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EUCHARISTIE D’APRES LA SAINTE ECRITURE

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siècle jusqu’au xix" (voir, par exemple, A. Réville, Manuel d’inslniction religieuse, Paris, 1863, p. 250), ont recueilli dans l’Écriture un assez grand nombre de phrases dans lesquelles le verbe être signitte représenter. Wiseman, op. cit., les a fort longuement et très bien discutées. Il distingue trois classes de textes.

Dans le plus grand nombre des passages o’jjectés, être a pour sujet et pour attribut un substantif. Les sept vaches sont sept années. Gen., xli, 26, 27. Les dix cornes sont dix royaumes. Dan., vii, 24. Le champ, c’est le monde. Matth., xiii, 38, 39. La pierre était Jésus. I Cor., x, 4. Ce sont les deux alliances. Gal., iv, 24. Les sept étoiles sont les sept anges. Apoc, i, 20. n faut observer que toutes ces phrases diffèrent matériellement de celle que prononce Jésus à la cène. Dans toutes (sauf en apparence dans celle qui est tirée de l’Épître aux Galates), il y a un sujet déterminé et ce sujet est très différent de l’attribut, qui est très déterminé lui aussi. Un roi n’est pas une corne, une vache n’est pas une année. Deux objets matériels ne pouvant être identiques, le verbe être signifie ici représenter. Mais il n’en est pas nécessairement ainsi lorsque le sujet vague et indéterminé (ceci) tire de l’attribut sa signification : Ceci est mon corps. Le texte de l’Épître aux Galates ne fait pas exception. Nous lisons parfois en français : « Ce sont les deux alliances ; » le grec porte : « elles » , c’est-à-dire « Agar et Sara, sont les deux alliances. » Or, il est évident que ces deux femmes ne sont pas à la lettre deux alliances. Au reste, il faut examiner le contexte. Et nous savons par lui que, dans chacune des phrases citées plus haut, le verbe être a le sens de représenter. Joseph et Daniel interprètent un songe ; Jésus explique une parabole ; saint Paul, après avoir dit que la pierre était le Christ, ajoute : Tout cela était figure, et il déclare qu’il parle d’un rocher pneumatique, c’est-à-dire miraculeux ou prophétique. De même, on lit dans l’Apocalypse : Écris le mystère des sept étoiles. A la cène, rien n’autorise à penser que Jésus présente ou déchiffre une allégorie. Ni avant ni après les mots : Ceci est mon corps, ne figure un indice qui met sur la voie d’une interprétation au sens figuré.’Dans d’autres phrases invoquées pour les partisans du sens spirituel, le verbe èlre a par sujet le pronom / ?, pour attribut un substantif : je. suis la i orte, Joa., x, 7 ; je suis la vraie vigne. Joa., xv, 1. Mais cette fois eacore, le lecteur est éclairé par le contexte. Des séries d’explications montrent comment Jésus est une porte ou une vigne ; au contraire, à la cène, pas un mot pour expliquer comment du pain est son corps, et l’argument invoqué contre l’emploi abusif des textes précédemment cités revient à l’esprit : il est évident que Jtsus ne peut pas être au sens littéral une porte, une vigne. Le Christ dit donc en réalité : je ressemble à une porte. De même il s’est proclamé le pain de vie, Joa., vi ; et comme évidemment il n’est pas un morceau de pain, le lecteur de l’Évangile n’hésite pas à conclure qu’en cet endroit le Sauveur se compare à du pain ; il expliqnd’ailleurs le sens de son affirma tion. Mais les mois : Ceci est mon corps sont bien différents, et rien ne permet de voir en eux une figure.

Des rapprochements moins contestables ont été tentés entre les formules de la cène et deux phrases dans lesquelles le verbe être a pour sujet le pronom ceci, pour attribut un substantif : « Ceci est mon alliance entre moi et vous, » il s’agit de la circoncision, Gen., xvii, 10 ; Ceci est la Pâque de Jahvé. » Exod., XII, 11. Si l’on suppose que la première de ces phrases lignifie : Ceci, la circoncision, représente l’alliance, on ne peut s’en étonner, car le conlcxlo jiermct cette interprétation, cette affirmation étant suivie des mois : Vous vous circoncirez dans votre chair ri ce sera le signe de l’alliance entre moi et vous. Les récils de la

cène ne contiennent rien de semblable. Mais il est même permis de se demander si le verbe être a dan s ce passage le sens de figurer. La circoncision n’était pas seulement une image de l’alliance entre les enfants d’Abraham et leur Dieu, elle était le moyen par lequel elle s’effectuait et un monument qui en rappelait le souvenir ; en un certain sens, elle était l’alliance. Probablement enfin, le vrai sens du t. 10 du c. xvii de la Genèse est le suivant : « Voici l’alliance entre moi et vous : tout mâle parmi vous sera circoncis. » Et s’il en est ainsi, le verbe êlrc doit s’entendre au sens littéral.

L’affirmation de l’Exode, xii, 11, dont Zwingle faisait si grand cas pour combattre la doctrine de la présence réelle, ne peut en réalité rendre aucun service pour l’intelligence des paroles de la cène. Après avoir minutieusement décrit le rite de la manducation de l’agneau pascal, le texte conclut : « Ceci est la Pâque de Jahvé. » On pourrait admettre sans difficulté que, 1a phrase signifie : ceci représente la Pâque de Jahvé ; les cérémoiiies qu’il fallait observer en participant à l’agneau pascal disposaient les Juifs à voir dans ce rite une figure ; on lit même dans ce chapitre de l’Exode, un peu plus loin, 13 : « Le sang [de l’agneau] sera un signe en votre faveur. » Et nous savons que les Hébreux donnaient aux sacrifices le nom de la chose pour laquelle ils étaient offerts (le péché, le délit). Mais le sens de l’affirmation rapprochée par certains exégètes de la parole de Jésus peut être aussi : « Ceci, c’est-à-dire, ce rite ou ce jour est la fête de Pâque consacrée à Jahvé. » Le verbe être serait pris alors dans son sens littéral. On lit, en effet : « Le septième jour est le sabbat consacré à Jahvé. » Exod., XX, 10. « Demain sera fête en l’honneur de Jahvé. » Exod., XXXII, 5. « Quand vos enfants vous diront : Que signifie ce rite ? vous répondrez : C’est un sacrifice de Pâque en l’honneur de Jahvé. » Exod., xii, 26, 27.

Ce n’est pas seulement à l’aide de ces textes bibliques que les négateurs de la présence réelle ont essayé de soutenir leur sentiment. Ils ont observé que les Juifs, en mangeant les azymes, disaient : « C’est comme le pain misérable ; » et ils ont conclu que des personnes accoutumées à user de ces paroles devaient être portées à donner un sens figuré aux mots : Ceci est mon corps. Il faut se souvenir que de telles formules sont relativement récentes. Wûnsche, Neue Beilrâge zur Erlàuterung der Evangelien ans Talmud und Midrascli, Gœltingue, 1898, p. 232. Le traité Pesacliini du Talmud, qui décrit minutieusement les rites de la Pâque, ne laisse pas entendre que ces expressions étaient en usage. Mainionide est peut-être le premier témoin qui les signale. Ces mots d’ailleurs ne signifient pas nécessairement : « Ceci représente le pain mangé par nos pères au temps de l’alffiction ; » mais : « Ces azymes sont l’espèce de pain qu’ont mangé nos pères. »

Pour établir que le verbe êlrc a ici le sens de figurer, on a souvent soutenu que le syriaque et l’aramécn ne possédaient aucun mot qui signifiât représenter. Wiseman a définitivement établi le contraire. Horie syriacæ, dans Migne, Démonstrations évangéliqucs, t. xvi ; La présence réelle, diss. VU", ibid., t. xv, col. 1274 sq. Cf. Lainy, Disserlatio de Syrorum flde et disciplina in re eucharistica, Louvain, 1859. S’il y avait eu quelque équivoque dans l’original, le texte grec des Évangiles aurait dû la faire disparaître. D’ailleurs, dans le syriaque, l’araméen, il est très facile d’exprimer l’idée de « signifier » , « représenter » Wisem : in comiite en syriaque quarante-cinq termes capables de rendre celle pensée. Iinfin, il observe que les écrivains qui usent de celle langue donnent rarement au mot élre la signification de figurer, qu’ils le font seulement dans descas où une équivoque n’est