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ESPAGNE (ÉGLISE D’), ETAT RELIGIEUX


restitués ont été presque intégralement convertis en titres de rente sur l’État.

Le clergé se trouve donc exposé et au contre-coup des difficultés financières que rencontre l’État, et à la mauvaise volonté d’un des partis qui alternent au pouvoir. De là résulte qu’une diminution du budget des cultes est beaucoup plus probable que l’augmentation éventuelle dont il est question à l’art. 36 du concordat.

Enfin, le concordat de 1851 confirme les concordats précédents, en particulier celui de 1753 ; le gouvernement royal conserve donc, entre autres prérogatives, celle de nommer les évêques : pratique excellente si l’art. Il de la constitution, qui considère la religion catholique comme religion nationale, correspondait à la réalité ; mais, loin qu’il en soit ainsi, le gouvernement peut être exercé par des anticléricaux.

On voit que, au total, le situation d’Église d’État comporte pour le catholicisme en Espagne des inconvénients autant que des avantages. Et ces inconvénients sont de plus en plus sensibles. Si, dès le 25 août 1857, un Convenio signé par le cardinal Antonelli et l’ambassadeur extraordinaire D. Antonio de los Rios y Rosas, est venu corroborer le concordat de 1851, c’est que déjà une partie des droits reconnus à l’Église par celui-ci avaient été méconnus ou contestés ; en particulier, une loi du l"’mai 1855 avait aliéné de nouveau des biens ecclésiastiques.

En réalité, le concordat de 1851 est, en même temps <ju’un traité solennel entre l’Église et l’Espagne, un épisode de l’histoire intérieure de ce pays et des luttes des partis adverses ; il n’a pu arrêter une évolution que les oscillations de la ix)litique n’empêchent pas de discerner clairement, qui remonte loin, et qui continuera longtemps encore. Les symptômes en sont multiples ; en voici quelques exemples.

Les premiers articles du concordat de 1851 et l’art. Il de la constitution reconnaissent à l’Église des droits très étendus et tout à fait conformes à la situation idéale d’une Église nationale et d’une Église d’État ; quand il s’est agi de prêter serment à la constitution, le gouvernement a déclaré que le serment n’impliquait rien de contraire aux lois de Dieu et de l’Église ; sur cette déclaration, la nonciature a autorise le clergé à prêter serment. Mais, par exemple, l’art. 13 de la constitution autorise la liberté de la presse, condamnée par le Syllabus, prop.79 ; la loi sur la presse de 1879 interdisait bien les attaques contre la religion de l’État, mais la loi du 26 juillet 1883, actuellement en vigueur, ne les interdit plus.

Sont sénateurs, de droit, le patriarche des Indes et les archevêques ; peuvent l’être, par nomination royale ou par élection d’un des grands corps de l’État (Académies royales, L^niversités, Sociétés économiques ) : les archevêques, évêques et chapitres de chacune des neuf provinces ecclésiastiques, mais selon des règlements qui se trouvent exclure les évêques, et, dans certaines conditions, les prêtres : en revanche, et malgré le suffrage universel institué en 1890, les prêtres ne peuvent être élus ni députés, ni conseillers municipaux (loi du 8 août 1907).

L’Église a longtemps eu seule l’administration et la juridiction de tout ce qui concerne le mariage. Il y a aujourd’hui un registre civil des mariages et celui qui se marie doit aviser par écrit, au moins vingt-quatre heures à l’avance, le juge municipal, qui assistera à la cérémonie ou enverra un délégué ; le juge inscrit sur son registre le mariage qui n’emporte ses efiets civils qu’à partir de l’inscription. Sur bien des points, la législation matrimoniale de l’État et celle de l’Église ne concordent plus ; par exemple, l’État met au mariage des officiers et des soldats des condi tions que l’Église condamne au nom de la liberté et de la moralité ; La loi civile, au contraire de la loi canonique, admet la rupture des fiançailles sans raison, moyennant une indemnité, etc.

Il y a plus ; l’art. 42 du Code civil (rédigé de 1881 à 1888) porte : « La loi reconnaît deux formes de mariage, le mariage canonique, que doivent contracter tous ceux qui professent la religion catholique, et le mariage civil, qui se célébrera de la manière fixée par le présent Code. « Cette rédaction est ambiguë : pour qu’un catholique cesse d’être considéré comme tel, faut-il qu’il abjure, ou suffit-il qu’il réclame une forme de mariage que l’Église réprouve ? Voir t. iv, col. 1427-1428. La Real orden (sorte de décret ministériel ) du 27 août 1906 avait admis cette seconde interprétation ; elle a été annulée, comme contraire à la constitution, par une autre Real orden du 28 février 1907. Mais une législation qui admet le mariage civil est-elle bien d’accord avec les premiers articles du concordat et avec l’art. Il de la constitution ? Une Real orden du 15 décembre 1792 faisait célébrer devant le curé même les mariages des dissidents en stipulant que ceux-ci ne renonçaient point par là à leur religion. On voit le chemin parcouru. Du moins, le mariage civil est-il indissoluble.

En matière de testaments, le prêtre n’a plus aucune fonction spéciale, tout le contrôle est passé peu à peu à la justice laïque. Le confesseur, ni son église ou’son ordre ne peuvent rien recevoir en vertu d’un testament rédigé pendant la dernière maladie du pénitent.

Le Code pénal, qui date de 1870, époque révolutionnaire et anticléricale, est, plus constamment que le Code civil, en désaccord avec la lettre et l’esprit du concordat. Il ne nomme pas une fois la religion catholique. Par contre, il punit sévèrement (bannissement temporaire) le prêtre qui a communiqué dos instructions pontificales aux fidèles sans le placct du gouvernement ; les fidèles qui se conforment aux instructions reçues dans ces conditions sont passibles de la prison. Le 3 juin 1867, à la suite d’une bulle du 2 mai réduisant le nombre des jours fériés en Espagne, le gouvernement obligeait ceux qui voulaient travailler ces jours-là à demander la permission de l’autorité ecclésiastique ; le Code de 1870 interdit de molester celui qui veut travailler les jours de fête religieuse. Nous verrons qu’il y a eu depuis lors une loi sur le repos hebdomadaire.

Les anciennes lois, et même les Codes de 1822 et de 1848 châtiaient le blasphème. Le Code actuel ne spécifie rien pour l’injure contre Dieu. Mais le blasphème public, proféré en dérision d’une croyance ou d’un culte, est puni par le tribunal suprême comme contraire aux articles du (Lode qui prohibent l’outrage au ministère d’un culte en fonctions, le trouble apporté à une cérémonie, le sarcasme public contre un dogme ou des rites ayant des prosélytes en Espagne. Le journaliste ; uteur d’un article injurieux et celui même qui le reproduit sont passibles des peines fixées par le code (amende et prison). En revanche, la jurisprudence ne considère pas comme punissable la négation des dogmes, même en termes excessifs, pourvu qu’elle ne soit pas mêlée d’insulte ; elle autorise toute discussion sur le terrain philosophique et rationnel. Est punissable de prison et d’amende celui qui, par violence, détourne un citoyen de son culte, ou, inversement, l’oblige à prendre part à un culte qui n’est pas le sien.

Le Code pénal fixe une peine de 1 à 10 jours de prison et de 5 à 50 pesetas pour celui qui trouble un culte. La jurisprudence admet assez généralement qu’on doit se découvrir devant une procession ou devant un enterrement accompagné de la croix. Mais actuelle-