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EUCHARISTIE D’APRÈS LES PÈRES

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Christi. Calix illc, imo quod hubcl calix, sandificadis pcr verbiim Dci, sanguis est Cluisli. Scrm., ccxxvii, P. L., l. xxxviii, col. 1099. Norunt fidèles qiiUl dicam, noruni Christiim in fraclione panis : non cnini omnis panis, scd accipiens benediclionem Christi, fil corpus Christi. Serm., ccxxxiv, 2, col. IIIG. Saint Augustin ne s’explique pas sur la nature de cette transformation, maisil la qualifie elle-même de miraculeuse. Faisant allusion à ce sacrement, quod ex fruclibus lernv uccepium et prcce myslica consecraluni rite suniimus ad salulem spiritualeni in memoriam pro nobis dominicæ passpiis, il ajoute : quod cum pcr manus hominum ad illam visibilem spcciem pcrducatur, non sanctifieatur ul sil lam magnum sacranjentum, nisi opérante inuisibililcr Spiritu Dei. De Trinilale, III, iv, 10, P. L., t. xlii, col. 873-874. Ainsi donc dans le signe se trouve une réalité, un don objectif, invisible sans doute et inaccessible aux sens, mais vrai, qualifié d’aliment qui nourrit et engraisse, de remède qui sauve, de vie qui vivifie ; don uniquement accessible à l’esprit, à la foi, mais qui n’est nullement créé par la foi, puisque les enfants, incapables de formuler un acte de foi, le reçoivent ; don qui n’est autre que le corps même et le sang du Christ, non point sous leur forme naturelle, telle que l’entendaient les capharnaïtes, quomodo in cadavcre dilaniatur, aul in macello venditur, mais sous une forme à part ou spirituelle, quomodo spiritu vegelatur. In Joa., tr. XXVII, 5, P. L., t. XXXV, col. 1617. Car, après avoir dit : Nisi quis manducaverit carncm meam, nonhabebit in se vitam icternam, proposition qui avait scandalisé ses disciples, parce qu’ils l’avaient comprise slulle et carnaliler, Jésus dit à ses apôtres : « C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien ; ces paroles que je vous ai dites sont esprit et vie. » Et c’est comme s’il avait dit, ajoute saint Augustin : Spiritualiler inlclligile quod loculus sum : non hoc corpus quod videtis, manducaiuri estis, et bibiluri illum sunguinem, quem fusuri suni qui me crucifigent. Sacramentum aliquod vobis conunendavi ; spiritualiler intelleclum vivificabit vos. Elsi necessc sil illud visibililcr celebrari, oporlct tamen invisibiliter inlclliyi. In ps. xcviii, 9, P. L., t. xxxvii, col. 126.

3. Théories et raisonnements d’Augustin qui supposent ou exigent la présence réelle. — A la lumière de cette notion du sacrement de l’eucharistie, s’éclairent certaines théories et certains raisonnements, qui supposent ou exigent la présence réelle, sous peine d’être complètement inintelligibles. Pourquoi, par exemple, l’adoration de l’eucharistie ? A propos de ce verset : Adorate scabellum pedum ejus, Ps. xcviii, 9, saint Augustin remarque que Dieu appelle la terre l’escabeau de ses pieds : Terra autem scabellum pedum meorum, Is., lxi, 1 ; Dieu nous ordonne d’adorer la terre, chose contraire au précepte de la loi ; d’où cette difficulté : Anceps jactus sum : limeo adorare terram, ne damnet me qui fecil cœlum et terram ; rursus timeo non adorare scabellum pedum Domini mei. Pour la résoudre, il répond : Fluet uans converio me adChristum, qui ipsum quæro hic ; et inveni quomodo sine impietate adoretur terra, sine impietate adoretur scabellum pedum ejus. C’est que, dit-il, le Christ a pris la terre de la terre, car la chair est de la terre, et il a reçu la chair de Marie. Et quia in ipsa carne hic ambulavit, et ipsam carnem nobis manducandam ad saluiem dédit ; nemo autem illam carnem manducat, nisi prius adoraverit ; inventum est quemadmodum adoretur taie scabellum pedum Domini, et non solum non peccemus adorando, sed peccemus non adorando. Il s’agit bien là de l’adoration de la chair du Christ au moment de la manger par la communion. In ps. xcviii, 9, P. L., t. xxxvii, col. 126.

Ces autres paroles du psalmiste : Et ferebatur in memibus suis, que signifient-elles ? C’est là chose

impossible, remarque saint Augustin : Quis enini portutur in memibus suis’.' Manibus aliorum potest portari homo, manibus suis nemo portutur. Quomodo intelligatur in ipso David secundum lilleram, non invenimus. Mais ce qui ne s’explique pas littéralement de David s’est réalisé dans le Christ. Quand et comment ? Ferebatur enim Christus in manibus suis, quando, commendems ipsum corpus suum, ait : Hoc est corpus meum. Fercbat enim illud corpus in manibus suis. In ps. XXXIII, enar. i, 10, P.L., t. xxxvi.col. 300. Sans la présence réelle, cette explication n’aurait aucun sens ; car si le Christ ne se portait qu’en image, David et chacun peuvent en faire autant. Saint Augustin y revient, ibid., enar. ii, 2, col. 308 : Cum commendaret ipsum corpus suum et sanguinem suum, accepit in memus suas quod norunt fidèles, et ipse se porlabal quodam modo, cum diceret : Hoc est corpus meum.

De même, sans la préscnoe réelle, la communion des indignes ne s’expliquerait pas, d’après ce qu’en dit saint Augustin. Car si l’eucharistie n’est qu’un simple signe, sans autre, le pécheur, en recevant ce signe, ne mangerait nullement la chair du Sauveur. Or, d’après l’évêque d’Hippone, le pécheur reçoit le sacrement et ce que contient le sacrement, à savoir, la chair et le sang du Christ, mais sans recevoir pour autant la grâce du sacrement, qui est l’union intime du communiant avec le Christ ; il n’est pas dans le Christ, et le Christ n’est pas en lui. « Ce que les indignes reçoivent, et, d’après Augustin, ils reçoivent validement le sacrement, demeure entièrement obscur, prétend Harnack, Dogmengeschichte, t. iii, p. 148 ; et je ne puis souscrire à cette parole de Dorner : « Augustin ne « connaît pour les incroyants aucune manducation du « corps réel et du sang du Christ. » L’obscurité n’est pourtant pas dans le texte ; car il s’agit bien de la manducation de la chair du Christ, de celle dont l’apôtre dit que les pécheurs qui la pratiquent mangent et boivent leur propre jugement, de celle à laquelle prit part Judas, de celle à laquelle prennent encore part tant d’autres corde ficto. Seulement saint Augustin refuse de voir réalisée en ces pécheurs la parole du Christ : In me manet, et ego in illo. In ps. i.xxi, 17, P. L., t. xxxvi, col. 453 ; par défaut de bonnes dispositions, ils pèchent au lieu de se sanctifier.

Pourquoi enfin le conseil donne aux incontinents, celui de s’abstenir de péché avant de communier, si le Christ n’est pas réellement présent dans l’eucharistie ? La communion impose la chasteté : Jam nosti pretiiim luum, jam nosti quo accedis, quid manduces, quid bibas, imo quem manduces, quem bibas. Abstine te a fornicationibus. Serm., ix, 4, P. L., t. xxxviii, col. 85.

4. Fausse imputation de symbolisme.

Pur sj’inbolisme, prétendent les critiques protestants. Et Loofs a eu soin de recueillir les textes qu’il croit probants, et dont il fait la base de son interprétation symboliste. — a) A la dernière cène, le Christ n’aurait pas donné son corps à manger, ni son sang à boire, mais une simple figure de son corps et de son sang, car Augustin a dit : Corporis et sanguinis sui fig.ram diseipulis conmiendauit et tradidit. In ps. iii, 1, P. L., t. XXXVI, col. 73. De même, dans l’eucharistie, il n’y aurait qu’une figure du corps et du sang. Or, c’est négliger la distinction de saint Augustin entre le signe et la chose signifiée, entre le signe sensible et l’élément invisible, entre le sacramentum panis ou la natura panis, comme on disait, les espèces comme nous disons aujourd’hui, et le contenu du sacrement, le corps réel du Christ. Saint Augustin a raison de dire que le signe est le symbole du corps, mais en tant que signe seulement, car il ne dit nulle part qu’il n’y ait là qu’un signe vide de toute réalité ; il affirme tout au contraire, comme nous l’avons vii, qu’en plus du signe il y a la