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ESCLAVAGE


passage du même Père, In 1 Cor., homil. xi, , n. 5, P. G., t. Lxi, col. 35 1, l’idéal est d’ai)prendrc un métier aux esclaves, puis de les affrancliir. Et à propos de l’Épître à Philémori, la tendresse de l’apôtre lui suggère irrésistiblement ces réflexions : « Si donc Paul n’a pas eu honte d’appeler un esclave son enfant, ses entrailles, son frère, son ami, comment pourrions-nous en rougir ? Mais que dis-je, Paul ? Si le maître de Paul ne rougit pas d’appeler nos esclaves ses frères, comment serions-nous honteux de le faire ? In Epist. ad Philein., homil. ii, n. 3, P. G., t. lxii, col. 711. Voir plus haut, col. 352, quels étaient, d’après l’épigraphie, les rapports des maîtres et des esclaves.

Les Pères ne se lassent pas de montrer que la divine personne du Sauveur jette sur cette question une nouvelle lumière. Les apôtres, dira saint Grégoire de Nazianze, sont les serviteurs de celui qui s’est fait serviteur pour nous. Oral., xxxii, 18, P. G., t. xxxvi, col. 196. Et nous sommes tous les disciples de ce Maître qui s’est anéanti jusqu’à la forme d’esclave. Oral., xxiv, 2, P. G., t. XXXV, col. 1172. Saint CjTille de Jérusalem : celui qui a pris la forme d’esclave ne méprise pas les esclaves. Cal., xv, n. 23, P. G., t. XXXIII, col. 901. C’est encore l’exemple de saint Paul et le mi : iislra ?crunt maniis islæ que saint Jean Chrj’sostome oppose à ceux qui ont de nombreux esclaves : < Pourquoi avoir beaucoup d’esclaves ? C’est l’utilité seule qu’il faut envisager dans le vêtement et dans la nourriture, et aussi pour les esclaves. A quoi servent-ils donc ? A rien. Il sufllrait d’un esclave pour un maître, ou même d’un esclave pour deux ou trois maîtres. Cela paraît rigoureux ; maïs pense à ceux qui n’ont pas même un esclave. « Homil., xl, in I Cor., n. 5, P. G. A. Lxi, col. 353. Dans l’apostrophe à l’Église à la fin du l^’livre du De moribiis Ecdesiæ, saint Augustin dit : Tu dominis servos, non lam conditionis necessilale quam o/ficii dclcclalione doccs adhærere. Tu dominos servis, summi Dei communis dumini considcroiionc placabiles, el ad consulendum qnam c lercendum propensiores facis. P. L., t. xxxii, col. 1136. Le même saint Augustin, sur le ps. cxxiv, n. 7 : Ecce non fecit de servis libéras, sed de malis servis, bonos servos. Quantum debent diviles Christo, qui illis componil domum ! ul si ibi fuil servus infidclis, eonvcriei illum Christus, el non ei dical : dimille dominum tuum ; jam cognovisti eum qui verus dominas : ille jorle impius est et indignus, tu jam fidelis et juslus ; indignum est ut fustus et fidelis servial iniquo et infidcli. Non hoc ei dixit, sed magis : et ut corroborarcl scrvum, hoc dixil : Exemple meo servi ; prior servivi iniquis… Ecce servit melior deteriori, sed ad lempus. P. L., t. xxxvii, col. 1653-1654.

La leçon morale revient sans cesse ; le vrai service, c’est celui de Dieu, et tout homme y est tenu. Servum si haberes, velles ut serviret tibi servus luus ; servi tu meliori domino Deo tuo. Servum tuum non tu fecisti, et le et servum tuum ille fecit ; vis ul tibi servial cum quo factus es et non vis ei servire a quo faclus es. Ergo cum vis ut servial tibi servus tuus homo, et tu non vis servire domino Deo tua, facis Deo quod tu pati non vis. P. L., t. xxxviii, col. 87. Redde quod exigis… Amas servum qui fideliler custodil aurum tuum ; noli conlemnere dominum qui misericorditer custodil cor tuum. Serm., xxxvi, n. 8, P. L., t. xxxviii, col. 219.

La vraie condition de l’homme, quelles que puissent être les apparences, c’est la servitude, et elle repose sur un double titre : Nam et ille qui quasi servus redemptus est, libertatem habel, el isle qui quasi liber vocalus est, bonum est illi ul servum Christi se esse cognoscat, sub quo servitus tuta et libcrlas secura… Rêvera cnim omnes Christi libcrti sumus, nemo liber… Nescis quod te Adæ alqnc Eviv culpa mancipaverit serviluli. .. Servus es qui creatus es, servus es qui redemptus

es, el quasi Domino scrvitutem debes, et quasi redemptori. S..mbrois.’. De Jacob et vila bcata, 1. I, c. iii, n.l2, P. L., t. XIV, col. 603, 604. La vraie servitude à craindre, c’est le péché et, sur ce thème, les Pères sont inépuisables. Saint Ambroise analyse très finement les diverses passions : multosque servulos esse dominis liberiorcs, si in servilule positi a seruilibus putent operibus abslinendum. Servile est omiu peccatum, libéra innocenlia…, quomodo cnim non servus omnis avarus, qui pro exiguo pecuniæ lucello se ipsum auctionatur’.' Timet omnia ne congesta cunitlul, qui non ulenda congessil, majore periculo serva turus quo majora quæsivil. De Joseph, c. iv, n. 20, P. L., t. XIV, col. 649. Cf. De Jacob, 1. II, c. iii, col. 619 ; De Nabulhc, 28, col. 739. « Qui est esclave, sinon celui qui commet le péché ? L’autre esclavage vient des bouleversements ; mais l’esclavage du péché fait le discernement des âmes ; car, dans le principe, c’est de là qu’il est venu. » S. Jean Chrysostome, De Lazaro, c. vi, n. 6, P. G., t. xlviii, col. 1037, et un peu plus loin, n. 8, col. 1037 : « Esclavage et liberté sont des mots. Esclave, qu’est-ce à dire ? un mot. Combien de maîtres enivrés gisent sur leurs lits, et les esclaves sobres sont là debout. Qui appellerai-je esclave ? L’ivrogne ou le tempérant ? L’esclave d’un homme ou le captif d’une passion ? L’un a l’esclavage au dehors ; l’autre a sa chaîne au dedans. A quoi bon posséder les biens extérieurs, si on ne s’appartient pas à soi-même ? » Même idée dans saint Hilaire : Ceterum condilionem corporis religiosæ anima ; generositas despicil. Officium quidem durum, tamen homini non omnino miserabile, quia serviatur a servis ; at vero animée caplivilas quam infelix est. In ps. (xxv, n. 4, P. L., t. IX, col. 687, cf. col. 771. L’idée est plus amplement exprimée par saint Jean Chrysostome : « L’esclavage est im mot ; celui-là est esclave qui commet le péché ; et parce que Jésus-Christ par sa venue a détruit l’esclavage, et ne l’a laissé être qu’un mot, et que même il a éliminé ce mot, écoutez l’apôtre : ceux qui ont des maîtres fidèles, qu’ils ne les méprisent pas parce qu’ils sont leurs frères. Voyez comme la vertu entrant au monde a rapproché jusqu’à la fraternité ceux qui, auparavant, portaient le nom d’esclaves. » In Gen., c. ix, homil. XXIX, n. 7, P. G., t. lui, col. 270. « Le Christ ne laisse pas l’esclave être esclave, ni l’homme qui est réduit à la servitude. Voilà qui est admirable. Comment donc un esclave demeurant esclave peut-il être libre ? Quand il est débarrassé des passions et des maladies de l’âme, quand il méprise les richesses, la colère et les autres convoitises… Et au contraire, quand un homme libre devient-il esclave ? Quand il s’assujettit pour les hommes à quelque mauvaise servitude, soit cupidité, soit amour des richesses ou de la puissance. » Et le docteur conclut un peu plus loin : « Voilà le christianisme : dans l’esclavage, il confère la liberté. Et comme un corps invulnérable se montre tel quand il reçoit un trait sans rien souffrir, ainsi l’homme, vraiment libre, se montre libre, lorsque, ayant des maîtres, il n’est pas asservi. Aussi le christianisme ne défend pas de rester esclave. » In I ad Cor., homil. ix, n. 4, 5, P. G., t. lxi, col. 156157. Cf. P. G., t. xxxvii, col. 260 ; t. xliv, col. 266. L’histoire du patriarche Joseph était des plus instructives pour les esclaves : ses infortunes et sa vertu étaient des exemples des mieux appropriés à leurs épreuves. Cf. De Joseph, iv, 21, P. L., t. xiv, col. 650 ; In ps. cxxvii, n. 1, P. G., t. lv, col. 366 ; Oral., xxxiii, n. 10, P. G., t. xxxvi, col. 228.

Empruntons enfin aux Pères ces dernières citations, qui traduisent si bien la philosophie du christianisme, si propre à assagir le maître et à relever l’esclave. Homil., xxii, in Eph., n. 1, P. G., t. lxii,