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ESPRIT-SAINT
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l’orthofloxie d’Origèiie, il serait injuste de prendre prétexte de quekiues expressions dures et incorrectes pour lui ini]niter la négation de la divinité du Saint-Esprit.’( Sans doute, remarque avec raison Mur Preppel, il est facile de bâtir tout un système d’accusations sur rcmploi plus ou moins discret d’un terme, dont la signification n’était pas bien arrêtée ; mais l’équité demande que l’on rechcrclie avant tout l’idée exprimée parle mot. > Orifiène, Paris. 1875, t. i, p. 261.

La théologie trinitaire d’(Jrigène reconnaît formellement la consubstantialité divine du Saint-Esprit, comme nous l’avons vii, et en même temps aflirme d’une manière si explicite sa personnalité distincte, qu’il est impossible de biaiser à ce sujet. Duchesne, Histoire ancienne de t’Érjlise, Paris, 1908, t. i, p. 351. Le célèbre écrivain revient maintes fois sur le Saint-Esprit comme troisième terme de la Trinité, comme hj-postase divine distincte des liypostases du Père et du Fils. Il associe son nom à celui du Père et du Fils. De princ., , iii, 2, P. G., t. xi, col. 147. Il marque bien la distinction réelle entre les hypostases, tout en faisant ressortir vivement leur divine consubstantialité. In Gen., ir, 5, P. G., t. xii, col. 171 ; In Lev., v, 2, col. 450 ; In Exod., v, 3, t. xiii, col. 328 ; In Mailh., XII, 42, col. lOSl. Tpia K-Jaio ; > Osô ; r, xCù-i ïcxi-r o {ctçi Tps ;  ; -0 é’v iln : -I. ( Le Seigneur notre Dieu est trois personnes : les trois personnes sont un seul Dieu. » Selecla in Ps., ps. cxxii, 2, P. G., t. xii, col. 1633. Origéne se plaît à multiplier ses actes d’adhésion à cette formule. « Je crois, dit-il, au Père, au Fils et au Saint-Esprit, et cette foi est commune à tous les membres de l’Église de Dieu. » In Lcu., v, 3, P. G., t. XII, col. 452 ; In Num., i, 3 ; XII, 1, col. 389, 659. On ne saurait avoir la connaissance de la sainte Trinité, si l’on n’y voyait le Saint-Esprit. II()mil., i-, in ps. xxxvi, ibid., col. 1350. Les Juifs assoilTcs allaient s’abreuver h l’unique source de Dieu ; mais parce qu’ils n’avaient point soif du Christ et du Saint-Esprit, leur soif du Père ne put être étanchcc. In Jcr., homil. xviii, /’. G., t. xiii, col. 481. La clarté de ces passages nous dispense de tout commentaire. En ce qui concerne le dogme de la consubstantialité divine et de la personnalité distincte du Saint-Esprit, Origéne mérite l’éloge que lui décerne dom Maran : Ad dogmata quod atlinel, a jidei régula in Ecclesia fixa et slabilita, vel latiim ungiicm recedere ipsi relifiio fuit. Op. rit., p. 129.

Mais si la doctrine d’Origène sur le Saint-Esprit est irréprochable, que deviennent les accusations d’hérésie portées contre lui par saint Épiphane et saint Jérôme’.’(^s deux docteurs auraient-ils sciemment calomnié le granil exégèle d’.Mcxandrie et noirci sa mémoire’? Il faut écarter de pareils soupçons. Il y a, Iiersonne ne le conteste, dans les écrits d’Origène des hardiesses de pensées et des incorrections de langage, « (ui semblent, de prime abord, justifier la réprobation de docteurs à I humeur âpre et agressive, tels qu’Épiphane et Jérôme. Origéne cherchait à se frayer des voies nouvelles dans le champ de la spéculalion théologique, à donner une nouvelle ampleur à la théologie trinitaire, et quelque grande que fut la rccti-Uule de ses intentions, il n’élait pas à même de combler toutes les lacunes d’une Icnninologie imprécise et flottante, ou de fixer la doctrine du Saint-Esprit avec la rigueur des formules sanctionnées dans les conciles des âges suivants..Mais ces hardiesses de pensée et de langage, surtout si on ne les détache pas du contexte, loin de porter atteinte à l’enseignement traditionnel de rÉglisc, révèlent chez leur auteur un esprit vaste, qui ne recule pas devant les problèmes les plus ardus de la spéculation théologique.

On reproche à Origéne d’avoir subordonné le Saint-Esprit au Père et au Fils. - Le Père, dil-il, contenant

tout, embrasse tous les’êlres, en tirant de lui-même l’être qu’il communique à cliacun. Inférieur au Père, le Fils étend son action seulement aux substances rationnelles, car il est le second après le Père. Moindre encore, le Saint-Esprit n’étend son action quc sur les saints. Ainsi la puissance du Père est plus grande que celle du Fils et du Saint-Esprit : celle du Fils est supérieure à celle du Saint-Esprit, et celle du Saint-Esprit, supérieure à celle des autres saints. » De princ., I, iii, 5, P. G., t. xii, col. 151. Le texte grec de ce passage dangereux nous a été conservé par.Justinien. Saint Jérôme l’exploite pour attaquer violemment Origéne, en l’accusant d’avoir supposé en Dieu trois puissances inégales et élevé le Fils en dignité au-dessus du Saint-Esprit. La meilleure réponse à cette accusation nous a été donnée par Origéne lui-même ; il s’explique clairement sur le sens qu’il convient de donner à ce passage ; il semble avoir prévu les objections de ses adversaires et il les a résolues d’avance. Voici avec quelle abondance il développe et éclaircit sa pensée : De ce que nous avons dit que le Saint-Esprit est accordé seulement aux justes, et que les bienfaits et les opérations du Père et du Fils atteignent les bons et les méchants, les justes et les injustes, qu’on ne pense point que par Ift nous mettions le Saint-Esprit au-dessus du Père et du Fils, ou que nous lui assignions une plus grande dignitc.’JJ.cite conséquence est absurde : car nous n’avons voulu parler que du caractère propre de la grâce et de l’opération du Saint-Esprit. Dans la Trinité, rien n’est plus ou moins grand, puisque la source de la divinité tient toutes choses dans son verbe et sa raison, st qu’il sanctifie par le souffle de sa bouche tout ce qui est digne de sanctification. Ibid., I, iii, 7, col. 153. Et peu après, Orjgène revient sur celle explication si précise et déclare expressément qu’il n’y a pas de division dans la Trinité, que ce qui est appelé le don de l’Esprit est manifesté par le Fils et opéré par Dieu le Père. Ibid., 7, col. 154. Origéne marque donc bien la signification des termes qu’il emploie et en fixe avec une grande clarté le sens et la portée théologique. L’action appropriéc au Saint-Esprit est moins étendue que les actions a])propriées au Père et au Fils, mais cette appropriation n’implique pas une diversité de nature entre les trois hypostases divines, parce que dans la Trinité rien n’est plus ou moins grand. Origéne, du reste, parle le vrai langage de la théologie chrétienne, lorstiu’il indique des sphères d’activité plus ou moins restreintes ù ces acUona. ai)proprifCS. n lùivisagé comme le princiiic de la justification ou comme la vertu sanctifiante, le Saint-Esprit n’habite certainement que dans les âmes des justes. De même, les créatures raisonnables sont les seules qui participent au I-’ils en tant quc Verbe ou raison éternelle..u contraire, le Père, en vertu de celle fonction particulière de créateur ou de principe universel des choses, étend son action à tous les êtres tant irraisonnables que doués de raison. » FrepiJcl, Or/ (/c/ie, t. i, p. 286, 287. Nous pouvons donc conclure, avec le P. de Régnon, que ce magiiifiquc passage proteste contre les fausses inleriirétalions de la doctrine d’Origène. Op. cit., t. iii, p. 379-381.

Un texte plus difficile à interpréter dans le sens catholique est contenu dans le Commentaire de l’Évangile de saint Jean, xiii, P. G., t. xiv, col. 411. Origène semble y admettre que le Père est de beaucoup supérieur en dignité et en excellence au Saint-Esprit : J-spsT/oij.Évou -’lUf’j-’i-j f, x » ’i -iiiÀrt-t aTtb TO’J llaipôç, ôiîn) Ù7 ; îp5/_tt aJtô ; v.aX to âyiov IIv£-jna -urt’/.oi-tiy/, ov T’ov Tj/ovTf.iv. Pour bien entendre ce passage, il faut avoir présent à l’esprit qu’Origène considère toujours le Père comme la source de la divinité, comme la racine d’où germent le Fils et le Saint-Esprit. Eu égard à cette relation divine de la paternité, qui suppose,