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ENFER (SYNTHÈSE DE L’ENSEIGNEMENT THÉOLOGIQUE)

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Dans les âmes, le mérite et le démérite ont ainsi une tendance essentielle à la récompense ou au châtiment. En cette vie, ils sont comme suspendus, l’âme étant en état de voie ; mais la mort brise leurs liens et aussitôt ITime vel in infe.rnum immergitiir vel ad ceelos evolat ; la révélation est là-dessus manifeste : iinde conirarium pro lifcresi est liabendum. I^e sentiment universel des fidèles a suivi cette doctrine des théolofiiens, ou plutôt du magistère de l’Église.

d) Par la raison ihéologiqiie. — Il n’y a d’abord aucune apparence déraison pour retarder le châtiment des pécheurs. Une fois sortis de l’état de voie, ils sont dans leur éternité, fixés dans le mal et la haine de Dieu, avec une vie psychique toute nouvelle ; il ne s’agit plus pour eux de compter des années ou des siècles, avant d’être châtiés éternellement de leurs fautes ; ils sont destinés à l’enfer éternel et ils y vont tout de suite. De plus, il n’y a pas de milieu dans l’autre vie : ou la charité parfaite ou Vavcrsio a Deo, immuable ; donc, la peine du dam ; et c’est la substance de l’enfer ; le reste ne peut que suivre naturellement. Enfin, le bonheur du ciel n’est certainement pas différé pour les âmes pures, donc, a pari, les peines pour les âmes mauvaises ne sont pas non plus différées ; cette parité est un principe général très important de la doctrine chrétienne des fins dernières : le ciel et l’enfer sont en opposition parfaite, bien que dans le même ordre.

Prévenant ime objection dialectique, saint Thomas ajoute cette raison de conenance. I.e péché dérive de l’âme au corps ; il est donc juste que le châtiment suive l’ordre du péché, c’est-à dire qu’il conunence par l’âme séparée et ainsi parvienne au corps, et non pas qu’il attende la résurrection des corps pour atteindre l’âme.

c) Difficultés. — Le délai de la damnation n’est appuyé ni sur l’Écriture, ni sur la tradition, ni sur la raison théologique. Nous avons expliqué déjà le sens de ces aflirmations.npostoliques : in diem jndicii rcsernare cruciandos (crucialns), II Pet., ii, 9 ; Jud., o : le jour du jugement sera pour les damnés un jour de confusion et de peine spéciale, de confirmation plus immuable encore dans les mêmes ^supplices, d’augmentation enfin en quelques châtiments secondaires, corps ressuscites (liommes damnés), prison absolue de feu (dénions). Voir col. 46. Ce qui a amené plusieurs anciens à admettre la remise de la damnation jusqu’après le jugement dernier, c’est l’habitude de l’Écriture d’associer, presque toujours, l’entrée en enfer avec celui-ci : ile… in iynem.Ttrrniim. Mais, comme en matière prophétique et escliatologique, en général, ce n’est là qu’un procédé descriptif, condensant en une seule perspective autour d’un point central^et définitif, tous les éléments qui lui sont ordonnés de quelque manière ; on démêle ceu.-ci â l’aide d’autres textes.

Des témoignages des anciens qui étaient partisans d’une dilalio /n/e/vii, saint.Justin.Talien, saint Irénée, Tcrtullien, saint Hippolyte, saint Cvririen, saint. i broise, plus tard, comme possibilité, I lug’ies de Saint-Victor, on ne peut tirer aucune conclusion théolo^Ique. Ils n’énoncent qu’unc opinion, qui n’est pas reçue de tous, et ses tenants témoignent, eux-mêmes, <le l’existence de rojjinion con traire. I)’ailIours, même à leur sentiment, ce délai n’était que partiel et ne concernait que la réclusion dans l’étang de feu : dès après leur mort, les pécheurs sibissaient des suiiplices et la peine du dam avec le désespoir, etc.

Ivnfin, l’argument suivant de raison théologique n’a (las phis de valeur. Si les justes, non entièrement purifiés, vont au purgatoire, malgré le droit qu’ils ont d’aller au ciel, les âmes damnées pourraient bien, au moins les moins mauvaises, souffrir quelques peincs

en dehors de l’enfer proprement dit, jusqu’à la fin du monde. Hugues de SaintVictor, De sacram. fidci, 1. II, part. XVI, c. IV. La parité ainsi établie n’est qu’apparente ; l’âme juste est faite pour le ciel, mais ne peut y entrer sans être parfaitement pure, tandis que l’âme coupable est destinée à l’enfer et rien n’empêche qu’elle y soit précipitée tout de suite après la mort. Cf. S. Thomas, Siim. IheoL, III « , SuppL, q. Lxix, a. 7, ad 0°".

Les âmes séparées sont-elles, jusqu’à la résurrection, unies à quelque corps subtil, éthéré, soit en vertu de leur nature de substances non purement spirituelles, soit afin de pouvoir subir le supplice du feu de l’enfer ? Origène, Tcrtullien, saint Augustin l’ont pensé, ainsi que, au moyen âge, Pierre Lombard et Dante ; m lis cette opinion est certainement fausse, fondée qu’elle était sur une notion imparfaite de la snbstan.cj spirituelle. Voir col. 51.

m. ÉTEnxiTK DE l’eni-er. — Elle est de foi définie. Voir les définitions citées col. 90-91, en particulier celles concernant l’origénisme, CNplicitement dirigées contre la négation de l’éternité de l’enter.

Comme les ancieiuies erreurs à ce sujet ont éré renouvelées par plusieurs écrivains au xix » " siècK^, le concile du Vatican avait préparé de nouvelles tléfinitions et de nouveaux anathèmes contre elles. Collectio lacen’iis, t. vii, col. 517, 567. Siciil vero Ecclesia caiholica docet, nulla esse peccata… quorum rcniissioneni homincs in hac vila… obiinere non possinl ; itn sacrarum Scriplurarum et sanctoruni Patrum doctrinæ et ipsiiis Ecclesiæ calholicæ consensui inha’rentrs docenius et definiimis posl viam hujus vitie, quando honiines jam ad terminuni rctributionis peruencrunl, ut referai unusquisqnc propria corporis, pront gessil sive bonuni sire nialnm (II Cor., v, 10) pro nnlla lelhali culpa relictum esse locum salutaris pii’nilenli : v el expiationis, sed cuivis peccato morlali, quo maculala anima moxpost obilum coram sancto eljusto jndiceDco comparueril, pœnam conslilulam esse pcrpetuani. sicut ipse a’iernus judex testatnr : Vcrmis eoruni non ntoritur el ignis non cxslinguitur. Unde lanquani bœrclicani damnamus doclrinam tum corum qui negaiwrinl pa-nas damnalorum in gehenna fore perpétuas ; tum coi uni qui dixcrinl quædani esse peccata niorlalia quorum cxpiatio et remissio posl mortem sperari possit alque ita eos qui cun^ luijnsmndi culpa : rcatu ex lute vila decesserint, non in icternum daninari. c. xvii ; et le canon 5, De gratia redemplionis, aurait défini : Si quis dixerit, etiam posl niortem Iwm.inem juslificari posse, nul pœnas damnalorum in gehenna perpétuas fuluras esse negavcril, analhema sit.

L’éternité de l’enfer est, en eff.’t, prouvée par des arguments sans réplique pour un chrétien.

1. Écriture sainte.

La plupart des textes, qui prouvent l’existence de l’enfer, sont explicites sur l’éternité de cette damnation, opposée sans cesse à la vie éternelle. Is., lxvi, 21 ; Dan., xii, 1, 2 ;.Judith, XVI, 20, 21 [ : le feu qui brûle les damnés est ini-xlinguible, lever qui les ronge ne meurt pas. Matlh., iii, 12 ; Marc, jx, 42 18 ; Luc, xvi, 26 ;.poc. xiv. Il ; XX, 9-11 : l’enfer n’aura pai de fin, il durera pendant les siècles des si.>cles.

Dans une autre série do textes, l’éternité des peines de l’enfer est positivement afiirmée. If iTliess., i..S ; Matth., XXV, 41. Le mot ali.’ivio ; y désigne l’éternité proprement dite. Voir Dam, t. iv. col. 13 ; P. Bernard, art. Enfer, dans le Dictionnaire d’apologétique de d’Alès, t. I. col. 1.390 ; Billot, De nooissimis, 2e édit., Bome, 1905, |). 50 sq. Hn résume lasi^nification précise d’un mol, qui jieut en avoir plusieurs, se détermine par le contexte ou, pour l’Écriture, par l’explication autbenliquc de l’Église. Or, celle-ci, dans le cas présent, est donnés par l’inlerprélalion Iradi-