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EUCHARISTIE D’APRÈS LES PÈRES


affirme qu’après la consécration, les symboles mystiques n’ont point perdu leur nature propre et qu’ils persistent dans leur substance première, dans leurs apparences, dans leur forme. C’est là beaucoup trop dire. Assurément, les termes de nature, substance, essence, n’avaient pas le sens rigoureux et technique que la théologie leur a donné depuis, mais souvent le sens populaire et commun pour designer les qualités, les facultés et les propriétés ; et de ce point de vue, on peut plaider les circonstances atténuantes et admettre que le langage de Théodorct n’est pas contraire au dogme de la transsubstantiation, comme l’ont fait Dupcrron et Arnauld ; mais ce langage est ici trop explicite pour permettre une interprétation aussi favorable ; car Théodoret ne se contente pas de proclamer la persistance des qualités sensibles du pain et du viii, il afïîrme en même temps et au même endroit la permanence de leur nature et de leur substance. Cela ne peut guère s’accorder avec l’idée d’une conversion substantielle, d’autant qu’il nous a déjà avertis que le Christ n’a pas transformé la nature, oj Tr, v cp-j’ïiv aïTaSaXwv. En quoi donc fait-il consister la conversion qu’il reconnaît dans l’eucharistie ? En une [ji£TaSo>.Y) èz yâptTocnous a-t-il affirmé, en disant aussi que le Christ a ajouté la grâce à la nature, tt, v yàoiv TT] s’jrstK r.poT-itir/.MÇ. Sans s’en expliquer autrement, il laisse entendre ce qu’il veut dire, puisque c’est aussi bien son argumentation qui l’exige pour combattre le monophysisme, à savoir que le corps du Christ serait au pain dans l’eucharistie ce qu’est la divinité à l’humanité dans l’incarnation : même distinction’^des deux, sans mélange, et semblable unité. Si le dyophysisme de l’incarnation est prouve, c’est alors par le dyophysisme du pain et du corps dans l’eucharistie, mais ceci supprime toute |j.£Taf, o), vi proprement dite et va à rencontre de renseignement traditionnel. C’est le même point de vue erroné qui se retrouve dans la lettre j’i Césaire du pseudo-Chrysostome.

La lettre’à’Césaire.

Cette lettre, dont|Nægle

avec raison n’a pas fait état dans son Die Eucharislielelire desJil.Joh. Chrysostomus, faussement attribuée à saint Jean Chrysostome, comme l’ont prouvé Le Quien, Dissertationcs Damasc., III, P. G., t. xciv, col. 315-322, et dom Baur, Saint Jean Chrysostome cl ses œuvres dans l’histoire littéraire, Louvain, 1907, p. 272-276, a été écrite contre Eutychès, et dépend vraisemblablement de Théodorct ou d’une ? source commune. Comme Théodoret, elle vise des monophysiles, qui disent que post unitatem non oporlrl dicere duas naturas, P. G., t. iii, col. 759 ; elle soutient des thèses semblables, à savoir que la nature est inconvcrtibilis, impassibilis, ineonfusa, termes qui correspondent à ceux de l’évêque de Cyr, arpsTtTo ;, àuaOr, ;, iTJy/jTo ;  ; et dans le même sens et le même but, elle se sert de la doctrine eucharistique, telle que l’entend l’auteur, pour justifier analogiquement la doctrine christologique des deux natures. Cf. Sallet, Les sources de /"Kpïv’.TtriC (/c Théodorct, ûiirvi la Revue d’histoire ecclésiastique, Louvain, 1905, t. vi, p. 753 ; Lebreton, Le dogme de la transsubstantiation, loc. cit., p. 477 sq. Le concile de Chalcédoine avait défuii l’unité de personne dans le Verbe incarne iv ô>j çOtetiv àti- ; yy-o : , chacune de ces dïux natures gardant sa propriété, iiDlJoii.é’/r, ; ôk tt, ; ’iStÔTyjTo ; i-/.%-pix : (pj-reo) ;. Dcnzinger, Enchiridion, n. 148. Voir t. ii, col. 2207. Conformément à cette doctrine, l’auteur de la lettre à Césaire soutient que « .lésus-Christ est Dieu et homme, Dieu comme impassible, et homme comme ayant soulTcrt. Ce n’est pourtant quun seul Fils et un j seul [Seigneur ( : un et le même sans doute, qui par l’union de ces deux natures n’a qu’une seule domination et une seule puissance, quoiqu’elles

ne soient pas consubstantielles, car chacune d’elles conserve sans mélange les caractères qui la font connaître : ce sont deux natures unies sans confusion. » Mais en preuve, il cite ce qui a lieu, selon lui, dans l’eucharistie. Sicut enim antequam sanctiftcetur panis, panem nominanms ; divina autem illum sanctiftcante gratia, mediante sacerdote, librratus est quidem ab appellalione panis, dignus habitus dominici corporis appellalionc, etiamsi natura panis in ipso pcrmansit, et non duo corpora, scd unum corpus Filii prxdicamus, sic, etc. P. G., t. LU, col. 578. L’auteur regarde donc comme chose acquise que le pain, qui est pain avant la consécration, mérite d’être appelé corps du Seigneur après, parce que la grâce de Dieu l’a sanctifié, et cela quoique sa nature de pain persiste. Mais comment alors entendre ce qui suit, à savoir, qu’on dira un seul corps et non pasrdeux, malgré la persistance de la nature du pain ? Car si le pain reste pain, impossible de dire qu’il n’y ait qu’un corps, il y en a deux, celui du pain et celui du Christ. C’est donc que, par le mot natura, notait Le Quien, n. 83, P. G., t. xciv, col. 1146, l’auteur entendait, non la substance elle-même du pain, mais les propriétés naturelles du pain. Et dans ces conditions. Le Quien avait raison de dire qu’on peut voir dans cette manière de s’exprimer un témoignage en faveur de la transsubstantiation. Dissert. Danmsc, III, 1, col. 322. Cf. Perpétuité de la foi, t. iii, l., V, c. X, p. 319. Mais s’il en est ainsi, l’argument que l’auteur voulait tirer de l’eucharistie pour prouver l’existence des deux natures dans le Verbe incarné, manque de base ; il ne vaut, en effet, que si le pain reste pain, après la consécration, de même que la nature humaine reste la nature humaine après l’incarnation ; et c’est alors, comme dans Théodoret, la même erreur du dyophysisme eucharistique. Quant à la phrase : El non duo corpora, srd unum corpus Filii prædicanms, Mgr Batiffol l’explique par la tentative de l’auteur d’accorder son argument à la christologie de Chalcédoine. L’auteur aurait voulu dire : Comme dans l’incarnation il y a unité de personne dans la’dualité des natures, ainsi dans l’eucharistie il y a unité jlu corps du Christ bien qu’il y ait dualité de natures, le pain et l’élément divin que la consécra lion unit au pain. Mais si l’épître a voulu dire cela, reconnaissons qu’elle ne l’a guère dit. Il reste donc que l’épître à Césaire, pour mieux réfuter le monophysisme, a nié la conversion eucharistique. L’eucharistie, p. 318. Cf. Lebreton, Le dogme de la transsubstantiation, loc. cit., p. 491.

7 » Le pscudo-Dcnys. — L’Aréopagite n’est pas d’un grand secours dans la question de la présence réelle et de la transsubstantiation. On pourrait croire que sa théorie générale de l’union à Dieu éclaire l’union produite par la communion, mais il n’en est rien ; son style est obscur, et l’expression de sa pensée est retenue par la discipline du secret. La description qu’il fait de la synaxe liturgique implique bien la célébration d’un grand mystère, mais sans en indiquer expressément la nature ou l’objet. Il appelle l’eucharistie le sacrement des sacrements, celui qui plus qu’aucun autre est un /.oi/wvi’a et une T^vact ;, parce que plus qu’aucun autre il procure l’union avec Dieu, De ceci, hier., III, 1, P.G., t. iii, col.424, mais il ne dit pasquelle est cette union.’! Il’aiipelle le pain divin et le calice de l’eulogie des symboles sacrés par lesquels le Christ est désigné et donné. Si’tîiv 6 Xpiiro ; rrr [j.aivEtat v.xl tuzi/i-xi. Ibid., III, iii, 9, col. 437. Il représente le pontife lavant ses mains, louant les saintes œuvres de Dieu, rappelant l’ordre : « Faites ceci en mémoire de moi, » consacrant les divins mystères et mettant sous les yeux ce qu’il a célébré’îià tôiv lEp’ôç Ttp.oy.sii. i/wj’jjj.", r, ’i.i>y/ ; puis, par la distribution du pain et du calice, multipliant et donnant symboliquement