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ESPAGNE (EGLISE D), ÉTAT RELIGIEUX

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mencée dans le Nord presque aussitôt après la prei luière invasion, a substitué à l’unité administrative et gouvernementale de l’époque wisigotliiqueune unité nationale et patriotique, plus profonde Ht cela, sans : <niciinc intolérance religieuse ; selon la parole de l’érudit ; H. Ch.Lea, adversaire de l’Église catnolique, l’Espagne ! est alors la nation « la plus tolérante du monde » . Les rapports et les échanges de toute nature entre les deux i populations au cours de cette longue croisade (triom- | pliante dès la fin du xiiie siècle, parachevée à la fin, du XV) expliquent seuls la richesse et la grandeur du génie espagnol, tel qu’il se manifestera à l’Europe au xvie siècle.

Ainsi le christianisme, après avoir, en dépit de la géographie, donné à l’Espagne une unité, a fait d’elle une patrie.

3° En même temps que la nation espagnole, achevant la reconquête, devenait maîtresse de sa destinée, ses conquistadors découvraient les Nouveaux-Mondes ; au lieu de poursuivre, par lentes et dures étapes, l’Islam en Afrique, elle christianisa les Amériques et en tira d’énormes richesses qui furent à l’intérieur un instrument d’absolutisme, à l’extérSeur un instrument d’hégémonie. Par malheur, une dynastie étrangère détourna au profit de ses ambitions le magnifique effort de la nation. D’un côté s’épanouissait une admirable civilisation chrétienne, dans l’art, dans la littérature, dans les sciences morales, dans la théologie et dans la mystique, et des héros, aidés de quelques compagnons conquéraient des empires au catholicisme que la Réforme allait entamer en Europe : « autant qu’il est permis à l’homme d’apprécier par la marche des événements les voies de la divine providence, c’est vraiment par un dessein de Dieu que semble être né cet homme [Colomb]… pour réparer les désastres qui seraient infiigés par l’Europe au nom catholique. » Léon XIII, Quarto abeunte sxculo, 26 juillet 1892. En même temps, des conquistadors du monde moral, les jésuites, très espagnols et très modernes, allaient arrêter en Europe même les ravages de la Réforme et commencer la reconquête catholique.

Mais, d’un autre côté, la maison d’Autriche sacrifiait l’évangélisation des colonies à leur exploitation et emploj’ait leurs ressources à une politique catholique qui compromettait le catholicisme aux yeux des nations que leurs intérêts opposaient à l’Espagne, et qui allait jusqu’aux conflits violents avec la papauté ; en même temps elle faisait dégénérer, en opprimant les consciences, l’Inquisition espagnole organisée au temps des rois catholiques Ferdinand et Isabelle, pour réagir contre une longue anarchie et contre des dangers réels mais menaçant la nation plus que sa religion. Alors seulement se manifestèrent l’absolutisme et l’intolérance, qui ne sont nullement dans la tradition nationale de l’Espagne, qui n’ont été pour rien dans sa grandeur et qui sont la principale raison de ses épreuves.

Ces causes de ruine, si puissantes qu’elles fussent, ne pouvaient produire en un court délai leurs conséquences extrêmes, et la forte sève de l’Espagne chrétienne était loin d’être épuisée. Aussi, dans cette période, l’Espagne joue-t-elle un rôle à la fois très national et très universel, très brillant et très influent dans le catholicisme : le concile de Trente permet d’apprécier la valeur universelle de sa théologie.

4 » Après les douloureuses étapes d’un siècle de décadence (le xvii<=), la néfaste maison d’Autriche, épuisée, céda à une dynastie française, avec sa place, la tâche de réparer ses énormes fautes. La fierté nationale, soumise à de dures épreuves au cours de cette œuvre de réparation, avait peine à concevoir que la comcidence de la grandeur nationale et de l’intransi geante politique catholique avait été une pure rencontre, et que, bien loin que cette politique eût été la condition préalable de cette grandeur, celle-ci seule avait permis de soutenir aussi longtemps des entrejjrises aussi imprudentes et aussi contraires à la fois aux traditions et aux intérêts nationaux. On ne justifie nullement, mais on explique ainsi en quelque mesure la réaction par laquelle le régalisme retourna les institutions du pouvoir absolu contre le clergé ou contre les directions de l’Église. Sous ce rapport, , la politique royale est un acheminement à la politique de la révolution qui, par suite de la faiblesse et des fautes personnelles de plusieurs rois, allait, au cours du xixe siècle, collaborer violemment avec la dynastie à la liquidation du passé.

Le souvenir si proche de tant d’épreuves inouïes ne doit pas empêcher de voir ce qu’il y a d’impérissable dans l’œuvre de l’Espagne catholique et de discerner dès maintenant que cette œuvre est loin d’être achevée ou léguée à d’autres. Ainsi, l’Espagne a pu perdre ses colonies et les richesses qu’elle en tirait, mais selon la pensée des premiers conquistadors, de la grande Isabelle, de Las Casas, ces pays sont de grands pays chrétiens où la race conquérante et la race conquise se sont associées (ce que nulle autre nation, dans les temps modernes, n’a encore réalisé). Enfin, l’Espagne est prête à reprendre dans le monde sa mission historique dès que l’ère des révolutions sera définitivement close ; elle paraît l’être depuis 1875 ; il dépend du patriotisme de tous les partis, de leur clairvojance et de leur esprit de justice qu’elle le soit tout à fait. Voilà pourquoi l’importance est si grande d’étudier la situation actuelle, l’action et les ressources spirituelles de l’Église d’Espagne qui a fait la nation et lui a donné sa vitalité, et qui ne pourrait laisser quelque crédit aux erreurs révolutionnaires que par ses propres imprudences.

Il a paru (1910) une traduction espagnole de VHistoire ancienne de l’Église, de Mgr Duchesne, augmentée d’une étude sur les origines chrétiennes de l’Espagne, qui n’est pas de Mgr Duchesne ; dom Leclercq, L’Espagne chrétienne, Paris, 1906 ; Martin Hume, Spanisli People, Londres ;. Rafaël Altamira y Crevea, Historia de Espaiia y de la civilizaciôn espanola, Barcelone, t. i, 2’édit., 1909 ; t. ii, 1902 ; t. III, 1906 ; t. iv (1700-1808), 1911 ; H. Ch. Lea, A his-Ittnj of the Inquisition of Spain, 4 in-8, Londres et New-York, 1907 ; J. P. Oliveira Jlartius, Historia da civilisaçao iberiea, S" édit., Lisbonne, 1909 ; Desdevises du Dezert, L’Espagne de l’ancien régime, Paris, 1897, t. ii ; Martin Hume, Modem Spain. Nous ne pouvons donner ici que desindications très générales. Il n’existe malheureusement pas une bonne histoire, claire et impartiale, de l’Église d’Espagne. Pour l’histoire actuelle de l’Église en Espagne, signalons particulièrement l’excellente clironique hebdomadaire rédigée par M : iximo [M. Angcl Salcedo] dans la Lectura dominical, revue illustrée dirigée par les jésuites, Madrid » . 1911, 18= année.

II. Composition.ctlelle de l’Église d’Espagxe.

— 1° Clergé séculier. — Le concordat de 1851 a divisé l’Espagne en neuf archevêchés, métropoles d’autant de provinces ecclésiastiques, et 46 évêchés sufiragants. Ces évêchés et archevêchés sont divisés en 16361 paroisses, groupées en 1000 archiprêtrés.

L’art. 5 du concordat est ainsi conçu : < Conformément aux puissantes raisons de nécessité et deconvenance qui le réclament pour la plus grande commodité et utilité sph-ituelle des fidèles, on fera une nouvelle division de délimitation des diocèses dans toute la Péninsule et les îles adjacentes. En conséquence, on conservera les sièges métropolitains actuels de Tolède, Burgos, Grenade, SaintJacques de Compostelle, Séville, Tarragone, Valence et Saragosse, et on élèvera à ce rang le siège suftragant de Valladolid,