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EUCHARISTIE D’APRÈS LA SAINTE ÉCRITURE


rcut : l’un unit étroitement à Jésus ; l’autre, et c’est à lui seul que cet effet est attribue, fait communier au corps et au sang du Seigneur.

Ces mots n’impliqueraient-ils qu’un simple rapprochement, une juxtaposition du fidèle avec le Christ semblable à celle dont parle ailleurs l’apôtre ? I Thess., IV, 17 ; Phil., I, 23. J. Weiss, loc. cit., l’affirme, car, icrit-il, tel est souvent dans le Nouveau Testament le sens du mot /.oi^jonioi. : il désigne la cohabitation, la collaboration. Act., ii, 42 ; Gal., ii, 9 ; Rom., xv, 26 ; Phil., I, 5. Saint Paul voudrait dire que le communiant est à la table da Seigneur, à ses côtés, comme le païen est à la table des démons, auprès d’eux. Mais [irécisément, ces remarques ne font que souligner la valeur de l’argumentation des partisans de la présence réelle. Dans tous les passages cités par J. Weiss, il n’est question que d’être avec Jésus ; dans aucun, il n’est parlé de communion à son corps, à son sang. L’expression ici rencontrée est toute particulière, le sensest donc aussi tout particulier. Et des observations de J. Weiss, il faut conclure ce qui suit. Si y.oi/wvia signifie collaboration, cohabitation, le corps et le sang du Christ sont présents dans le communiant, agissent avec lui. Si la -/oivaivca aux démons est une juxtaposition entre les païens et eux, la /.oivwvia au corps et au sang de Jésus, c’est ce corps et ce sang mis à la portée du chrétien. Ailleurs, saint Paul parle de la y.oi/wvîa ToO TivEj^aToç, II Cor., XIII, 13 ; Phil., II, 1, de la xotva)v£a Tri ; ^it-eii) ;. Philem., 6. Et dans ces textes, il s’agit bien d’un don de l’esprit, d’une possession de la foi. Ici aussi, il faut admettre qu’il est question d’un don et d’une possession du corps et du sang de Jésus.

J. Weiss semble d’ailleurs avoir compris toute la force de ces arguments et saisi le sens complet de la locution qu’emploie l’apôtre, car il a éprouvé le besoin (le se débarrasser de ce texte gênant. Die Aufgaben der neulestamentlichen Wissenschaft in der Gcgenwart, (iœtlingue, 1908, p. 14. Il remarque avec raison le parallélisme des deux phrases :

Tô TioTïjpiov xf, ; e’J).OYia ; o vj).oyo)ii.V)

oCy xo : v(i>v£a toO a^iiaTo ; toC Xpiatov Ècttiv ;

Tov aptov ôv /.), (ù(j, ev

o-jyt y.rjtvojvî’a toû <7a>[j.aTo ;-o-j XoittoO in-vi :

Mais il a conclu à tort que la préoccupation du rythme a amené Paul à donner à la phrase une précision que n’avait pas sa pensée et à ajouter les mots corps et sang, alors qu’il songeait seulement à la communion du croyant au Christ. Cette affirmation est gratuite. L’emploi de ce procédé permettrait de retoucher tous les développements où l’on constate un parallélisme. Peut-on admettre que le souci du rythme ait pu décider saint Paul à modifier notablement sa pensée ou plutôt à dire ce qu’il ne croyait pas ? Et s’il avait spontanément créé la formule, ii’aurait-il pas opposé chair à sang, cette antithèse appartenant à son vocabulaire ? D’ailleurs, on peut supprimer les deux mots que J. Weiss croit surajoutes, et le parallélisme demeure. Enfin si saint Paul avait été préoccupé à ce point de la symétrie verbale, à la roupe de bénédiction que nous bénissons, il aurait dû opposer le pain de la fraction que nous rompons, (^f. Goguel, op. cit., p. 169 ; Ileitmullcr, op. cit., p. 26.

Le sens littéral doit donc être maintenu, la participation au corps et au sang, c’est la présence réelle. Et pourtant.cctte thèse semble entraîner une conséquence inadmissible, la présence réelle et matérielle de la divinité païenne, des dénions dans les viandes consacrées aux idoles. Plusieurs critiques ont fait aIoir cette objection. Sans doute, disent-ils, les faibles de (^orinlhe croyaient que les dieux étaient dans les idolothyles et qu’on les consommait en mangeant les

chairs immolées. Mais saint Paul condamnait cette interprétation puisqu’il autorisait les fidèles à acheter de la viande chez des bouchers païens suspects de débiter les chairs sacrifiées dans les temples ou de faire des invocations superstitieuses sur les animaux qu’ils abattaient. Le rite grec n’unit pas aux démons, mais à la coupe qui leur est offerte, à la table dressée en leur honneur ; en y participant, on professe qu’on croit aux divinités païennes, on fait un acte de foi idolâtrique. De même, par la communion, les chrétiens prennent part à une fête en l’honneur du corps et du scuig du Christ, participent non à ce corps et à ce sang, mais à la coupe et à la table du Seigneur, attestent leur attachement à Jésus mort pour eux. Clemen, Religionsgeschichtliche Erkldrung des ncuen Testaments, Giessen, 1909, p. 193-194. L’expl cation serait confirmée par le t- 22. Vous ne pouvez, dit saint Paul aux Corinthiens, boire la coupe du Seigneur et la coupe des démons, prendre part à la table du Seigneuretàla table des démons. Ce serait professer deux religions, servir Dieu et Bélial. Et c’est pourquoi, dit Goguel, op. cit., p. 172-173, le chrétien éclaire peut sans danger, lorsqu’il ne scandalise pas les faibles, manger, hors d’un repas sacré, des viandes consacrées aux idoles. Il ne croit pas à leur puissance, donc il est plus fort qu’eux, capable de les braver et d’exciter leur jalousie : au contraire, personne n’étant plus puissant que Dieu, conclut saint Paul, personne ne peut prendre part aux banquets sacrés des Grecs sans provoquer sa colère, 23.

Il faut noter d’abord que cette dernière explication est entièrement étrangère au texte. L’apôtre, pour détourner les Corinthiens des festins religieux des païens, leur écrit : « Allons-nous provoquer la jalousie du Seigneur ? Sommes-nous plus forts que lui ? » Mais il ne dit pas, il ne laisse pas entendre que si le chrétien a le droit de consommer en particulier, dans les repas ordinaires des idololhytes, c’est parce que, ne croyant pas à la puissance des démons, il est en étal de les défier impunément. Quant à l’objection assez spécieuse de Clemen, elle s’est attiré une double réponse.

Comme l’observe Lebreton, art. Eucharistie, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, Paris, 1910, t. I, col. 1566, « ce qui est comparé directement au sang du Christ, c’est l’idoloth.Nte. « Qu’on relise avec attention tout le passage ici étudié, il est évident que saint Paul oppose des rites et leurs eflets. Il établit une analogie ou plutôt une antithèse entre la table du Seigneur et la table des démons ; entre la coupe du Seigneur et la coupe des démons, 22, entre les victimes offertes à Jahvé, 18, les viandes immolées aux idoles, 19, le pain et le vin des chrétiens, 15. Quant aux effets, il les met aussi en parallèle, mais il désigne chacun d’un mot particulier, il ne prétend pas du tout que les conséquences des banquets païens, des sacrifices juifs, de la communion soient de tout point identiques, les premiers mettent en rapport avec les démons, les seconds avec l’autel, les troisièmes ai’cc le corps et le sang de.Jésus.

M. Mangenot, loc. cit., p. 206, observe aussi que dans le monde païen, « à l’idée d’un repas apprêté pour les dieux, se joint celle d’un repas où on mange le dieu. » Cf. Lictzmann, An die Korinther I, dans Handbuch zum neuen Testament, Tubingue, 1907, t. iii, p. 124125. « Dans un très grand nombre de religions, dit Goguel, on trouve… l’idée de la manducation du dieu, ou du moins, du divin, de quelque chose qui lui est consacré, dont il a pris possession et qui le représente. » Op. cit., p. 305. Beaucoup de critiques d’ailleurs sont si pleinement convaincus de l’existence et de l’universalité de cette croyance qu’ilsexpllqucnt par elle l’origine ou la dlffiision du rite chrétitn de la communion. Saint Paul ne discute pas l’idée que se