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ESCLAVAGE


En 1741, Benoît XIV, dans sa bulle Immensa, se plaint au loi de Poi’tugal de ce qu’on ose encore : miseras Jndos non solum luce fidei carentes, veruni ctiam sacio icgenerationis Icwacro ablutos… aiil ins3rvitiiteni redigere, aiil l’chiti mancipia aliis vendere. Et le pape termine parles sanctions les plus vigoureuses < : ontre ceux qui, pratiquement ou doctrinalement, favoriseront cet esclavage. Quant à l’esclavage des nègres, nous voyons et par les relations du P. Labat et par l’histoire du P. Lavalette que l’usage en était général.

6° D : rnière période. — 1. En Amérique- — On sait quels événements marquèrent pour les noirs la fin du xviiie siècle : la tentative de Penn ; puis l’obstination de Wilberforce qui met son concours politique au prix d’une satisfaction en cette matière. D’ailleurs, on a fait observer qu’après l’indépendance de l’Amérique, le sacrifice était plus aisé. La traite du reste (lord Castlereagh l’a avoué au Parlement le 9 février 1818), se faisait en grande partie sous les pavillons de l’Espagne et du Portugal, mais avec des fonds anglais et avec des navires construits h Londres ou à Liverpool. H. ^Vheaton, Histoire des progrès du droit des gens, Leipzig, 1865, t. ii, p. 288.

Mais la sincérité réelle de la plupart des hommes d’État n’est pas en cause ; et Léon XIII a rendu un témoignage élogieux à l’Angleterre, lorsqu’il écrivait (17 octobre 1888) au cardinal d’Alger : Apud Britannos de mancipiis A^thiopum diu multumque méritas.

La Convention avait décrété, le 4 février 1794, sur les instances de l’abbé Grégoire, l’abolition de l’esclavage, mais les guerres anglaises empêchèrent ce décret d’être mis en exécution. Le 20 mai 181 » 2, Bonaparte rétablit l’esclavage et la traite des nègres.

Le Saint-Siège s’était cllorcé au Congrès de Vienne de faire adopter une résolution précise. Successivement les différentes puissances prirent des mesures positives. Grégoire XVI, dans la bulle In supremo du 3 décembre 1839, se prononçait catégoriquement contre toute espèce de servitude ou de conmierce des nègres.

Dans cette question de l’esclavage et de l’éducation religieuse et morale des noirs, le gouvernement de Louis-Philippe a montré un peu de cet esprit chrétien qu’il bannissait soigneusement de ses conseils ordinaires. L’ordonnance du 18 mai 1846 édicté de sages mesures sur l’instruction chrétienne aux colonies ; les pouvoirs publics y facilitèrent l’établissement des frères de Plocrmel et des sœurs de Saint-Joseph de Cluny. Parmi ceux qui ont tenu la plus grande place dans ces débats, plusieurs étaient notoirement inspirés par leur foi chrétienne : le duc de Broglie, président de la commission sous Louis-Philippe, Henri Wallon, historien de l’esclavage antique et secrétaire de la commission, qui en 1848 proclama l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises.

La guerre des États-Unis suivit bientôt. L’humanitarisme des belligérants était de fraîche date ; on a établi que les États du Nord anti-esclavagistes avaient une espèce de monopole de la traite, et qu’ils le réprimaient par d’imaginaires croisières. Carlier, L’esclavogc dans ses rapports avec t’iinion américaine, Paris, 18()2, p. 214-227.

Au milieu des agitations et du fracas de cette émancipation l’Éfilisc avait travaillé d’une marrière efficace et suave à élever les noirs, et pour que la stabilité et la dignité du mariage chrétien leur (Iminent la vie de famille, le sjmode de liallimore réduisait au strict minimum les notions religieuses (hmt la posscssion est requise pour accéder au sacrement. Synode de Baltimore, 1791, C.oUectio lacensis, t. iii, j). 4.

Dans l’agitation qui précéda la guerre de sécession,

à Baltimore encore, le concile pourra dire ces mots qui d’ailleurs caractérisent le rôle de l’Église dans toute cette question de l’esclavage : Qmwwis enim Ecclesiu, ut historia testatur, tolum genus pauperum et operariornm semper comptera sit, et mata cum svrvitute conjuncta eljlcaciter mitigaril, qiioad hœc leni ejus auctoritate inter Europæ populos e.vstincta est, eadem tamen ncque constitutum turbai’it ordinem, nequc, humanitatis præceptis quibusdant dueta, reipublicæ pacem labejactavil. Concile de Baltimore, 1858, dans Collectio lacensis, t. iii, p. 1202.

2. En Afrique.

Malgré quelques difllcultés suscitées

par le droit de visite, les puissances avaient conclu un accord pour organiser des croisières sur les côtes d’Afrique ; mais au cours du xix’e siècle, voyageurs et missionnaires ont à maintes reprises exprimé leur scepticisme sur l’efflcacité, et parfois sur la sincé rite de ce contrôle.

H. Lambert, consul de France à Aden, estimait qu’entre les ports de la mer Rouge, de Zanguebar, du golfe d’Aden et du golfe Persique, il passait 40000 esclaves par an. Tour du monde, 1862, t. ii, p. 70. D’après Charnay, le commandant de croisière au canal de Mozambique venait de céder son poste comme une entreprise, 200 000 francs. Tour du monde, 1864, t. II, p. 228. D’après le cardinal Massaïa (capucin, missionnaire abyssin de 1846 à 1881, exilé à sept reprises) : « Les bâtiments de ronde de ces mêmes puissances qui faisaient le plus de bruit contre la traite, tandis qu’aujourd’hui ils séquestraient une barque négrière, passaient demain auprès d’un grand marché d’esclaves sans rien dire. » Mes 35 années de mission dans la Hante Ethiopie, p. 1C3. Portai au marquis de Salisbury, 2 juillet 1887, El. B. slave Trade, C.5428, p. 132 : « On est généralement d’avis que l’importation d’esclaves noirs en Turquie s’est accrue d’une manière sensible. » Des atrocités de la traite, tous étaient d’accord. David et Ch. Livingstone : « Il n’y a pas un dixième des victimes de la traite qui arrive à l’esclavage. » Tour du monde, 1866, t. i, p. 166. Cf. Lettres de (iordon à.su sœa/, ’Paris, p. 280, 303.

Le cas d’anthropophagie est signalé à des dates plus récentes. « Le besoin de la chair humaine est chez, plusieurs peuplades une véritable passion. Mes enfants rachetés m’ont aflirmé qu’il y avait dans l’intérieur des terres des chefs puissants qui ne se nourrissaient que d’enfants de dix à seize ans. " P..llaire, missioimaire au Congo, Correspondant, 25 janvier 1896. De la traite en général, telle qu’il l’avait vu pratiquer en .frique, Livingstone a écrit : "A parler eu toute franchise, le sujet ne iieriuet ]ias qu’on exagère ; amplifier les maux de l’affreux conunercc est tout simplement impossible. » Dernier jouriud, t. ii, p. 251.

Tant de razzias ont un débouché dans le seul monde musulman ; c’est vers la Turquie, le Maroc, l’Arabie et la Perse que convergent tous ces convois. Le mahomètanisme avec son immoralité entretient l’esclavage. Voir La traite des esclaves en Afrique, renseignements et documents, Bruxelles, 1800.

Dans un Mémoire publié par les ^^ssions catholiques, 20 septembre, 5, 12 et 19 octobre, et 2 novembre 1888, le cardinal Lavigerie écrivait : « L’extension de ce fléau est due, originairement, aux traditions des peuples nnisulmans du nord de l’.Kfrique, de ceux de rÉgypte et de la Turquie d’Asie. Les mahométaus ne peuvent pas, pour des raisons de débauche, d’épuisement ou de paresse, se passer d’esclaves qui leur infusent des forces et un sang nouveau. » Cf. Annales de la Propagation de la foi, juin 1881, lettre du cardinal ; Mission-i catholique- !, 1888, p. 460, les témoignages des protestants Nachligal et Scliwcinfurth ; la lettre du cardinal à L’Indépendance belge, dans Mil’Baunard, Le cardinal Lavigerie, t. ii, j). 463.