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les moyens spirituels et surnaturels, dont elle peut prêter le concours à l’État, comme de se prononcer en dernier ressort sur l’ojjportunité ou la nécessité de son intervention. » E. Vallon, Droit social, p. 13.

Cependant, l’indépendance de l’État, société juridique parfaite, existe, avons-nous dit, par rapport à son ordre propre et pour ce qui touche sa propre (in ; et cela seulement est exigé par la nature de la société parfaite, sur laquelle, en ellel, aucune autre société, même d’un ordre supérieur et se rapportant à une lin plus élevée, ne saurait exercer un pouvoir (///ceI. Mais il ne répujjne pas au caractère juridique de la société parfaite qu’une autre société, d’un ordre essentiellement distinct, et se rapportant à une fin supérieure, ne puisse exercer sur elle un pouvoir indirect, c’est-à-dire un droit qui ait sa ^urce dans les exigences mêmes de cette fin supérieure, et qui soit proportionné à ces exigences. Aussi bien, l’avons-nous observe en analysant la fin sociale de l’État, au terme de cette fm comprise dans l’ordre temporel, il existe une fin supérieure d’un autre ordre, qui est la fin dernière, et, parallèlement à l’État, se rencontre une autre société parfaite, d’un ordre plus élevé, parce que divin et spirituel, qui précisément a pour fin propre la fin dernière elle-même : cette autre société parfaite est l’Église. De là, il suit que l’État, encore que société parfaite et indépendante, peut se trouver obligé de se mettre au service de l’Église, lorsque la fin de cette société supérieure et divine vient à le réclamer. Cf. E. Yalton, Droit social, p. 14 ; Tarquini, Les principes du droit public de l’Église, Bruxelles, 1868, n. 41 ; Ferretti, Institutiones philosophiæ moralis, Rome, 1891, t. III, p. 15 sq.

//, l’étatPOU vorn ou lu pouvoir polutique. — 1° Définition.

« Que dans toute société, dit le pape

Léon XIII, encyclique /)iu/Hr7î » 7n, §ii/s( homo arrogantia, dans toute commimauté il y ait des hommes qui commandent, c’est là une nécessité, afin que la société, dépourvue de principe et de chef qui la dirige, ne tombe pas en dissolution et ne se trouve pas dans l’impossibilité d’atteindre la fin pour laquelle elle existe. » « Comme aucune société, ajoute-t-il, encyclique 777îmortale Dei, § Xon est magni neqolii, ne peut subsister si elle ne possède un chef suprême, qui oriente d’une manière efilcace, et par des mo’cns communs, tous les membres vers le but social, voilà pourquoi l’autorité est nécessaire à la société civile, pour la diriger. » Ainsi donc l’État, en sa qualité de société parfaite, doit être armé du pouvoir de commander, c’est-à-dire du droit d’imposer l’obligation morale. Car toute société juridique, par le fait même qu’elle est investie de la mission et du devoir de conduire tous les membres vers le but social et de procurer le bien commun, doit être munie de ce moyen indispensable et de ce droit social qu’est le pouvoir public. Or, dans la société civile, le pouvoir public s’appelle le pouvoir politique et souvent aussi on le confond avec l’État lui-même, qui devient alors Y État-pouvoir, distinct de i’Étal-société que nous avons analysé plus haut,

Origine.

 Cette importante question de l’origine

du pouvoir politique a reçu plusieurs solutions fausses, mais ne comporte qu’une seule solution vraie.

1. Solutions fausses.

Ce sont ou bien les théories à la fois naturalistes et absolutistes de Hobbes, de J.-J. Rousseau, de Kant, d’Herbert Spencer et de Savigny, ou bien la théorie du droit divin de Jacques 1er et des gallicans, ou enfin la théorie dite « des titres providentiels » de Haller et de Bonald.

a) Hobbes (1588-1679) a tiré du sensisme philosophique et de l’utilitarisme social sa théorie de l’origine du pouvoir politique, qu’il a exposée dans son livre : Elementa philosophica de cive. Il part de cette idée que l’homme n’agit généralement que par intérêt et

l)our se procurer son propre bien-être ; en sorte que toute recherche de ce bien-être est légitime ; légitime aussi tout ce qui s’y rapporte ; et c’est la recherche du plus grand intérêt qui constitue le droit. Chacun étant juge de son propre intérêt est juge également des moyens de l’atteindre, et, les hommes étant par nature tous égaux et indépendants, le mobile d’intérêt est illimité chez tous. Mais de là doit nécessairement résulter un état de guerre continu. D’où l’état de nature pour l’homme est l’état de guerre. Cependant une pareille anarchie est opposée au bien commun. D’où il faut à ce funeste état de nature substituer l’état de société, et à l’état de guerre l’état de paix. Le seul moyen d’établir la paix d’une façon durable et sûre, c’est la soumission de tous à un pouvoir qui s’impose par la force et qui est fondé sur la nécessité de contenir vigoureusement l’anarchie et la violence. Cette force supérieure contraindra les hommes à vivre en paix les uns avec les autres ; elle déterminera la part de chacun ; elle fondera le droit, etc. Telle est, d’après Thomas Hobbes, la raison d’être et l’origine du pouvoir de l’État. On le voit, ce n’est pas autre chose que l’absolutisme et la légitimation de la force brutale.

J.-J, Rousseau, dans son Coniral social, considère également dans l’homme un état de nature par opposition à un état de société ; mais cet état de nature n’est pas l’état de guerre, c’est simplement l’égalité et l’indépendance. D’une part, tous les hommes naissent égaux de par leur nature, libres et indépendants, et, par conséquent, nul homme ne peut avoir d’autorité sur son semblable ; d’autre part, la paix publique, qui est une nécessité sociale, réclame une autorité publique à laquelle tous se soumettent. Pour concilier ces deux principes, il faut donc que l’autorité publique soit la résultante de la volonté générale de la nation et de l’accord spontané de toutes les volontés, c’est-à-dire d’une convention ou d’un contrat ; et c’est de ce pacte social que le pouvoir tire toute sa force obligatoire. Or, que dire de cette théorie de Rousseau, sinon que le fait du consentement unanime des citoyens sur lequel elle se base est une hypothèse gratuite ? En outre, si le fait affirmé par Rousseau était vrai, il ne faudrait pas de sanction aux lois ; et même toute sanction pénale serait injuste ; car elle porterait atteinte au droit que chacun conserve, d’après Rousseau, de refuser sou obéissance et de ne point consentir au contrat social. D’où la théorie de Rousseau sur l’origine du pouvoir civil et le principe obligatoire des lois est à la fois fausse et contradictoire,

Kant a développé sa thèse sociale sur l’origine du pouvoir dans son livre : Metaphysik der Sitten. Le droit civil fondamental pour tout citoyen est le droit à l’exercice externe de sa liberté ; mais pour sanctionner et garantir ce droit comme les droits acquis qui s’y superposent, il faut un principe d’ordre efilcace et concret ; d’où la constitution de la socité civile, et, en même temps, la constitution du pouvoir civil s’impose par une loi morale (impératif catégorique). Ainsi donc « la constitution du pouvoir civil et politique auquel tous doivent obéir se fait par la volonté commune de tout le peuple, Kant invoque comme Rousseau cette volonté générale, mais pour un motif diftércnt, Rousseau la veut comme une exigence de l’égalité et de l’indépendance naturelle des hommes ; Kant, comme une exigence de la justice des lois. Les lois, d’après sa théorie, ont toutes pour objet des prohibitions, ne faisant que protéger les libertés externes justes contre les empiétements ou les violences injustes. Cela étant, si elles sont faites pour tous, elles seront de fait justes, d’après l’adage : Scienti et volenli non fil injuria, un acte connu et voulu par quelqu’un ne saurait violer son droit. » Castelein, Droit naturel.