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ÉTRANGERS — EUCHARISTIE D’APRÈS LA SAINTE ÉCRITURE

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EUCHARISTIE D’APRÈS LA SAKNTE ÉCRITURE

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Aussi, la plupart des interprètes entendent par cette nourriture autre chose que l’eucharistie, soit la foi (Patrizi), soit l’enseignement de Jésus (Wiseman), soit la grâce (Calmes), soit les dons apportés par le Sauveur. La pensée ne se précisera que plus tard.

Les versets 32, 33, 35 ne paraissent pas non plus, quoi qu’aient dit quelques auteurs, désigner l’eucharistie, si ce n’est d’une manière générale comme faisant partie des biens obtenus par Jésus et se rapportant à sa personne : « Ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain du ciel, mais mon Père vous donne le pain du ciel, le vrai. Car le pain de Dieu est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde… Je suis le pain de vie : celui qui vient à moi n’aura pas faim et celui qui croit en moi n’aura jamais soif. » Non content de voir dans la manne un symbole de Jésus, aliment venu du ciel, Loisy, op. cit., p. 443-444, croit que, comme les pains miraculeusement multipliés, elle est une figure de l’eucharistie. C’est dépasser le texte et anticiper sur les déclarations postérieures ; ici, il nous est dit seulement que, comme la nourriture du désert, Jésus est un pain du ciel.L’eucliaristie n’est pas exclue, mais elle n’est pas formellement présentée ; ridée de manger n’est pas encore exprimée. La fci, l’attachement à Jésus comme au Verbe envoyé du Père est ici l’acte proposé comme moyen de s’unir à lui : l’évangéliste ne se lasse pas de l’affirmer, 29, 35, 3C, 37, 40. Saint.ugustin, MaUlonat, aussi bien que les modernes (Batiflol, Calmes), ont observé que le langage de Jésus en cet endroit du discours est identique à celui de l’entretien avec la Samaritaine, dans lequel il n’est pas question de l’eucharistie : « Quiconque boit de cette eau, aura soif encore ; mais quiconque boit de l’eau que je lui donnerai n’aura plus soif pour l’éternité. » .Joa., iv, 13, 14. Loisy croit pourtant pouvoir dire que, si » la pensée de l’eucharistie n’est pas au premier plan, elle est présente ; l’esprit de l’évangéliste, étant comprise dans la communion divine qui se réalise par le Christ au sein de l’humanité. » Op. cit., p. 445. C’est avouer que, pour saisir cette idée, il ne sullit pas d’étudier le texte, mais qu’il faut lire entre les lignes et rechercher un sens sousjacent.

En réalité, dans cette première partie du discours, 26-47, Jésus part du pain matériel pour s’approcjher toujours plus de l’eucharistie : mais il ne l’annonce pas encore clairement et en termes exprès.

b) 2° partie du discours, 48-59 :

48..le suis le pain do ic. 49. Vos pères ont maillé la manne dans le descrl et ils sont morts..iO. Voici le pain « [ai desceiul du ciel afin qu’on en mange et qu’on ne meure pas. 51. Je suis le pain vivant, celui qui est descendu du ciel. Si quelqu’im mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. 52. Les.tuifs donc discutaient entre eux, disant : Comment peut-il nous donner sa chair ù manger ? 5... Aussi Jésus leur dit : l.n vérité, en vérité, je vous le <lis : .Si vous ne mangez la chair du l’ils de l’honnuc et si vous ne buvez son sang, vous n’avez pas la vie en vous. 54. Celui qui mange ma chairet boit mon sanga la vieéternelle ; el je ressusciterai au dernierjour.55.Carma chair est une vériijible nourriture, et mon sang un véritable breuvage. « O. Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en" moi et moi en lui. 57. De même que le Père qui est vivant m’a envoyé et que je vis par le l’ère, amsi celui qui me mange vivra par moi..58. Voilà le pain descendu du ciel, non conmie celui que les pères ont mangé, ils sont morts : celui qui mange ce pain vivra éternellement. 50. Il dit cela, enseignant en synagogue à Capharnaum.

Spitta, Zur Gescliiclile and I.illeratur des Urchrisentums, Gœtllngue, 1893, p. 216 sq., et Axel Andersen, J)as Abendmahl in dm zwei crsten Jahrhunderlrn nach Christus, Giesscn, 1904, mettent en doute l’au-’thenticilc du passage, 51-59., u v., 59, observe Spitta, Jésus enseigne dans la synagogue de Capharnaum, au

Drr ; T. IiK TIIKOI.. (ATIIOI, .

y. 25 il parle au bord du lac. Mais les mots -ipa/ tîiç 6a>, 2a-(7r, ; peuvent signifier ici « de l’autre côté du lac 5 et non « au bord du lac » . Il est permis d’admettre d’ailleurs que le discours, commencé à un endroit, a été terminé ailleurs. Calmes, L’Évangile selon S. Jean, Paris, 1904, p. 243. Les versets 61, 62 : « Cela vous scandalise ? Et si vous voyez le Fils de l’homme remonter ou il était auparavant ? » font suite, d’après Spitta, au y. 50 : « Voici le pain qui descend du ciel » et non pas à la phrase qui énonce l’obligation de manger la chair du Christ. « A ce compte-là, dit J. Réville, o/).c//., p. 63, nous devrions remanier tous les écrits de l’antiquité où l’auteur revient à une idée exprimée antérieurement après en avoir développé une autre qui en est dérivée. » Et l’étonnement des Juifs, leurscandale se comprend mieux encore en face des assertions contenues dans le passage, 51-59 : "Il faut manger ma chair, » que devant cette alTirmation : « Je suis le pain du ciel. » Spitta observe qu’au ^’. 51, 1e pain est nommé ô a>To ; à r » .)-/, tandis qu’auparavant, ꝟ. 48, il était dit o apro ; tti ; Tfor, ;. De même aux versets 54 et 56, 1e verbe employé pour désigner l’action de manger est roùiydyi, tandis qu’ailleurs, l’auteur se sert de s<x- ; zyi. Cependant, au y. 51, nous retrouvons cpàyï). D’ailleurs, ces différences verbales sont insignifiantes.

Au contraire, comme le montre Calmes, op. cit., p. 251, ce morceau, 51-59, « tant par le vocabulaire que par la structure des phrases, reflète avec fidélité le style johannique. Il suflît de signaler au. 56, l’expression Mjve ;, auꝟ. 57 y.7.v : Eivoç et, surtout, en fait de syntaxe, l’allure rythmique des réponses aux versets 50 et 53. »

50 a. Voici le pain,

50 b. qui descend du ciel,

50c. afin qu’on en mange

et qu’on ne meure pas.

53 a. Si vous ne mangez

la chair du I-"ils de l’homme,

53 b. et si vous ne buvez

son sang,

53 c. vous n’avez pas la

vie en vous.

51 a. Je suis le pain vivant

51 b. celui qui est des.

cendu du ciel.

51 c. Si quelqu’im mange

de ce pain, il vivra éternelle ment.

54 a. Celui qui mange

ma chair

54 b. et boit mon sang

54 c. a la vie éternelle.

Nous remarquons dans cette partie du discours le procédé oratoire bien connu qui caractérise les discours du quatriéme Évangile. Il y a enchaînement de plusieurs développements progressifs de la même pensée, et chacun d’eux est précédé d’un résumé concis qui l’annonce. ^Viscman, De la présence récite, dans les Dcmonslraiions évangcliques de Migne, Paris. 1843, t. XV, col. 1179. Ici, le même objet est présenté sous trois points de vue, pain, iS-âld ; chair, ryld-âl ; nourriturc, 55-58. Et chaque développement est préparé par son titre : « Je suis le pain de vie, » 58 ; " le pain que je donnerai, c’est ma chair ; » « ma chair est une vraie nourriture. » Il y a une gradation continue et saisissante de la pensée. Tout d’ailleurs la met en lumière : au V. 26, il est recommandé de chercher non la nourriture périssable, mais l’aliment de la vie éternelle ; au V. 32, il est dit que cet aliment est un pain qui descend du ciel et est donné par le Père ; auꝟ. 35, c’est.lésus qui est présenté comme étant ce pain et, en raison de l’incrédulité des auditeurs, 36. 41, cette idée est de nouveau alllrmée, prouvée éncrgiqucment, 48. 51 a. Hieii plus, Jésus est/c pain dévie ; c : r. r>l d, ce pain, c’est sa chair ; car, 53-5 1, il faut manger cette chair et boire son sang ; car, 55, cette chair est une nourriture, ce sang un breuvage. Ainsi, supprimer les versets 51-59, c’est mutiler le discours, y faire un véritable trou, arrêter l’évolution de la pensée, .ucun manuscrit, aucun témoin ancien n’omet ce morceau. L’hypothèse de l’inlcrpolation est commandée d’ailleurs, chez A. Andersen du moins,

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