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ESPENCE — ESPÉRANCE

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ouvrages les plus importants de cette époque sont ses commentaires sur les Épîtres de saint Paul à Tiniothée (1564) et à Tite (1568). Il y ajoute de nombreuses et savantes dissertations sur les points particuliers de doctrine qui prêtent à discussion. En 1565, il donne un traité De conlincntia, dans lequel il défend les vœux religieux contre les attaques des protestants. Enfin il compose son ouvrage le plus important au point de vue dogmatique, le De eucharisda ejiisqiic adoratione libri quinqiie, complété par le Libellas de privaia et publica missa, qui ne furent publiés qu’après sa mort en 1573.

Ces travaux purement théologiques ne l’avaient pas éloigné de la chaire sacrée. En 1560, il prononçait à Saint-Germain-l’Auxerrois l’oraison funèbre du chancelier Olivier et celle de Marie, reine d’Ecosse. Il publiait en français, deux ans plus tard, une série de sermons sur les questions discutées avec les protestants, spécialement sur les traditions humaines et les traditions ecclésiastiques. Il traduisait quelques discours de Théodoret et de saint Jean Chrysostoine, de Grégoire Palamas, archevêque de Thessalonique, et la Chronique de Haimo dHalberstadt. Il continuait ses conférences contradictoires avec les ministres calvinistes et en rendait compte dans une série d’ouvrages : le Traiclé louchant la vertu de la parole de Dieu (1567), la Continuation de la tierce conférence avec les ministres, l’Apologie des deux conférences avec les ministres (1568) et enfin la Conférence de l’efficace de la parole de Dieu (1570). Tous ces ouTages donnent une idée très précise des questions qui faisaient alors l’objet du débat entre les catholiques et les protestants. D’Espence y garde une très grande modération dans la forme et, à plusieurs reprises, s’y vante d’être un « moyenneur » , ennemi de toute exagération. Cela ne l’empêcha point d’être violemment attaqué par les ministres et calomnié par Théodore de Bèze lui-même. C’est dans une studieuse retraite qu’il mourut, le 4 octobre 1571. Son testament, publié par Launoi, révèle une grande foi et une inépuisable charité. Son ami Génébrard donna ; en 1619, une édition complète de ses œuvres latines.

De Thou, t. XVI, année 1555 ; Nicéron, t. xvii ; Launoi, Regii Navarræ gijmnasii Parisiensis historia ; de Barthélémy, Etude biograpliiqtie sur Claude d’Espence, Cliâlons, 1853 ; Férct, La faculté de théologie de l’aris, époque moderne, t. I, p. 227-210 ; t. ii. p. 101-118, Hurler, Nomenclator, t. iii, col. 17-19.

A. HUMBERT.


ESPERANCE.
I. Sources théologiques d’une théorie de l’espérance.
II. Analyse de l’espérance d’après le langage et le sens commun.
III. L’espérance comme principe d’action ; espérance et patience.
IV. Aspect intellectuel de l’espérance.
V. L’espérance comme acte affectif, analyse plus approfondie.
VI. Matière de l’espérance chrétienne.
VIl. Motif de l’espérance chrétienne ; trois principaux systèmes.
VIII. Comment l’espérance est une vertu théologale.
IX. Valeur morale de l’espérance chrétienne et de son motif intéressé.
X. Nécessité de l’espérance.

I. Sources théologiques d’une théorie de l’espérance.

L’espérance dans l’Écriture.

1. Ancien Testament.

L’espérance religieuse y tient une grande place. Espérer en Dieu » ou « se confier en lut » , est souvent lié à son attribut de puissance, de force : « Jéhovah, en loi j’ai placé mon refuge… Tu es mon rocher, ma forteresse… C’est en Jéhovah que je me confie. Ps. xxxr (xxx), 2 7. Cf. Is., xxvi, 4. Souvent aussi, à son attribut de bonté, de miséricorde qui le porte à nous secourir : « Je me confie dans la bonté de Dieu éternellement et à jamais… i : i j’es pércrai en ton nom, car il est bon, en présence de tes fidèles. » P8, LU (li), lii, ll ; cf.xii, G ; xxxiii, t » ; Sap., XII, 22 ; Judith, ix, 17. Dans l’Ancien Testament, on espère beaucoup plus souvent les biens temporels que la béatitude éternelle. ]Iais Dieu ayant promis à sou peuple des biens temporels comme sanction de la loi mosaïque, c’était un acte religieux que d’espérer de sa main les biens promis, la délivrance et la prospérité d’Israël.

2. Nouveau Testament.

1) Évangiles.

Ici, les biens temporels s’effacent devant les biens spirituels et célestes que Jésus présente au désir et à l’espérance : Si scires donum De/… Joa., iv, 10. Il fait espérer la descente du Saint-Esprit, sa perpétuelle assistance jusqu’à la fin des siècles, la résurrection de la chair, et surtout la vie éternelle, objet suprême de l’espérance religieuse, plus voilé dans l’Ancien Testament, dévoilé dans le Nouveau. On a dit que nos Évangiles ne contiennent ni le nom d’espérance, ni, au sens religieux, le verbe « espérer » . Hastings, A Dictioncuy of Christ and ihe Gospels, Edimbourg, . 1906, t. i, p. 747. Mais, qu’importe le mot, si en réalité Jésus fait souvent appel à l’espérance religieuse, en présentant les objets qui l’excitent ? S’il remplace le verbe « espérer » par des équivalents, par la négation du contraire « ne pas craindre » ; par exemple : a Cherche : le royaume de Dieu… A’e craignez point, . petit troupeau, car il a plu ; i votre Père de vous donner le royaume, » Luc, xii, 31, 32 ? S’il remplace le terme abstrait par le geste expressif, comme dans cette phrase : « Quand ces choses commenceront ; i arriver, redressez-vous et relevez la tête, parce que votre déhvrance approche, » Luc, xxi, 28 ? La tête, abattue par la tristesse ou le découragement, est relevée par l’espérance. Enfin, Jésus recommande souvent, même sous la forme abstraite si on y tient, la confiance, cet élément le plus caractéristique de l’espérance. Voir plus loin.

b) Épîtres.

Soit parce que le nom d’espérance ( ;).-. ;) se trouve chez saint Pierre, et en bonne place, I Pet., i, 3, 21 ; iii, 15, soit surtout à cause de la tendance générale de son enseignement, il a pu être nommé l’apôtre de l’espérance. — On pourrait dire de saint Paul qu’il en est le théologien. C’est lui qui présente aux fidèles la célèbre triade, foi, espérance et charité. I Thess., v, 8, etc. Et bien qu’il insiste davantage sur la foi et sur la charité, il pose dans ses Épitres les fondements révélés d’une théorie de l’espérance. Voir surtout Rom., v, 2-5 ; viii, 18-25 ; I Cor., xiii, 13. Nous y reviendrons plus bas.

L’espérance chez les Pères.

Dans leurs homélies, ils prêchent l’espérance, et encore en passant, et n’ont pas de traité didictiqiie. Le texte le plus important pour la théorie de l’espérance est ce passage de saint Augustin : « Pr( ; /-o/î espérer un objet sans le f/oire ?Mais on peut croire un objet sans l’espérer ; car tout fidèle croit les peines des impies et ne les espère pas. « Ainsi, tout acte de l’espérance chrétienne présuppose un acte de foi ; mais l’acte de foi n’entraîne pas nécessairement un acte d’espérance. La foi, ajoute-t-il, a un objet plus vaste : « La foi s’étend aux maux comme aux biens ; car on croit des biens et des maux. La foi s’étend au passe, au présent et à l’aNcnir ; nous croyons que le Christ est mort, c’est du passé ; nous croyons qu’il est assis à la droite du Père, c’est du présent ; nous croyons qu’il viendra nous juger, c’est de l’avenir. De même, la foi se porte sur des choses qui nous concernent, et aussi sur des objets qui nous sont étrangers : tout fidèle croit avoir eu un commencement de son existence, et n’avoir pas été éternel ; il en croit autant des autres personnes et du monde créé ; et, parmi les vérités religieuses que nous croyons, plusieurs se réfèrent non seulement aux autres hommes, mais encore aux anges. Au contraire, Vcspérance ne se parle que sur un bien, et sur un bien futur.