas même pouvoir être celui qu’elle a l’intention de faire comprendre.

Ces trois façons de parler peuvent fournir, à l’oc casion, des subterfuges adroits pour cacher sa véritable pensée ; mais on se sert de l’équivoque pour tromper, de l’ambiguïté pour ne pas trop instruire, du double sens pour instruire avec précaution.

IL L’ÉQUIVOQUE ET LA THÉOLOGIE DOGMATIQUE.

— Se servir, de propos délibéré, de paroles équivoques pour tromper celui à qui l’on parle, c’est un mensonge évident, indigne d’un homme honnête. Vainement quelques incrédules ont voulu soutenir que Jésus-Christ, lui-même, a usé quelquefois d’équivoques avec ses adversaires et avec ceux dont il ne voulait pas satisfaire la curiosité ; leur affirmation est demeurée sans fondement. Lorsque Jésus-Christ dit aux Juifs : « Détruisez ce temple et je le rebâtirai en trois jours, » Joa., ii, 19, il parlait de son propre corps et l’évangéliste nous le fait remarquer. Il est donc à présumer qu’il le montrait par un geste qui ôtait l’équivoque, et ce fut malicieusement que les Juifs l’accusèrent d’avoir parlé du temple de Jérusalem. Lorsque ses parents l’exhortèrent à se montrer à la fête des Tabernacles, il leur répondit : « Allez vous-mêmes à cette fête, pour moi je n’y vais point, parce que mon temps n’est pas encore arrivé. » Joa., VII, 8. Il ne leur dit pas : je n’irai point, mais : je n’y vais point encore, parce que le moment auquel je veux y aller n’est point encore venu. Il n’y avait pas là d’équivoque.

Contre les protestants, la théologie catholique soutient que le Sauveur aurait usé d’une équivoque mensongère et qu’il aurait tendu un piège d’erreur à tous ses disciples si, en leur disant : « Prenez et mangez, ceci est mon corps, etc. » , il avait voulu seulement leur dire : « ceci est la figure de mon corps. » Sans doute, même avec la plus grande, attention, il est impossible d’éviter toute espèce d’équivoque dans le discours ; aucun langage humain ne peut être assez clair, pour ne donner lieu à aucune méprise, mais ici, rien n’était plus aisé que de prévenir toute erreur et de parler très clairement. D’où la théologie conclut que Jésus-Christ a voulu que ses paroles fussent prises à la lettre et non dans un sens figuré. Voir Eucharistie DANS l’Écriture.

Par. cet exemple, et par une infinité d’autres, il est évident qu’il n’est aucune science dans laquelle les équivoques soient plus dangereuses et entraînent de plus funestes conséquences que dans la théologie. Les hérétiques et les incrédules n’ont presque jamais argumenté cjue sur des termes susceptibles d’un double sens. Tous ceux cjui ont nié la divinité de Jésus-Christ, se sont fondés sur ce que le mot Dieu est équivoque dans la sainte Écriture et ne signifie pas toujours l’Être suprême. Les ariens disputaient sur le double sens du mot consuljstantîel ; les hérésies de

Nestorius et d’Kutychès n’ont été bâties que sur les divers sens des termes : nature, personne, substance, hypostase ; les pélagiens jouaient sur le mot grâce. Combien de sophisnies les protestants n’ont-ils pas faits sur les mots : foi, mérite, sacrement, justice, justification, etc. ? Ils ne les ont jamais pris dans le même sens que les théologiens catlioliques.

De nos jours, les modernistes n’ont-ils pas vidé de leur contenu catholique les expressions et les formules dogmatiques ? N’ont-ils pas donné aux vérités de la foi une signification karitiste et immanentiste ? Le modernisme n’est-il pas le triomphe de l’équivoque ? De là on peut conclure que si Jésus-Clirist n’avait pas institué un magistère infaillible ayant l’autorité et la mission de fixer le langage théologique, il aurait très mal pourvu à l’intégrité et à la pcrpétuité de sa doctrine. Ce sera la gloire de Pie X d’avoir dissipé les nuages d’équivoques dont s’enveloppait et où vivait l’hérésie moderniste.

III. L’équivoque et la théologie morale. — Voir Mensonge et Restriction.mentale.

C. Antoine.

    1. ÉRASME##


ÉRASME. — I. Vie. II. Œuvres. III. Caractère et influence.

I. Vie.

Désiré Érasme naquit à Hottcrdani, le 27 octobre 1464, et, selon l’usage des humanistes contemporains, il changera son nom originaire de GerritGerrits contre celui qui pendant longtemps fut un des plus grands noms de l’Europe intellectuelle. Il était le fils naturel d’un bourgeois de Gouda en Hollande, Gérard, et de la fille d’un médecin, Marguerite, qui de son nom de famille s’appelait probablement Roger. Jansscn, L’Allemagne et la Réforme, trad. franc., Paris, 1889, t. ii, p. 6, note 1. Gérard, qui voyageait alors en Italie, désespéré sans doute par la fausse nouvelle de la mort de Marguerite, se fit prêtre, et plus tard, sur son lit de mort, il confiera la tutelle de l’enfant à ses trois meilleurs amis. Érasme, d’une complexion assez frêle, fut élevé par sa mère avec une tendre et intelligente sollicitude. Il n’avait pas encore douze ans qu’elle le conduisit elle-même dans la célèbre école des Frères de la vie commune à Deventer ; là il trouva des maîtres habiles, Jean Synthem entre autres et Alexandre Hégius, qui surent l’apprécier et qui lui prédirent une brillante carrière littéraire ; déjà, sur les bancs, Horace et Térence étaient les livres de chevet du spirituel et laborieux écolier, qui les apprenait par coeur. Quatre ans après, la peste enlevait à Érasme successivement, à peu d’intervalles, sa mère et son père. Trois ans plus tard environ, les pressantes instances de ses tuteurs pour l’engager dans la vie monastique, à laquelle l’irrégularité de sa naissance leur semblait le vouer, en lui fermant les rangs du clergé séculier, amenèrent une rupture complète entre eux et leur indocile pupille. Malade, sans ressources et sans appui, le pauvre jeune homme était réduit aux abois, lorsqu’il rencontra par hasard un de ses anciens condisciples de Deventer, Cornélius Vedrenus, enrôlé depuis peu parmi les chanoines réguliers d’Emmaûs, non loin de Gouda : la peinture attrayante des facilités et des joies de l’étude au sein d’un cloître, à portée d’une riche bibliothèque, dans le commerce d’esprits cultivés, eut raison des répugnances antimonastiques d’Érasme, et, la nécessité l’aiguillonnant, Érasme en 1486 prit l’habit des augustins à Emmaiis. Néanmoins, si douce que la vie du noviciat lui soit faite, et bien que l’agile curiosité de son esprit n’y subisse point d’entraves, la vie religieuse ne lui sourira pas. Ce n’est pas sans de longues hésitations qu’il prononcera ses vœux solennels ; au fond, il ne s’en consolera jamais. L’étude acharnée des classicjues païens et celle de l’humaniste Laurent Valla, qui deviendra