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ESPRIT-SAINT

surnaturelle, elle mérite la dénomination de Saint-Esprit. Ibid., col. 784. Mais, d’après la juste remarque de Suicer, Thésaurus, t. ii, col. 761, cette étymologie exprime plutôt une allusion, une adaptation au Saint-Esprit, que la racine d’où dérive le mot pneuma. Celui-ci est un dérivé du verbe pneo : il s’ensuit donc que sa signification vulgaire et primitive, soit chez les auteurs classiques, soit chez les auteurs inspirés, est souffle, vent. P. de Régnon, t. iii, p. 226 ; Lechler, t. i, p. 91 ; Nôsgen, t. I, p. 17.

Cette signification de vent est attribuée au mot πνεῦμα dans plusieurs textes de l’Écriture sainte ; selon Théodoret, Quæst. in Gen., q. viii, P. G., t. lxxx, col. 89, il a ce sens même dans le fameux texte de la Genèse, i, 2 ; cf. pseudo-Athanase, Quæst. xi.viii in V. T., P. G., t. xxviii, col. 729, et d’après saint Jean Chrysostome, il en est de même dans le texte de saint Jean, iii, 8. In Joa., homil. xxvi, P. G., t. lix.col. 152 ; In Epist. I ad Cor., c. xxix, P. G., t. lxi, col. 246. Voir aussi Job, i, 19 ; Is., xxvii, 8. Dieu est appelé par Amos κτιζῶν πνεῦμα, créateur des vents, iv, 13. Le mot πνεῦμα désigne aussi le souffle de la personne vivante, en particulier le souffle de la bouche de Dieu, Ps. xxxiii, 6 ; Dieu extermine l’impie par le souffle de sa bouche. II Thess., ii, 8.

De ce sens primitif, le mot πνεῦμα a passé à la désignation des forces spirituelles et des substances immatérielles. Nous le trouvons tout d’abord employé dans le sens de principe de la vie commune à tous les êtres animés, principe général, distinct du principe de la vie spécifique de l’homme, l’âme, ψυχή. Le déluge détruit toute chair ayant le souffle de la vie. Gen., VI, 17 ; vii, 15. Il exprime tout ce qui est opposé à la matière : celle-ci est inerte, tandis que l’esprit est la source de la vie. Gen., vi, 3 ; Trochon, Introduction générale à l’Écriture sainte, Paris, 1894, t. ii, p. 678.

Il désigne l’âme humaine, qui vivifie le corps, Gen., VI, 3 ; Hummelauer, Commentarius in Genesim, Paris, 1895, p. 215 ; ou l’âme séparée du corps, Heb., XII, 23 ; la partie rationnelle de la nature humaine, la pensée qui s’élève à la connaissance des choses divines et éternelles, Heb., iv, 12 ; les tendances, les inclinations, les passions, les affections de notre nature, nos sentiments. C’est ainsi que les hommes ont l’esprit de colère. Job, iv, 9 ; l’esprit de sagesse, Exod., xxviii, 3 ; l’esprit d’intelligence et de savoir, Exod., xxxi, 3 ; l’esprit de jalousie. Num., v, 14 ; Eccle., vii, 9

Le sens de πνεῦμα ne reste pas enfermé dans les limites de l’ordre naturel. Il désigne le monde angélique, le règne des esprits créés par Dieu pour remplir ses volontés. Dieu est appelé le Dieu des esprits, Num., XVI, 22 ; de Hummelauer, Commentarius in Numeros, Paris, 1899, j). 13.5-136 ; il fit les anges « des esprits » , en leur donnant la nature immatérielle. Ps. ciii, 1. Le mot « esprits » désigne les anges bons et les anges mauvais, Jud., ix, 23 ; de Hummelauer, Commentarius in libros Judiciim, Paris, 1888, p. 190 ; un fantôme, un revenant. Luc, xxiv, 37.

Appliqué à Dieu, il désigne l’être de Dieu, l’acte très pur de son existence, et il établit une antithèse entre l’être divin et la matière. Dieu est esprit, Is., iv, 24 ; les attributs divins, la toute-puissance, Luc, i, ' 35 ; sa sagesse et sa beauté. Job, xxvi, 13 ; de Hummelauer Commentarius in libros Judicum, p. 78 ; l’action de Dieu sur l’homme, action qui est la source de l’esprit prophétique, Ezech., xxx vi, 26 ; l’inspiration divine. Ezcch., XIII, 12 1 1.

En résumé, le mot esprit a :
1o un sens phvsique qui exprime des phénomènes naturels ;
2o un sens physiologique, qui désigne la vie et ses manifestations ;
3o un sens psychologique, qui exprime l’âme humaine, ses puissances, ses affections, sa vie ;
4o un sens préternaturel pour désigner le monde visible et les êtres qui en font partie ;
5o un sens surnaturel pour énoncer l’être de Dieu, sa vie, ses attributs, son action sur l’âme humaine. Cette variété de significations, observe le P. de Régnon, devait nécessairement causer bien des embarras aux docteurs de l’Église dans leurs discussions avec les hérétiques. Car, d’un côté, ils devaient légitimer l’emploi qu’ils faisaient de certains textes scripturaires pour montrer la divinité du Saint-Esprit, et, d’un autre côté, ils avaient à écarter les textes qui avaient rapport à quelque créature, t. iii, p. 288.

Toutefois le mot esprit, dans la sainte Écriture, a une autre signification, à laquelle, remarque Didyme d’Alexandrie, on n’arrive pas au moyen de la philosophie. Liber de Spiritu Sancto, n. 2, P. G., t. xxxix, col. 1033-1034. On y trouve mentionné souvent l’esprit de Dieu : רוּחַ אֱלֹהים ; l’esprit du Seigneur : רוּחַ יְהֹוָה ; l’esprit saint : רוּחַ קֹדֶשׁ. Faut-il entendre ces expressions dans un sens absolument allégorique, dans le sens de manifestations de la grâce et puissance de Dieu, ce qui, parfois, n’est pas contraire à la vérité ? Berti, De theologicis disciplinis, t. vii, c. xiv, Bassano, 1792, t. ii, p. 50. Ou même faut-il y voir la dénomination d’une personne réelle, qui participe à l’être et à la vie de Dieu ? Didyme, op. cit., n. 4, col. 1035. La tradition des Pères et la théologie chrétienne sont unanimes à reconnaître que l’Ancien et le Nouveau Testament, le premier par des allusions voilées, le second par des assertions explicites, affirment l’existence d’une personne distincte, de la très sainte Trinité, et que cette personne est désignée le plus souvent par la dénomination de Saint-Esprit.

Suicer, Thesaurus ecclesiasticus, t. ii, col. 763-780 ; Schenkel, Bibel-Lexikon, Leipzig, 1800, p. 367-369 ; Grimm. Lexicon græco-latinum in libros Novi Testamenti, Leipzig, 1879, p. 361 ; Cremer, Biblisch-theologisches Wörterbuch der neutestamentlichen Gräcilät, Gotha, 1895, p. 829-847 ; P. de Régnon, Etudes de théologie positive sur la sainte Trinité, Paris, t. iii, p. 287-302 ; Lechler, Die biblische Lehre von heiligen Geiste, Gutersloh, 1899, t. i ; Nôsgcii, Der heilige Geist, sein Wesen, und die Art seines Wirkens, Berlin, 1905, t. i ; Brown, A hebrew and english lexicon of the Old Testament, Oxford, 1906, p. 224-226 ; Hagen, Lexicon biblicum, Paris, 1911, t. iii, p. 1056-1060.

2o Le Saint-Esprit dans l’Ancien Testament.

1.Remarques préliminaires.

Avant d’aborder la doctrine de l’Ancien Testament sur la réalité, la divinité et la personnalité du Saint-Esprit, il est utile de remarquer :

a) que le Vieux Testament est une préparation à la révélation pleine et entière du Nouveau. Il ne faut donc pas s’étonner de ce que renonciation des mystères touchant la vie intime de Dieu n’y soit pas précise et n’y soit pas clairement développée. Aux justes et aux prophètes de l’ancienne loi. Dieu parle par figures et en énigmes. Par leur entremise il donne au peuple juif la préface du livre de la révélation chrétienne. La plénitude des temps n’était pas arrivée pour que fût donnée une connaissance plus approfondie des mystères de Dieu, Gal., iv, 3, et en particulier, au sujet du Saint-Esprit, l’Ancien Testament est réellement un livre couvert d’un voile. II Cor., III, 14. Voir Scheeben, La dogmatique, trad. franc., Paris, 1880, t. ii, p. 532 ; Franzelin, Tractatus de Deo trino, Rome, 1895, p. 97-98.

b) Il est avéré aussi que l’Ancien Testament est bien plus clair et explicite à l’égard du Fils qu’à l’égard du Saint-Esprit. C’est pour cela que les théologiens qui traitent du Saint-Esprit, ou bien passent sous silence, comme dépourvus d’autorité, les témoignages de l’Ancien Testament, ou bien ne leur donnent qu’une importance secondaire. « La raison, dit Scheeben, pour laquelle la personne du Fils ressort aussi