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ETHIOPIE (ÉGLISE D*)

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vc-rsitôs tUlit reconniiitrc : iucune autorité doctrinale aux abouiias ou évêques (’Hyptiens. Souvent même leur ignorance les a rendus méprisables aux yeux des lettrés ; ceux-ci ne voient en eux que des ministres imposés fatalement par l’Église-mère d’Alexandrie pour bénir, consacrer et donner des ministres au culte divin ; mais ni leur autorité ni leur science n’ont à intervenir dans les croyances nationales ; quand on invoquera son prestige sur la foule, ce sera comme un appoint aux décisions de l’école. Les docteurs Mamhcrân, Likaiint des grandes écoles d’Ethiopie en seront les gardiens traditionnels. Ainsi, tout en entretenant avec le patriarche du Caire des relations oUicielles, nécessitées par son organisation défectueuse, l’Église d’Ethiopie demeurera longtemps encore doctrinalement séparée de l’Église copte et intimement attachée à la foi catholique. Quoique nous n’ayons plus d’autres documents historiques que certaines mentions faites passirn dans l’histoire des patriarches coptes, des indices laissent bien voir que, à part les membres du clergé qui fréquentaient assidûment l’entourage de l’abouna, c’est-à-dire les courtisans flatteurs, parasites ou ambitieux, on ne prêtait pas le flanc aux insinuations. L’erreur ne franchissait pas visiblement l’enceinte du palais épiscopal.

3° Son délaissement ; des siècles de veuvage. — D’ailleurs, sous les verges des califes, les patriarches n’avaient pas le loisir de s’occuper des questions spéculatives ; ils n’avaient même pas la liberté ni la facilité de pourvoir aux vacances du siège d’Aksum. Des interstices séculaires, par exemple, du patriarche Siméon au patriarche Yusab (700-820), ont amené les Éthiopiens h administrer eux-mêmes leur Église. La disette de prêtres seule nécessitait la venue d’un évêque. Et encore, malgré cette nécessité, il arrivait atix abounas mercenaires de sentir qu’ils n’étaient admis qu’à contre-cœur. Vers 820, l’abouna Johanès, envoyé par le patriarche Yusab ou Joseph, en fit l’expérience. Quand il parvint à Aksum, l’empereur était absent, parti en une expédition lointaine. Un soulèvement général, d’ailleurs favorisé par la reine régente, s’opposa à la réception de l’abouna. Ce fait, ajoute l’historien Renaiidot, prouve que les Éthiopiens se tenaient encore en dehors de la communion du siéged’Alexandrie, A7/uopes a commiinione sedis Alexandriæ aliénas, p. 283.

Encore un deuxième siècle (830-920) sans pasteur ! Aussi, sous le patriarcat de Cosmas (930), fut-ce au Caire un événement extraordinaire, tellement ce fut une chose nouvelle, inouïe, inaccoutumée aux yeux de la foule, que de voir arriver une ambassade éthiopienne envoyée par le roi Del Na’âd pour obtenir un métropolitain. Le patriarche fit choix d’un religieux qui prit le nom dabouna Pétros. Malgré le joyeux accueil d’un peuple ravi de voir enfin un p.isteur, et malgré le triomphe et les faveurs qui mirent à ses pieds toute la cour royale, ou plutôt à cause de l’inOuence même dont il se vit honoré et qui l’entraîna à s’ingérer dans les graves questions politiques, son épiscopat fut troublé par des intrigues vindicatives. Il connut même les humilia’tions de la dégradation et mourut dans l’exil. I^ siège pontifical resta à la merci d’intrus sans mission ; il s’ensuivit un nouvel et long interrègne, car cinq patriarches se succédèrent au Caire sans qu’un évêque fût donné à l’Église désolée.

Bouleversement de l’Église et de l’État.

D’ailleurs,

vers l’an 920, une révolution désastreuse survint en Ethiopie sous l’audacieux entraînement d’une femme issue des tribus juives du Sémên, Terda (iabaz ou Gudit’(Judith) et surnommée « Esât’ou le feu incendiaire » , parce qu’elle mit tout à feu et à sang. Elle renversa la dynastie, dont un seul sur vivant réussit à s’échapper et se réfugia dans le Choa. Cette lointaine retraite le préserva du cataclysme. Les troupes révolutionnaires saccagèrent la ville d’Aksum et le temple saint. Les légendes populaires ont conservé le souvenir des horreurs commises par cette femme cruelle. Le fléau dura ce que durent les extrêmes violences ; la ruine semée, il disparut. La période de troubles et de guerre intestine qui s’ensuivit entre le judaïsme maître du trône et le christianisme en désarroi dura jusque vers l’an 960. Un prince de la province de Baguenâ (Lastâ septentrional) se mit à la tête d’un mouvement national et chrétien pour secouer ce joug humiliant. Vainqueur, il fut reconnu empereur et devint la souche d’une nouvellç dynastie, dite des Zaguës, qui occupa le trône près de trois siècles (960-1268). Mais leur capitale resta établie dans le domaine seigneurial du Lastâ.

IV. Sous LA DYNASTIE desZaguks.

1° Relèvement laborieux ; trahisons épiscopales en faveur de l’islam. — Sous le patriarche Philothée (981-1002), le nouveau roi d’Ethiopie adressa à Georges, roi de Nubie, des lettres pressantes le priant d’intervenir auprès du patriarche en faveur de l’Église d’Ethiopie ruinée par une femme impie et cruelle, fléau de la justice de Dieu, disait-il, en châtiment dæ mauvais traitements dont le roi précédent avait accabléle métropolitain, l’abouna Pétros.

Georges s’employa, en effet, en faveur de son ami auprès du patriarche Philothée. Un nommé Daniel fut accordé comme métropolitain en Abyssinie, où il fut accueilli avec tout l’empressement et l’allégresse des populations et de la cour royale. Ce fut la fin des calamités publiques causées par la tyrannie de la femme incendiaire Terda Gabâz. Renaudot, p. 382.

Et même l’Ethiopie devint alors, sous le lxi" patriarche (1002-1032), le refuge de masses de chrétiens persécutés en Egypte par le calife Hakim. Ibid., p. 392. Telle fut la terreur que le patriarche suivant, Christodulos (1047-1078), n’osa pas répondre aux instances du roi d’Abyssinie qui réclamait un nouvel évêque. Un certain Abdun partit secrètement sous l’habit d’un simple moine et prit en Ethiopie le nom d’abouna Kuril ou Kerlos. Mais son départ fut dénoncé au vizir, qui en adressa de menaçants reproches au patriarche. Christodulos se défendit en niant qu’il y fût pour quelque chose. Cependant, quand il apprit la réussite du stratagème, il envoya Mercure, évêque de Wisen, avec des lettres de créance pour conférer à Daniel l’investiture officielle. On ne put savoir si cet abonna aventurier fut jamais revêtu du caractère épiscopal ou même sacerdotal, ou bien un pur simulacre. Renaudot, p. 444. Quel misérable état qu’une Église de cette importance traitée comme un jouet par le suprême pasteur, livré lui-même aux caprices de l’autorité musulmane 1 Elle reste victime d’une lâcheté sacrilège et de honteux travestissements, à la merci des ambitions et des ruses coupables dont on abusait sa bonne foi I Que pouvait-il y survivre des lois divines et de la discipline ecclésiastique, des mœurs et des observances chrétiennes ? Les sanctuaires dévastés, délaissés ou profanés I Quel clergé, , s’il en restait des survivants 1

Le successeur de Christodulos, l’abba Cyrille (1072-1092), entreprit de réparer tant de ruines. Il remédia d’abord à la situation anormale créée par son prédécesseur, c’est-à-dire l’occupation du siège du « catholicos » par le faux titulaire Kuril. Du consentement indispensable et même sur la recommandation du vizirBadarel-Gamalen faveurd’un religieux appelé Sévère, le patriarche fixa sur lui son choix. L’élu était jeune encore, assez instruit et élevé dans la rigueur monastique ; mais il avait brigué cette nomination par des promesses simoniaques et de traîtres