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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/237

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ERREUR, EMPÊCHEMENT DE MARIAGE


tous ces divers cas, il faudrait conclure à l’invalidité des fiançailles. Car toutes ces erreurs constituent un empêchement dirimant pour le mariage lui-même, donc, cela vaut à plus forte raison des fiançailles.

Mais, hors les cas sus-mentionncs, l’erreur touchant la qualité de la personne ne peut avoir pour effet de rendre invalides les fiançailles, soit que cette erreur ait été simplement concomitante, soit qu’elle ait donné cause au contrat, soit même qu’elle ait procédé du dol et de la mauvaise foi de l’un des contractants, car étant donné même que, si elle avait connu la vérité, la partie intéressée n’aurait pas consenti au contrat des fiançailles, en fait, pourtant, elle a donné son consentement, et, dans les contrats, nous l’avons déjà observé, il ne faut pas considérer ce que le contractant aurait fait, dans telle ou telle hypothèse, mais bien ce qu’il a fait en réalité.

Cependant, faut-il admettre, dans l’espèce, un cas de résiliation pour le contrat des fiançailles ? Tous les auteurs reconnaissent que l’erreur sur la qualité de la personne, si elle a véritablement donné cause au contrat, encore qu’elle n’invalide point, dès le principe, les fiançailles, peut être, pour la partie qui en est la victime, une cause légitime de solliciter la résiliation de l’engagement, une fois que la vérité lui est apparue. Au contraire, si ladite erreur a été simplement concomitante, en sorte que, nonobstant la vérité connue, la partie intéressée aurait donné quand même son consentement, les fiançailles restent fermes et ne peuvent être résiliées. Observons d’ailleurs que, même dans le premier cas, si la partie contractante qui a été victime de l’erreur se trouve exonérée de son obligation, elle ne perd pas, pour cela, le droit de maintenir son consentement. Mais toute la dilTiculté consiste ù savoir dans quel cas l’erreur sur la qualité de la personne doit être regardée comme donnant cause au contrat, et quand est-ce que la partie victime de l’erreur se trouve ou non dans cette disposition que, même si elle avait connu la vérité, elle aurait donné son consentement. Or, nous n’avons pas d’abord à examiner la question au point de vue du for interne, où la solution ne peut dépendre que de la conscience ; et, pour ce qui est du for externe, la chose doit être laissée à la prudence du juge, auquel il a])parlient de peser les diverses circonstances pour voir s’il peut, avec une probabilité sulfisante, s’en remettre à la déclaration de la partie intéressée. A titre d’exemple, on peut indiquer, avec la plupart des canonistes, quelques cas où l’erreur sur la qualité peut être tenue comme ayant donné cause au contrat. Ainsi quand le fiancé pense que sa future est vierge, alors qu’elle a déjA été corrompue, même par violence, son erreur peut être regardée, en principe, comme ayant donné cause au contrat, et il a le droit d’en solliciter la résiliation, car on ne doit pas présumer qu’il ait voulu se fiancer avec une personne déjà possédée jiar un autre. On ne devrait cependant pas en dire autant de la femme, si son fiancé avait déjà péché avant les fiançailles, et son erreur, si elle existait, devrait être tenue pour simplement concomitante, à moins que l’homme n’ait déjà eu des enfants d’une autre femme, ou qu’il n’ait entretenu des relations de concubinage avec clic, ou qu’il ne soit vraiment de mœurs perdues, car alors on pourrait présumer ((u’une fiancée honnête n’aurait point voulu s’unir à un tel homme. De même, si une partie contractante avait pensé se fiancer avec une personne de convictions religieuses, ou bien elle-même serait établie dans ces convictions, et alors son erreur pourrait être considérée comme ayant donné cause au contrat ; ou bien, au contraire, elle serait également antireligieuse, et, dans ce cas, il faudrait examiner la question de plus prés, etc. Cependant, une certitude absolue de l’erreur ne saurait être requise

DICT. DE TnJ ; OI, . CATMOL.

pour que puisse cesser l’obligation des fiançailles et il suffit parfois d’un soupçon sérieusement probable ou fondé pour obtenir la résiliation du contrat. Cf. S. Alphonse de Liguori, Theologia moralis, Ratisbonne, 1847, 1. VI, n. 865, 878 ; De Angelis, Prælecliones j’iiris canonici, Rome, 1885, 1. IV, tit. i, n. 6 ; Gasparri. De nuitrimonio, Paris, 1904, t. i, n. 139 sq.

3° L’erreur an sujet du mariage. — 1. L’erreur de fait. — L’erreur de fait peut exister, dans le mariage, avons-nous dit, ou bien touchant la personne, ou bien touchant la qualité.

a) L’erreur touchant la personne, soit qu’elle soit antécédente ou concomitante. Invincible ou vincible, rend le mariage invalide, pour défaut de consentement, et elle doit ainsi être tenue pour substantielle. En effet, la substance du mariage comporte une personne présente et déterminée. D’où il suit que celui qui contracte mariage avec Marthe, croyant que c’est Marie, n’a vraiment pas l’intention de contracter avec la première, et ne contracte pas en réalité, encore que, s’il avait connu la vérité, il n’en aurait pas moins contracté. Cf. S. Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. XXX, q. r, a. 2 ; Sanchez, De matrimonio, Nuremberg, 1706, 1. VU, dist. XVIII, n. 12 ; Pirhing, Jus canonicum, Dliling.Mi, 1722, 1. IV, tit. i, n. 160 ; Schniier, Jurisprudenlia canonico-civilis, SalzhouTg, 1716, 1. IV, part. III, c. ii, n. 166 ; Schmalzgrucber, Sponsalia et malrimoniuin, Ingolstadt, 1726, 1. IV, tit. i, n. 440. Notons, en passant, qu’il n’en va pas ainsi pour les autres sacrements, par exemple, le baptême et la confirmation, qui ne sont pas invalides à cause d’une erreur touchant la personne, car ces sacrements opèrent leur effet sur la personne présente, quelle qu’elle soit ; et, dans l’espèce, ils ne seraient invalides qu’autant que l’intention du ministre porterait expressément sur telle personne plutôt que telle autre, au quel cas le ministre pourrait commettre une faute grave. Cf. Gasparri, op. cit., t. ii, n. 890 ; Lehnikuhl, Theologia moralis, t. ii, n. 38.

/i)L’erreur touchant la qualilédo lai>crsonne, encore que cette erreur soit antécédente ou donne cause au contrat, bien plus, qu’elle provienne du dol ou de la mauvaise foi de la partie contractante, ne rend jioint, par elle-même et en principe, le mariage invalide. Tel est l’enseignement commun des canonistes. Cf. Sanchez, loe. rit., n. 18 ; Pirhing, loc. cit., n. 162 ; Schmalzgrucber, lac. cit., n. 447 sq. ; Wiestier, Insdtutiones canoniciv, Munich, 1706, 1. IV, tit. i, n. 215 ; Pichler, Jus canonicum, Venise, 1758, 1. IV, tit. i, n. 105. La raison est que l’erreur en question n’empêche point le volonlaii’e quant à sa substance, mais seulement de quelque manière, à savoir, touchant les accidents de la personne ; aussi bien le consentement substantiel reste-t-il intact, touchant la personne elle-même qui constitue l’objet essentiel du contrat. D’ailleurs, si l’erreur touchant les qualités de la ])crsonnc devait vicier radicalement le consenlement matrimonial, il faudrait résilier la »hipart des contrats matrimoniaux, au grand dommage de l’ordre public, car il existe ]ieu de mariages où ne se glisse quelque erreur accidentelle de ce genre.

Toutefois, nous avons dit que l’erreur touchant la qualité de la personne ne rendait point le mariage invalide, « par elle-même et en principe » . En effet, il se rencontre deux cas où cette erreur peut vicier le consentement matrimonial, à savoir : a. Si le contractant vient à lier son consentement, d’une manière actuelle ou simplement virtuelle, extérieurement ou intérieurement, à telle ou telle qualité de la personne avec laquelle il contracte, comme à une condition iiroiirenient dite et sine qtia non, exprimée par les particules « si, pourvu que, à moins que » . Mais, au for externe, il est nécessaire de prouver, avant de

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