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EUCHARISTIE D’APRÈS LES PERES


céleste, sans sonder avec curiosité la doctrine toute divine et toute sainte que cette foi nous enseigne… Participez au corps sans taclie et au sang du Seigneur Jésus-Christ avec une foi très pleine, assurés que vous mangez l’agneau tout entier. » Un tel langage est celui d’un croyant qui s’en tient fermement aux affirmations de la foi et ne clierclie pas à scruter les mystères de Dieu. De parti pris, tout ce qui est examen curieux ou analyse philosophique est écarté. Cette réserve voulue, saint Éphrem n’a pas été le seul Père à la pratiquer. Voir col. 192. Cf. Th. Lamy, De Syronim ftde et disciplina in rc eucharislica, Louvain, 1859.

IV. Au iv^ SIÈCLE, EN OcciDE.NT. — DaHS l’ÉgUse latine comme dans l’Église grecque, c’est la même doctrine du réalisme, le même langage conforme à la liturgie eucharistique, la même croyance à la présence réelle, la même affirmation d’un changement qui s’opère dans le pain et le vin. Les Pères latins du ive siècle ne parlent, il est vrai, pour la plupart, de l’eucharistie qu’en passant, par simple allusion, ou à titre d’argument en vue d’autres vérités à défendre. Toutefois saint Ambroise nous donne, dans son De mysleriis, un résumé des plus précieux, comparable aux catéchèses mystagogiques de saint Cyrille de Jérusalem ; et l’auteur anonyme du De sacramentis reproduit assez fidèlement sa doctrine. Le fait de la conversion est affirmé, mais la conversion elle-même n’est pas l’objet d’une analyse spéciale ; sa nature intime est laissée dans une ombre discrète ; toutefois ce qu’en dit saint Ambroise met sur la voie de la théorie de la transsubstantiation.

1 » En Gaule. — Saint Hilaire de Poitiers (y 366) connaît deux sortes d’aliments, celui de l’eucharistie et celui de la vérité ; on reconnaît là la doctrine des Alexandrins, dont Eusèbe et saint Basile se sont faits l’écho. Il distingue en conséquence deux sortes de tables dans l’église : l’une, qui s’appelle la table du Seigneur, où les fidèles reçoivent le pain de vie ; l’autre, la table des divines leçons, où ils se nourrissent de la doctrine céleste. In ps. c.wvii, 10, P.L., t. ix, col. 709. Sans s’expliquer davantage sur ce pain de vie dont il ne parle là qu’en passant, il affirme ailleurs de la façon la plus catégorique que c’est la chair et le sang du Sauveur que nous recevons dans la communion et qu’ainsi nous sommes dans le Christ et le Christ est en nous ; c’est dans un passage de son traité de la Trinité contre les ariens. Laissant de côté le but spécial de son argumentation, qui est de prouver qu’entre le Père et le Fils il n’y a pas uniquement, comme le prétendent ces hérétiques, une union morale ou de volonté, mais bien une union de substance, il convient de souligner et de retenir comment il se sert du dogme eucharistique. C’est là que se trouvent de fortes et nettes affirmations sur la présence réelle du Christ dans l’eucharistie et sur la manducation réelle de son corps et de son sang par la communion. « Je demande, dit-il, à ceux qui introduisent une unité de volonté entre le Père et le Fils, si le (Uirist est aujourd’hui en nous par la vérité de sa nature ou par la concorde de sa volonté. Car si le Verbe a vraiment été fait chair, e/ vere nos Verbum carnem cibo dominico sumimus, comment ne doit-il pas être estimé demeurer en nous naturellement, lui qui, se faisant homme, s’est uni inséparablement la nature de notre chair et a uni la nature de sa chair à la nature de l’éternité dans le sacrement de la chair qui devait nous être communiqué… Si donc il a pris vraiment la chair de notre corps, si l’homme né de Marie est vraiment le Christ, nosque vere sub mysterio carnem corporis sui sumimus, etc. » De Trinitate, viii, 13, P. L., t. X, col. 246. « Lisons ce qui est écrit, et entendons ce que nous lisons, et nous nous acquitterons du

devoir d’une foi parfaite. Car ce que nous disons de la vérité naturelle du Christ en nous (de sa réelle présence en nous), si nous ne l’apprenons de lui, c’est folie et impiété que nous disons. Or, il a dit : « Ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang « est vraiment un breuvage ; qui mange ma chair et boit « mon sang demeure en moi, et moi en lui. » De verilale carnis et sanguinis non relictus est ambigendi locus. Nunc enim, et ipsius Domini professione, et fide nostra, vere caro est, el vere sanguis est ; et hœc accepta alque liausla id efficiunt ut nos in Christo et Christus in nobis sil. Ibid., viii, 14, col. 247. Saint Hilaire ne parle ici ni du mode d’être du Christ dans l’eucharistie, ni des effets de la communion ; s’en tenant uniquement à ce qui va à son but, il n’envisage que la réalité de la présence du corps et du sang du Christ dans l’eucharistie, et l’union qui en résulte pour le communiant, qui est réelle et nullement morale.

En Afrique.

Saint Optât de Milève, dans son

ouvrage contre les donatistes (370-385), ne fait que de simples allusions au mystère eucharistique, mais elles sont assez transparentes pour laisser voir que la foi de l’Église d’Afrique, au ive siècle, sur la présence réelle est la même qu’au m. C’est ainsi qu’il reproche à ces sectaires turbulents comme un grand sacrilège d’avoir jeté l’eucharistie aux chiens ; mais ce n’a pas été sans une juste punition du ciel, car les évêques coupables ont été châtiés : Nam iidem canes accensi rabie, ipsos dominos suos quasi lalrones, sancti corporis reos, dente vindice, tanquam ignolos et inimicos laniaverunt. Conl. donat., ii, 19, P. L., t. xi, col. 972. 11 appelle l’autel le siège du corps et du sang du Christ ; et il demande : Quid vobis ofjenderat Christus, cujus illic per ccrla momenta corpus et sanguis habilabal ? Mais, en haine des catholiques, les donatistes ont raclé, brisé, enlevé les autels ; les Juifs, dit-il, injecerunt manus Clu-isto in cruce, a vobis persccutus est in allcui. Ibid., vi, 1, col. 1066. Et parlant des calices, il ajoute : Fiegistis ctiam calices Christi sanguinis portalores. Les évêques sacrilèges sont qualifiés de coupables sancti corporis, les autels de siège du corps et du sang du Christ, et les calices de portalores sanguinis Christi : les allusions à la présence réelle ne sauraient être plus claires.

A Rome.

1. L Ambrosiaster. — Rappelons

que l’inscription du pape saint Damase († 384) en l’honneur de Tarsicius, martyr de l’eucharistie, parle des Christi sacramenta et des cselestia membra, ce qui est une allusion bien discrète. Le contemporain de saint Damase, auteur anonyme d’un commentaire sur les Épitres de saint Paul, est un peu plus explicite : il voit dans l’eucharistie une mémoire de notre rédemption, à célébrer comme l’a indiqué le Seigneur, mémoire où l’on mange la chair, où l’on boit le sang qui ont été offerts pour nous, où l’on participe au calice mystique du sang pour la protection du corps et de l’âme, en image, in typum, du sang versé sur la croix. In I Cor., x, 23, 26, P. L., t. xvii, col. 43.

2. Saint Jérôme (t420). — Le solitaire de Béthléhem peut être considéré comme un témoin de l’Église de Rome. Il parle en réaliste convaincu et justifie la présence réelle par la parole du Christ à la dernière cène. « Reconnaissons que le pain que le Seigneur rompit et donna à ses disciples est le corps même du Sauveur, lui-même leur ayant dit : « Prenez et « mangez, ceci est mon corpS ; > et que le calice est celui dont il a dit : « Buvez en tous, car ceci est mon sang « du nouveau testament, qui sera répandu pour plut sieurs. » Si donc le pain qui est descendu du ciel est le corps du Seigneur, et si ce vin qu’il donna à ses disciples est son sang…, rejetons les failles judaïques… Ce n’est pas Moïse qui nous a donné le vrai pain,