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ESSENCE


Denzingcr-Bannwart, n. 389 ; par le IV" concile de Latran, can. Finnilcr, Denzinger-Bannwart, n. 428, et par le concile du "Vatican, scss. III, c. i, Denzinger-Uannwarl, n. 1782.

Les erreurs ou plutôt les façons de parler inexactes de certains Pères relativement à l’essence divine ont été signalées. Voir Dieu, t. iv, col. 1023.

Notre connaissance de l’essence divine ne peut être qu’imparfaite et analogique : telle est la doctrine des Pères, voir Dieu, t. iv, col. 1134 sq., et de tous les théologiens catholiques. Nous parvenons à cette connaissance de plusieurs manières : les scolastiques ont exposé leur doctrine à ce sujet. Voir Dieu, t. iv, col. 1157 sq. On doit d’abord déterminer une méthode double : méthode déductive et méthode inductive ; la méthode inductive, à son tour, procède par voie d’affirmation, de négation et d’cminence. Tous ces points de vue ont été discutés en détail. Voir spécialement Attributs divins, t. i, col. 2226 ; Dieu, t. IV, col. 1158 ; Éminence (Méthode d’), t. iv, col. 2420. Bien que notre connaissance de l’essence divine procède de la connaissance des attributs, nous concevons l’essence divine comme distincte de ses attributs. On a expliqué en quel sens il faut entendre cette distinction. Voir Attributs divins, t. i, col. 2230 ; Dieu, t. iv, col. 1170.

Si le concept d’essence renferme, en Dieu, l’existence, la réalité de cette essence n’est pas cependant une vérité évidente par rapport à nous. Pour qu’il en soit ainsi, il faudrait que nous ayons une connaissance immédiate de l’essence divine, alors que nous n’en avons qu’une connaissance médiate et analogique. C’est la raison pour laquelle l’argument a priori de l’existence de Dieu ne semble pas devoir être retenu comme concluant. Voir Abstraite (Connaissance), t. i, col. 281 ; Anselme (Argument de saint), t. I, col. 1358 ; Dieu, t. iv, col. 889, et Ontologisme.

2° L’essence créée se retrouve à la fois dans la substance prédicamentale et dans les neuf autres prédicaments où se répartissent les accidents physiques. Voir Accidents, t. i, col. 302. C’est là une vérité philosophique évidente. L’essence détermine les êtres selon leurs différentes espèces, voir S. Thomas, De ente et esseniia, c. i ; or, l’être se trouve dans les dix catégories d’Aristote ; donc l’essence aussi se retrouve dans toutes les réalités, substances et accidents, que comportent ces catégories. Mais ici, il faudra encore se souvenir de l’analogie de l’être qui se constate également par rapport à l’essence. S’il s’agit de la substance, l’essence lui appartiendra absolument, voir Absolument, t. I, col. 135 ; s’il s’agit des accidents, l’essence leur appartiendra relativement, secundum quid, c’est-à-dire en fonction de la substance, dans laquelle et par laquelle les accidents existent. Rappelons-nous, en effet, que ces termes, essence, existence, sont corrélatifs ; la proportion de l’essence à l’existence doit se retrouver partout où l’être se retrouve lui-même. Voir S. Thomas, De ente et essentia, c. ii, vu.

Ces quelques notes suffisent pour expliquer la manière d’attribuer le qualificatif essentiel à des réalités physiquement accidentelles. Les accidents ont leur essence : à ce titre, ils peuvent essentiellement différer entre eux ; c’est ainsi que saint Thomas, Sum. theoL, Ia-IIæ, q. liv, a. 2, affirme que l’acte de foi naturelle et l’acte de foi surnaturelle diffèrent secundum naturam. Différence essentielle n’est synonyme de différence substantielle que lorsque le terme essence est pris absolument, c’est-à-dire en tant qu’il convient à la catégorie de substance. Il faut d’ailleurs signaler que cette manière de parler se rapporte plutôt à l’essence considérée dans ses relations avec notre connaissance. Voir plus loin.

Les essences créées, se rapportant à la substance

prédicamentale, se divisent en essences spirituelles et essences composées de matière et de forme.

1. Essences spirituelles.

La question a été déjà longuement exposée à tous les points de vue. Voir Ange, t. i, col. 1190, 1195-1200, 1225, 1230-1233, 1268 ; Démon, t. iv, col. 402, 408 ; Cajetan, t. ii, col. 1321, 1325 ; Forme.

2. Essences composées.

Dans les êtres corporels, l’essence ne peut être que composée d’éléments jouant le rôle de princiiies formel et matériel. Dans le système péripatéticien, adapté par saint Thomas à la philosophie chrétienne, ces éléments sont la matière première et la forme substantielle, cette dernière donnant au composé sa détermination ad esse taie vel taie. Bien que l’âme humaine soit une forme subsistante, c’est-à-dire possédant, indépendamment de la matière, une existence propre, elle n’est pas une essence. Elle n’est qu’une partie de l’essence hmnaine, car son être possède une habitude intrinsèque au corps qu’elle doit informer : elle ne subsiste donc pas complète dans son espèce. S. Thomas, Sum. theol., V, q. Lxxv, a. 2, ad 1°"’; De anima, a. 1, ad 1°’". Voir Forme. Il n’y a donc pas lieu de distinguer, dans notre étude, l’essence humaine des autres essences composées.

Ce qu’il importe d’établir présentement, en dehors de toute préoccupation de système philosophique particulier, c’est la réalité physique de l’essence créée composée par rapport à l’être tout entier dont elle détermine l’espèce. Ce sont les seules essences que nous puissions atteindre : elles doivent donc être pour nous le point de départ des spéculations dogmatiques dont il faudra s’occuper tout à l’heure.

L’essence, telle que nous la concevons par notre intelligence, n’existe pas dans la réalité des choses, eu égard à notre mode de la concevoir. Il est vrai que l’objet de notre intelligence, c’est l’essence des êtres visibles ; mais l’objet propre de notre intelligence est l’universel et non le singulier : il faut donc que l’essence soit abstraite de toutes les conditions individuelles qui l’entourent dans la réalité physique. Par cette abstraction, qui s’opère sur les représentations de la connaissance sensible, l’intelligence forme l’universel direct, ou matériel ou métaphysique, dont la portée objective est de nous représenter /a c/iose qui existe en soi, quoiqu’il ne nous la représente pas selon le mode de son existence réelle. La même opération se renouvelant plusieurs fois, l’intelligence applique l’essence abstraite (métaphysique ou réelle) à tous les êtres semblables, en lui donnant une extension formellement universelle. C’est alors l’essence logique ou intentionnelle qui, devant s’appliquer uniformément à tous les êtres semblables, n’existe que dans notre esprit et fonde les notions de genre, d’espèce et de différence. Sans appartenir à l’essence, le propre, qui en découle nécessairement, peut être appelé « essentiel » , par opposition à l’accident logique. Voir S. Thomas, De verilate, q. xx, a. 2, ad 4°™ ; Accident, 1. 1, col. 302. On pourra lire avec profit, sur cette matière, la belle thèse de M. Dehove. Essai critique sur le réalisme thomiste comparé à l’idéalisme kantien, Lille, 1907, c. i, ii, vu. Nous n’avons pas à revenir ici sur le fond de la querelle des universaux : il suffit de résumer la position adoptée par les philosophes catholiques à la suite de saint Thomas, Sum. theol., I » , q. lxxxv, a. 1, 2 ; 13e anima, a. 2, ad 8°" ; Com. in lib. de anima, 1. II, lect. xii. Objectivement, il n’existe pas d’universels comme universels ; il n’y a que ctes individus, et, par conséquent, des essences avec leurs notes individuelles. Néanmoins, à cause de l’identité de ces essences dans leurs éléments spécifiques, on peut dire en quelque sorte que les êtres qui les possèdent sont coessentiels.