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ERIGENE


temps de Jean Scot, compta parmi ses élèves cet Héri- < froid de Chartres, qui devint cvêque d’Auxerre en 887, et y encouragea les études. Cf. A. Clerval, Les écoles de Chartres au moyen âge, Chartres, 1895, p. 15.

La suite du moyen âge.

La question de l’influence

doctrinale de Jean Scot dans la suite du moyen âge a attiré, ces derniers temps, l’attention des historiens de la philosophie. Elle a sérieusement progressé ; mais il reste beaucoup à faire avant d’aboutir à des conclusions complètes. Les résultats des récentes études ont été présentés par le P. Jacquin, dans la Revue des sciences philosophiques et théologiques, Kain, 1907, t. I, p. 749-753 ; 1908. t. ii, p. 768 ; 1910, t. iv, p. 104-lOG. Deux faits dominent cette histoire : la condamnation du traité de Scot sur l’eucharistie aux conciles de Rome (1050), deVerceil (1050) et de Paris (1051), et la condamnation du De divisione natura ; par le pape Honorius III (23 janvier 1225). L’influence de Scot s’exerça, durant cette période, et sur les orthodoxes et sur les hétérodoxes. Parmi les orthodoxes, il y a lieu de citer Rémi d’Auxerre (f vers 908), qui l’utilise plusieurs fois dans son commentaire sur.Martianus Capella (voir, pour toute cette question, à la bibliographie) ; Gerbert († 1003) ou l’auteur, quel qu’il soit, du De corpore et sanguine Domini publié sous son nom, qui reproduit un passage du De divisione naturæ ; Fulbert de Chartres († 1029), qui s’inspire de lui dans son enseignement ; le mystérieux personnage connu sous le nom d’Honorius Augustodunensis (d’Autun ?), qui, vers le milieu du xiie siècle, vulgarise les idées du De divisione naturx ; Hugues de Saint-Victor († 1141), qui met largement Scot à profit ; Isaac de Stella (f vers 1109). qui a des expressions d’origine ériugeniste ; Alain de Lille († 1202), qui, dans ses divers ouvrages, semble dépendre de lui ; Garnier de Rochefort (f ajjrès 1200), qui nomme Scot dans un de ses sermons ; Hélinand († 1229), qui cite la Hiérarchie céleste du pseudo-Dcnys d’après la traduction de Jean Scot. Les centres d’influence paraissent avoir été Auxerre (Heiric, Hérifroid, Rémi), Chartres, peut-être l’ordre de Cîtcaux. Il est intéressant de constater qu’à Ériugène se rattache toute une lignée d’une orthodoxie incontestable, où se distingue surtout l’admirable Hugues de Saint-Victor. Mais ce serait exagérer que de prétendre, avec Saint-René Taillandier, Scot Érigéne, p. 225, cf. p. 21C-226, que Jean.Scot est < l’aïeul légitime » de tous les mystiques « réguliers » du moyen âge, depuis saint Bernard jusqu’à Gerson, en passant par Richard de Saint-Victor et saint Bonaventure. Saint Anselme, quoi qu’on en ait dit, tout en se rencontrant avec Scot « pour certaines idées détachées et pour l’allure même de la recherche, est bien éloigné de le suivre. » J. Drâsekc. Sf/r la question des sources d’Anselme, dans la lievue de philosophie, Paris, 1909, t. IX, p. 6 15. Les hétérodoxes, de leur côté, troui vèrent leur compte dans les écrits de Scot. Quoi qu’il’faille penser de l’orthodoxie de Scot hii-inême, il est | facile de tirer de ses œuvres les pires erreurs. On n’y ; manqua point. C’est ce que remarque.Aliiéric des Trois-I-’onlaincs, à propos des amalriciens : qui vcrba (le De divisione naturx) bene forsitan suo tempore i prolala et untiquis simplicitcr intrllecta, maie intelliqendo, pervertebant et ex eis suam hirrcsim confirmabanl, dans Monumenta Gcrmanife historica, Scriplorcs, Hanovre, 1871, t. xxiii, p. 015..lean Scot était en honneur dans le milieu chartrain. Bérongcr de Tours, élève de Fulbert, se réclama continuellement de lui dans la controverse sur l’eucharistie, ])cn(lant qne les adversaires de Bérengcr protestaient contre le crédit qu’il accordait à Scot, et que les conciles de Rome et (le Vcrceil et celui de Paris condanmaient le livre de Scot. Voir t. II, col. 72). Aiiélard prit pour base de sa doctrine sur Dieu le symbolisme agnostique de Scot

Ériugène. Voir t. iv, col. 1169. Bernard de Chartres professe une sorte de panthéisme qui s’apparente avec les théories de Scot. Ses disciples, Bernard Sylvestris, ou de Tours — s’il est vraiment un personnage distinct de Bernard de Chartres — et Gilbert de la Porrée († 1154), continuent la tradition, et il faut en dire autant d’un autre disciple de Bernard, Thierry de Chartres († 1148), qui « prépare son compatriote Amaury de Chartres. » A. Clerval, Les écoles de Chartres au moyen âge, p. 259. Amaury de Chartres, ou de Bène, transporta, en les aggravant, les idées de Scot du terrain cîe la métaphysique sur celui de la morale. Les documents mettent en lumière le rapport d’Amaury avec Ériugène. Amaury fut condamné au concile de Latran (1215), après l’avoir été au concile de Paris (1210). Le concile de Latran se borne à réprouver ses erreurs, sans les indiquer. Le cardinal Henri de Suse {llosliensis), mort en 1271, Lcclura sive apparatus super quinque libris Decretalium, Rome, 1512, fol. 5, et dans Denifle-Châtelain, Charlularium universitatis Parisiensis, Paris, 1889, t. i, p. 107, note 1, dit : Impii Almarici dogma istud coUigitur in libro magistri Joannis Scoti, qui dicitur péri physion, i. e. de natura. Quem secutus est ille Almaricus de quo hic loquimur. Il ajoute que le livre de Scot avait été condamné, à Paris, per magistros, et que ses erreurs avaient été exposées, par Odon, cardinal-évêque de Frascati [lusculanus), a quo et habemus hanc doctrinam. Odon avait été chancelier de l’université de Paris. Les trois articles mentionnées par Henri de Suse, à savoir quod omnia sunt Dcus ; quod primordiales cause, que vocantur ydec, i. e. forma sive exemplar, créant et crrantur ; quod post consummationem seculi cril adunatio sexuum sive non crit distinctio scxus, se lisent dans le De divisione naturæ. Voir t. i, col. 937-939 ; cf. C. U. Hahn, Geschichte der Ketzcr im Mittelalter, Stuttgart, 1850, t. III, p. 194-199 ; W. Pregcr, Geschichte der deutschen Mystik im Mittelalter, Leipzig, 1874, t. i, p. 166168, 179-184 ; H. Delacroix, Essai sur le mysticisme spéculedif au.vne siècle, Paris, 1899, p. 32-38. On a remarqué que le titre du livre de David de Dinan (ou Dinant) qui fut condamné avec.maury, le De tomis, ou " Des divisions » , rappelle celui du principal écrit d’Ériugene. Voir t. iv, col. 158, cf. col. 159, et W. Preger, p. 185, 187. Que ce soit indûment ou non, que ce soit ou non en comprenant bien Ériugène, cf. Saint-René Taillandier, Scot Érigène, ]). 238, il n’est donc pas douteux que le panthéisme d’Amaury et de David n’ait été rattaché à l’auteur du De divisione naturx. F.t nous savons, par une bulle d’Honorius III (23 janvier 1225), P. L., t. cxxii, col. 439-440, et Denifle-Châtelain, Charlularium universitatis Parisiensis, t. I, j). 106-107, adressée aux archevêques et évcques ad quos littcrx istx pervenerinl, et spécialement à ceux d’Angleterre, que le De divisione naturæ fut condamné, à Paris ou à Sens, dans un concile tenu par l’archevêque de Sens et ses suffragants, que ce livre était possédé in nonnutlis monastcriis et aliis lacis, et claustrales nonnulli et viri scholastici, novi tamen forte plus quam expédiât anudorcs, se studiosius Icctionc occupant dicti lihri. gloriosum reput<u}tes ignotas profcrre sententias..c pa])c leurordonnail (h* recueillir tous les exemplaires de ce livre et de lui envoyer, si secure ficri possit, tout ce qu’on aurait trouvé, solemniter comburendiim, sinon, de le brûlereux-mêmes publiqucment. Joachim de Flore, condamné au concile de Latran, en même temiis qu’Aniaury et David, mais pour ses erreurs trinit aires, non pour sa théorie des trois règnes — celui du Père dans l’Ancien Testament, celui du Fils dans le Nouveau Testament, celui du Saint-Ksprit dans un âge nouveau et délinilif, qui allait commencer, et qui durerait jusqu’à la fin des temps — par laquelle il se rapproche des amal-