Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/577

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1125
1126
EUCHARISTIE D’APRÈS LES PÈRES
« Ceci est mon corps, » le pain doit être devenu le corps

du Christ. Il y a là, comme disent certains Pères latins, une mu/a/(0, une transflguratio, ^ ou, comme disent certains Pères grecs, une iJ.sTaoo), ?], une ys-zanoir^ai. ;, une [jLETaTXîuti, une ixcTâjp-J9 ! J.cTi ;, une conversion ; autant de mots qui signifient d’ordinaire un changement quelconque, mais qui, appliqués à ce qui se passe dans l’eucharistie, loin de signifier un changement de fig.re.de signe ou designification, commele prétendent les calvinistes, évoquent plutôt un vrai changement de substance, réel et positif. Les Pères qui en parlent le regardent comme la conséquence naturelle et nécessaire de ces paroles : « Ceci est mon corps ; » conséquence si claire et si obvie qu’ils n’ont pas senti le besoin d’expliquer ou de prouver la liaison qui la rattache à son principe et de dire : C’est le corps de Jésus-Christ, donc le pain est changé au corps de Jésus-Christ. Toutefois, sans instituer une analj’se approfondie de la nature de ce changement ou de cette conversion, et sans rechercher comment le pain n’est plus pain, en dépit du témoignage des sens, comment le corps du Christ est présent bien qu’il ne tombe sous aucun de nos sens, et comment ce corps invisible se trouve présent sous ce qui n’a plus que les apparences du pain, ils n’ont pas laissé d’affirmer et de répéter, au nom de la foi, que le pain n’est plus du pain, quoiqu’il paraisse être encore du pain, que c’est le corps réel du Christ qu’il faut croire réellement présent, réellement donné par le prêtre et réellement reçu par le communiant. Bien plus, quelques-uns ont eu soin de faire remarquer qu’il ne faut pas s’en tenir à ce qui paraît mais à ce qui est, ce qui paraît pouvant donner le chan, L ; e et suggérer autre chose que ce qui est, ce qui est n’étant en toute vérité que le corps invisible du Christ. Ce n’est assurément pas là le dogme de la transsubstantiation, tel qu’il s’est peu à peu explicité et tel que l’ÉgHse a fini par le définir ; mais qui pourrait nier que ce n’en soit pas une expression implicite et suffisante pour justifier le développement subséquent ? La conversion dont parlent saint Ambroise et l’auteur du De sacrameniis parmi les latins, saint Cyrille de Jérusalem, saint Grégoire de Nyssc, saint Jean Chrysostome et saint Cyrille d’Alexandrie parmi les grecs, c’est déjà, de leur temps et dans le langage de leur époque, ce que l’on appellera plus tard, d’un terme mieux approprié, la transsubstantiation. Si Théodoret, au ve siècle, et quelques autres écrivains ecclésiastiques à sa suite ou comme lui, qui ne sont que l’écho d’une école et d’une époque, à savoir de l’école anliochienne du v<e siècle, préoccupés de combattre l’erreur du monophysisme, en sont venus à imaginer ou à supposer une sorte de dyophysisme eucharistique, qui serait la négation de la conversion substantielle, il est à remarquer que leur tentative isolée n’a pu nullement interrompre le courant traditionnel et que, loin de faire échec à l’enseignement de l’Église, elle a complélement échoué et a été éliminée de la pensée grecque, ainsi qu’en témoigne saint Jean Dainascènc, en qui l’on entend toute la tradition orthodoxe des Pères grecs.

Cette question de la transsubstantiation ne sera traitée ici qu’incidemment, car l’objet du présent article est surtout le dogme de la présence réelle d’après les Pères. Il faut en dire autant de l’épiclèse. Quant aux usages de certains hérétiques, tels que le valenliiiicn Marc, dont parle saint Irénée, et aux rites gnostiques décrits dans les Acla Tliomic, qui confirment à leur manière la foi de l’Église et la présence réelle, nous les passerons sous silence. D’autre part, les inscriptions clirélienncs, comme celle d’Abcrcius à Uieropolis, voir t. i. col. C3 6J, Gô, de Pectorius à Autun, ou comme celle que fit graver le pape saint Damasc en l’honneur de Tarsicius, martyr de l’eucha ristie, quelque contribution qu’elles apportent aux témoignages patristiques, réunies aux autres monuments chrétiens relatifs à l’eucharistie, auront leur article spécial.

Les témoignages empruntés aux diverses liturgies, depuis VEuchologe de Sérapion de Thmuis et le Testamentum Domini nostri Jesu Christi, édit. Rahmani, Mayence, 1899, jusqu’aux textes réunis parBrigthman, Liturgies easlern and western, Oxford, 1896, trouveront mieux leur place dans le Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, de dom Cabrol.

jll. Pendant les trois premiers siècles. — 1° La Didaché. — Le premier document qui s’offre à nous, c’est la Didaché ou Doctrine des douze apôtres : il est intéressant à consulter, malgré la pénurie des renseignements, mais ce sont des renseignements précieux. On y trouve, en effet, deux formules d’action de grâces à prononcer, soit sur le calice, soit sur le pain rompu, t.i^A to-j 7TOT/-, pioi), 7tîp toO x.Iolt^i.xto ;, Funk, Doclrina duodecim apostolorum, ix, 2, 3, Tubingue, 1887, p. 26 ; puis ce précepte, dûment appuyé sur une parole du Sauveur : « Que personne ne mange ni ne boive de votre eucharistie, à l’exception de ceux qui ont été baptisés au nom du Seigneur ; car c’est de cela que le Seigneur a dit : « Ne donnez pas ce « qui est saint aux chiens. » Ibid., ïx, 5, p. 28. Manifestement, il s’agit ici d’un repas ; est-ce d’un repas ordinaire, comme le prétend Andersen, Dos Abendmahl in den zwci ersten J ahrhunderlen nach Christus, Giessen, 1904 ? Nous ne le pensons pas. Est-ce à la fois de l’agape et de l’eucharistie, d’après Zahn, Forschungen, t. iii, p. 293-298 ; Mgr Duchesne, Bu/W/n cr17/(/He, 1884, t. V, p. 385-386 ; Funk, op. cit., note, p. 28 ; Ladeuze, L’eucharistie et les repas communs des fidèles dans la Didaché, dans la Revue de l’Orient chrétien, Paris, 1902, p. 339-399 ? La question importe peu, s’il est vrai qu’il s’agisse ici tout au moins de l’eucharistie. Or, sans aller jusqu’à affirmer avec Hehn, Die Einsetzung des heiligen Abendmahls, 1900, p. 172, que la Didaché nous offre d’une façon incontestable la foi en la présence réelle, nous ne dirons pas avec Rauschen, L’eucharistie et la pénitence, trad. Decker, Paris, 1910, p. 2, que c’est à peine si on peut faire appel à la Z)(V/rtf/7c en faveur de la présence réelle. Car le -oTT, ptov et le xJ.àCTixa, sur lesquels on rend grâces, sont désignés par le mot ej/apiTit’a, qui a déjà un sens liturgique caractérisé. Sans doute, les paroles de l’institution et les formules consécratoires sont passées sous silence ; et il n’est pas dit formellement que le pain et le vin soient le corps et le sang du Christ, comme cela sera spécifié dans la paraphrase de ce passage par l’auteur des Constitutions apostoliques, VII, XXV, P. G., 1. 1, col. 1017 ; mais il est question de tout autre chose que du pain et du vin ordinaires, à savoir d’un pain et d’un vin eucharisties et devenus eucharistie. Or, cette eucharistie est chose sainte : elle requiert, de la part de ceux qui veulent la recevoir, la réception préalable du baptême et une préparation morale, car on rappelle qu’il ne faut pas donner ce qui est saint aux chiens ; d’autre part, comparée à la nourriture et à la boisson ordinaires, pour lesquelles on doit assurément rendre grâces à Dieu, mais qui ne requièrent pas les conditions précitées, elle est qualifiée de nourriture spirituelle, et d’admirables elTets lui sont attribués, notamment la vie éternelle. « Seigneur tout-puissant, tu as donné aux hommes l’aliment et le breuvage pour qu’ils te rendent grâces ; quant à nous, tu nous as procuré une nourriture spiri tuelle, et une boisson, et la vie éternelle, » ibid., x, 3, p. 28, c’cst-à dire un aliment spirituel qui nous assure la vie éternelle. Saint Ignace l’appellera un remède’d’immortalité.

Saint Ignace.

Le célèbre évêque d’Anlioch e