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EUCHARISTIE D’APRÈS LA SAINTE ÉCRITURE

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On ne peut en conclure qu’à Corinthe le repas commençait par la bénédiction et la distribution du vin. C ; ir le récit que saint Paul donne de la cône un peu plus loin indique d’abord le pain. Pourquoi la coupe est-elle donc ici mentionnée en premier lieu ? Est-ce parce qu’il y a un rapport plus saisissant entre les libations païennes et la distribution de vin eucharistique qu’entre la consommation de la viande des sacrifices et la participation du pain de la cène (Goguel, Heinrici ) ? Cette raison ne semble pas bien forte. Et il est plus naturel d’admettre que ce dernier élément a été nommé en second lieu, parce que saint Paul se proposait d’amener, 17, à son occasion une réflexion complémentaire (Bachmann, Mangenot).

Que signifient les mots : « la coupe de bénédiction que nous bénissons ? » Les avis sont partagés. Selon les uns, cette locution rappelle un rite de la Pâque juive ; une coupe, la troisième, était dite : Kos habberakia, coupe de bénédiction, et était accompagnée de la formule : Béni soit Dieu, créateur de la vigne. L’eucharistie ayant été instituée au cours du repas pascal, ce terme aurait désigné la coupe chrétienne (Godet, Scliœfer, J. Weiss). Mais, dit-on, saint Paul ne fait pas allusion au caractère pascal de la cène (affirmation contestable d’ailleurs), et le nom de la troisième coupe était « coupe de la bénédiction des viandes » . Puis, les mots que nous bénissons seraient un pléonasme. D’autres exégètes croient donc qu’ici euîogie signifie l’appel des bénédictions de Dieu sur le vin. Un assez grand nombre de passages de l’Écriture justifierait ce sens. Voir Goguel, op. cit., p. 145. La coupe de bénédiction que nous bénissons, c’est donc la coupe consacrée, celle à laquelle une prière liturgique solennelle a donné une valeur particulière en attirant sur elle la bénédiction de Dieu (Schnedermann, Goguel, Mangenot). Cette explication paraît meilleure, mais ne rend pas raison des deux mots : bénédiction que nous bénissons. Ne devrait-on pas l’unir à la précédente ? a La coupe de bénédiction » , ces mots seraient comme un nom propre tiré du rituel de la Pâque ; la suite « que nous bénissons » signifierait l’acte liturgique chrétien auquel le vin est soumis.

Par qui s’opère ce geste ? Saint Paul ne le dit pas ici. L’emploi de la première personne du pluriel ne permet pas de conclure que tous les chrétiens prononçaient sur la coupe la bénédiction. L’apôtre montrera plus loin dans la cène la répétition de l’acte du Seigneur : or, c’est Jésus seul qui distribua le pain et le vin après avoir dit : Ceci est mon corps, ceci est la nouvelle alliance dans mon sang. Ou bien le pluriel rappelle que l’acte est accompli au nom de l’assemblée chrétienne (Godet, Toussaint, Goguel), ou bien il fait allusion à la participation de tous au vin consacré (Schæfer, Mangenot) ; ou bien il signifie la coupe que nous, chrétiens, nous possédons par opposition aux idoiothytes des païens, aux victimes des sacrifices juifs.

L’apôtre parle ensuite du pain que nous rompons ; ce pain est unique, le même pour tous ; il est sur la table du Seigneur. La fraction est à la fois un geste caractéristique et une appellation technique de la cène chrétienne. En ce passage, saint Paul se contente de rappeler cet acte, il ne dit pas s’il lui attribue ou non un caractère symbolique.

b. Les efjels de la communion chrétienne, ] » /oiviDvfa.

— Dans un festin religieux, d’ordinaire il y a l’union naturelle entre convives, l’union vraie ou supposée avec le dieu cen.é présent au milieu de ses adorateurs, l’union avec la victime elle-même, véhicule de bénédictions. » F. Pral, Lu théologie de saint Paul, Paris, 1908, t. I, p. Ifil. C’est pour ces motifs que saint Paul défend aux Corinthiens de manger des viandes immolées aux idoles. Et il leur prouve que tel est l’effet

des banquets païens en leur rappelant ce que produisent les sacrifices juifs et ce qu’opère l’eucharistie. Renversant la comparaison de Paul, l’exégète peut à bon droit déterminer ce qu’est le repas chrétien en examinant ce qu’étaient les rites d’Israël et les festins religieux des gentils.

Le verset 17 : « Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes, étant plusieurs, un seul corps, car nous participons à un pain unique » , semble étranger à l’argumentation. Pour ce motif, Schmiedel en a nié l’authenticité : opération injustifiée, nul n’a le droit de supprimer ce qu’il ne s’explique pas. J. Weiss supprime les premiers mots : « puiqu’il y a un seul pain, i M. Mangenot, loc. cit., p. 45-46, a fort bien montré que cette mutilation du texte n’est pas motivée. Ce verset doit être laissé tel qu’il est. On a dit qu’il était une parenthèse. Goguel, op. cit., p. 191. M. Mangenot y voit une explication complémentaire qui « n’était pas nécessaire sans doute à l’argumentation générale. .. Les personnes qui sont au courant de la manière d’écrire de saint Paul ne s’étonneront pas de cette addition. Sa pensée, riche en idées sur la communion eucharistique, se manifeste plus qu’il n’est rigoureusement requis pour la démonstration. Ne peut-on pas dire même qu’il y a là un considérant à l’appui de la défense de manger des idoiothytes ? Les chrétiens, parce qu’ils usent d’un même pain, forment un même corps religieux, l’Église. Saint Paul n’achève pas la comparaison, mais les lecteurs comprennent la conclusion : ceux qui mangent les mêmes viandes consacrées aux idoles constituent un même corps païen. Quoi qu’il en soit, ce verset indique un effet de l’eucharistie : les communiants, si nombreux qu’ils soient, appartiennent « à un corps spirituel unique, parce qu’ils communient tous à un même pain. » Mangenot, loc. cit., p. 47. La cène chrétienne est bien le sacrement de l’unité, le lien de la paix ; non seulement elle symbolise, mais elle produit la fusion des esprits et des cœurs ; elle fait des fidèles un seul organisme.

Et ce corps participe au corps du Christ. Il ne fait qu’un avec lui. C’est la conclusion qui se dégage de tout le passage, 16-22. Trois termes sont comparés. La coupe, le pain, la table des chrétiens produisent xoivrovi’a, communion au corps et au sang du Seigneur ; l’idolothyte, la coupe, la table des démons produisent vtoivwvîx, communion aux démons ; les victimes juives produisent xocvdivt’a, communion au OurnairTript’ov, à l’autel de Jahvé. Pour savoir ce qu’est l’eucharistie d’après saint Paul, il suffit donc de déterminer ce que sont pour lui les sacrifices des païens et des Juifs.

Il faut au moins admettre que la cène chrétienne met le fidèle en relation intime avec Dieu comme les victimes juives mettaient Israël en relation avec Jahvé et le sacrifice païen, les gentils avec les dénions. Saint Paul dit lui-même ce qui se passe chez les Grecs : ceux qui mangent les viandes immolées aux idoles « entrent en communion avec les démons. > Telle était, d’ailleurs, la pensée des païens. Les dévols serviteurs d’un dieu croyaient que les repas sacrificiels créaient une communion entre la divinité et ceux qui y particii )aient. Un lien de solidarité, de parenté s’établissait ou se fortifiait de la sorte entre le fidèle et le dieu.

Chez les.luifs, concept semblable. Paul l’affirme d’ailleurs et il le savait mieux que nous. Les Israélites qui mangent les victimes sont en communion avec l’autel. Sans doute, cette expression, la suite l’élahlira, prouve qu’lsmél participe à ce qui est offert dans le temple. Néanmoins, la phrase ne contient pas ce sens seulement, car, s’il en était ainsi, elle signifierait : ceux qui mangent les victimes I mangent les victimes. Saint Paul veut dire ici que le