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ETHIOPIE (ÉGLISE D’)


des anges et des saints ; culte de la croix, voir plus haut, col. 940 ; Zara-Jacob établit douze fêtes mensuelles (le 12 de chaque mois), en l’honneur de saint Michel ; trois fêtes de saint Gabriel ; une fête à chacun des suivants : Rufaël (Raphaël), Raguël, Fanuël, Su-Tial, Sakuël, l’riël, les Afiiim. On honore les saints des premiers siècles communs à toutes les confessions ; les patriarches et prophètes de l’Ancien Testament, Judith, Esther, etc. ; après les apôtres, est ajoutée une lête dite des quatre animaux, arbata-an’sasâ, c’est-à-dire des quatre cvangélistes. Les Abyssins ont canonisé beaucoup de personnages, en les célébrant dans leur synaxaire ou martyrologe. C’est, au commencement : les neuf saints romains ; Kaleb ou El-Esbân ; Yared, etc., puis, Lalibala, Nakueto-la-Ab, Gabra-Manfas-Ke (.lus ou vulgairement Abbo, Takla-haymanot’, Eustatios, Mercurios, etc., d’entre les plus ou moins dignes et les indignes. Voir le synaxaire.

Le palais de Zara-Jacob devint un laboratoire Jittéraire. Génie comparable à Charlemagne, il était mû par un esprit tout chrétien dans sa politique intérieure et extérieure, illustre par les exploits de ses armes contre les mahométans d’Adal et, malgré l’incompatibilité apparente, par l’amour de la littérature religieuse et des hymnes ecclésiastiques. 11 favorisa les études par des bénéfices alloués aux écoles et aux monastères où elles étaient cultivées. Soldat-écrivain, il composa lui-même ou fit composer : le Maxâhefa-Bcrhdn ou Livre de lumière, recueil des prescriptions ecclésiastiques mentionnées plus haut ; VEgziabehêr-Xagsa ou Le Seigneur régne, recueil de stances et d’hjmncs pour les fêtes et pour tous les jours. La grande dévotion du roi envers la Mère de Dieu laissa comme témoignage le Taûmera-Mariam ou Les prodiges de Marie, recueil de merveilles légendaires d’origine orientale et occidentale ciVOrganon-Dan’f /el ou Hymne à la Vierge, divisé en sept parties pour chaque jour de la semaine, par l’abba Gioriiis (l’Arménien). Enfin, sous son règne on admire toute une floraison d’œuvres qui donnent corps à la bibliothèque éthiopienne jusque-là à peu près inexistante. C’est : a) pour le droit canon, le Sinodos ou compilation des actes des conciles, comprenant les Constitutions apostoliques, 127 canons dits aussi des apôtres, 38 canons dits d’Aboulidès(Hippolyte), pape ; les actes <le Nicée, d’Ancyre, de Néo-Césarée, etc. Zara-Jacob, fier de l’aboutissement de ce gros travail, en envoya une copie à la colonie conventuelle de Jérusalem. b) Pour l’apologétique, c’est-à-dire la défense des croyances de l’Église d’Ethiopie, le Maxâhefa Mislir ou Livre des mystères, composé par un conlroversiste fameux à la cour impériale, abba <jiort ; is, fils de Hczba-Sion, originaire de Saglâ (Amhârâ) ; rien que le sommaire donne une idée de l’importance attachée à toutes les questions soulevées autour du dogme et à l’histoire de la théologie : y sont combattues les doctrines de Sabellius, d’Arius, de Nestorius, de Pholinus, d’Orifiène et de Bitor ( ?), des antidicomarianites, d’Iùilyehès (quoique leur leader Dioscore n’ait été que son allidé, les Éthiopiens condamnent Eutychès comme priscillianiste), de Sévère d’Antioche, de Théodore d’Alexandrie, d’Aburios, de Manès, du pape saint J-éon et du concile de (^halcédoine, qu’il traite de Mâh’ebara-akiâbât’ou Meute de chiens. D’Abbadie, Catalogue, n. 49. Cet ouvrage se complète par une série de lettres de Timothée d’Élure, d’extraits de saint Grégoire de Nazianze et de saint Cyrille d’Alexandrie. On a observé que c’est la première fois que la querelle monophysite se produit ex professa ; la controverse eut ofiiciellement lieu à la cour, en présence du roi. r) Un autre ouvrage important : Haymanot-abau ou La foi des Pères, suivra bientôt, « eus Ba’cda-.Mariam. C’est un recueil de traités et

d’homélies des Pères et de certains cvêques moins anciens, qui jouit d’une grande autorité théologique en Abyssinie.

On se représenterait facilement Zara-Jacob comme un austère au milieu des moines et des lettrés seuls admis à franchir la palissade de l’enceinte réservée du palais, fermée aux profanes. Toutes les autres rigueurs des lois divines et humaines, oui, il les a, le knout à la main ; mais la chaste loi du mariage chrétien, les rois, les grands en sont dispensés. Zara-Jacob, comme ses ancêtres, a eu plusieurs femmes à la fois ; on cite entre autres la « Çera-Itiégé ou impératrice de gauche » , Djân-Haylu, première épouse ; la « Kagn’Itiégé ou impératrice de droite » , Djân-Sela, deuxième épouse officielle ; pion-Mogasâ, troisième femme, mère de Ba eda-Mariam, qui succéda au trône.

Vil. Après les invasions musulmanes (15201551). — 1° L’Ethiopie à Rome et au Portugal. Faillite d’une première union. — L’Église d’Ethiopie demeura dans ce courant d’idées et de vie religieuse sans qu’il se produisît rien de saillant au point de vue théologique. La préoccupation fut tout entière à la défense nationale contre l’invasion mahométane de plus en plus menaçante. Et c’est même à la ruine la plus désastreuse pour l’Église et pour l’État, par la conquête de l’Adalite Mohained-(, ; erâi"i, qu’est dû le réveil de l’âme nationale tendant les mains vers le Saint-Siège ; car, au fond, la disposition mentale, héritage atavique, se retrouve chez Lebna-Dan’çel ou Daouit IV (1508-1540), la même qu’à la cour de Zara-Jacob, c’est-à-dire que la velléité d’un retour à l’union catholique est, chez l’un comme chez l’autre, subordonnée au besoin de secours dans le péril extrême de l’État. L’initiative des démarches éthiopiennes auprès de Rome et de Lisbonne est due au sage génie d’une femme, l’impératrice douairière Hélène, conseillère du jeune roi Daouit’IV. LTn premier message fut confié à un arménien, Matthieu, près du pape Léon X et des rois de Portugal Jean II et Emmanuel le Grand (1520) ; puis une deuxième « mbassade confiée à dom Alvarez et au Lika-Kahenât’Çaçâ Za Ab auprès du roi Jean 1Il et du pape Clément Vil (1534), terminée par [la démarche plus expresse dont Jean Bermudez fut chargé près des deux cours. Paul III avait succédé à Clément |V1I. Le moment psychologique était advenu pour l’accueil en Ethiopie d’un évêque catholique. Mais ni Clément VII ni Paul III n’en profitèrent : le premier, par des empêchements dont il n’est pas responsable, parce que Sasâ Za Ab, retenu à Lisbonne, ne put même pas se rendre à Home, de 1533 à 1540 ; le deuxième, par des attar(lements dans des combinaisons sans effet dont les détails vont suivre.

2°.lean Bermudez et Paul IIL — Le rôle joué par Jean Bermudez — le personnage qui répond à ce nom était un médecin portugais, membre de la seconde ambassade, resté à la cour du Choa, après le retour d’Alvarez — semblerait plutôt un conte fantastique qu’une réalité vécue. Il finit par être ime mystification I Tout embrouillé qu’il soit, il laisse percer des éclaircies sur le chaos historique de cette heure du xvie siècle en Abyssinie. Le roi Lehna-Dançel et sa cour, l’abonna Marcos au terme de ses cent trois ans et le conseiller intermédiaire Bermudez, tous furent d’accord pour opérer sans éclat la transition du schisme à la véritable Église. Le vieil évêque remit |)nr iine sorte d’abdication ses pouvoirs épiscopaux’au Maïuher.Tohanès (Bermudez) et l’établit son successeur au siège métropolitain d’Ethiopie (1538). Bermudez paraît n’avoir pas douté de la licéité de celle combinaison, fruit d’une habileté tout orientale, ni de l’approbation du pape. Sous cette réserve et celle