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EUCHARISTIE DU IX" A LA FIN DU XP SIÈCLE


magnifiquement Franzelin, Tractatus de SS. eucharistiæ sacramento et sacrificio, th. xix, 3e édit., Rome, 1878, p. 302-306, exposant la pensée des Pères. Voir t. II, col. 512-514.

Que deviennent, après la communion, les espèces eucharisliques ? D’après C. Hôfler, Die deulschen Pâpsle, Ratisbonne, 1839, t. ii, p. 79, Paschase Radbert admettrait l’incorruptibilité des saintes espèces. Cf. P.-P. Brucker, L’Alsace et l’Église au temps du pape saint Léon IX, t. ii, p. 146, note 2. Or, au contraire, en écartant toute conception capharnaïtique, en distinguant dans l’eucharistie ce qui est vérité de ce qui est figure, Paschase a, sinon « précisé » , comme on l’a écrit, du moins laissé à entendre que les espèces ne sont pas inhérentes au corps de Jésus-Christ ainsi qu’elles l’étaient au pain, et que, par conséquent, elles ne partagent pas la fortune du corps du Christ, que tout ce qui survient dans les espèces ne doit pas atteindre en même temps le corps du Christ. Cf. J. Schwane, Dogmengeschichte, t. iii, Dogmengeschichte der mittleren Zeit, Fribourg-en-Brisgau, 1882, p. 630 ; trad. A. Degert, Paris, 1903, t. V, p. 463. C’est ce que tout le monde ne comprit pas assez. L’anonyme de d’Achéry, après avoir rappelé que l’eucharistie se mange comme les autres nourritures, qu’elle passe dans la bouche et descend dans l’estomac, déclare qu’il n’y a que Dieu qui sache ce qui lui arrive quand elle y est descendue, que, comme elle peut s’y consumer par une vertu spirituelle, elle peut aussi être conservée, le Christ pouvant faire l’une ou l’autre de ces choses selon son bon plaisir ; il n’admet pas qu’elle se pourrisse, ou qu’elle soit détruite par le feu, ou qu’on la laisse périr par négligence, car elle échappe à ces disgrâces à cause de la bénédiction de la vertu qui y a été répandue spirituellement. Spicilegium, t. xii, p. 42. L’anonyme englobe dans un sort commun et le corps du Christ et les espèces. Cf. pareillement Raoul Glaber, Histor., 1. V, c. I, P. L., t. cxLii, col. 691. Hériger tombe dans la même confusion, c. ix, col. 188, et adopte l’opinion de l’anonyme dont il reproduit les paroles essentielles. Guitmond nie catégoriquement. De corporis et sanguinis Christi veritate in eucharistia, 1. II, P. L., t. cxLix, col. 1445-1453, que l’eucharistie soit corruptible, qu’elle puisse se pourrir, être rongée par des rats ou d’autres animaux ; si cela se produit, ce sont pures apparences, permises par Dieu pour éprouver la foi des chrétiens ou punir leur incurie, l’eucharistie n’est pas vraiment corrompue, ou réduite en pourriture, ou consumée par le feu. Faute de distinguer, dans l’eucharistie, le corps du Christ invisible et les espèces visibles, Guitmond s’embarrasse dans des explications inadmissibles. Il semble finir par s’en apercevoir. Après tout, si véritablement l’hostie consacrée est dévorée par les animaux, si placel Cliristo… ut hsec sacramenta absqiie sui corruptione a bestiis sive avibus comedi possint, quid hoc ad veriialem quam credimus dominici corporis obslal ? col. 1449. Et, continue-t-il, si véritablement l’hostie est brûlée, dominici sacramenti subslantia nullatenus crematur, mais les espèces du pain se comportent comme dans un pain livré à l’action du feu, qualilales vero sensuales, quas ibidem post immutationem substantise Dei remanere altissimo consilio voluil, oslendunt quod suum est ; nnde fit ut color et sapor, odor quoquc, et si qua Imjusmodi accidentia prioris essentiæ, videlicet panis, servata suni, quemadmodum in pane vel ustulato vel nimis diu servalo solet fieri, simili modo hic quoque, salva omnino dominici corporis substaniia, corruptioni exterius ipsa accidentia aliquatenus videntuT (lire videantur) obnoxia, col. 1450. A ce videantur amphibologique substituons sint, et nous avons une formule excellente : dans l’hostie consacrée, le corps du Christ est incorruptible, et les qualités sen sibles — Guitmond a même le mot accidentia — oslendunt quod suum est, se comportent comme elles se comporteraient dans du pain ordinaire. Pourquoi Guitmond n’a-t-il pas développé sa thèse à la lumière de cette distinction libératrice ? D’autres que lui furent désemparés par l’objection bérengarienne tirée de l’incorruptibilité de la chair du Christ et de la corruptibilité de l’hostie consacrée, et l’on sait la place que tint, dans la théologie du moyen âge, rhjTDOthèse d’un rat rongeant l’hostie après sa consécration. Wolphelme de Brauweiler, Episl. de sacramento eucharistise contra errores Berengarii, P. L., t. cliv, col. 414, avait répondu que le corps de Jésus-Christ ne souffre rien, qu’il soit mangé par Judas ou par un animal, comme les rayons du soleil ne sont point souillés en passant dans un cloaque, mais que ce n’est que des élus et de ceux qui reçoivent dignement le corps du Seigneur qu’il est dit que Jésus-Christ demeure en eux et eux en lui. Il est regrettable qu’on ne se soit pas tenu à cette réponse claireetcomplètedanssabrièveté. 4° Les sources de la théologie eucharistique.

Tout

d’abord on s’adresse à la sainte Écriture. Paschase Radbert signale, du coup, les principaux textes eucharisliques, à savoir les paroles de la promesse et celles de l’institution de l’eucharistie ; il les allègue pour établir non seulement la présence réelle, mais encore l’identité du corps eucharistique et du corps historique du Christ. Liber de corpore et sanguine Domini, c. IV, n. 1, 3 ; c. vi, n. 2, P. L., t. cxx, col. 1277, 1279, 1282. Plus tard, Expositio in Matlhœum, 1. XII, c. xxvi, col. 890-894, il reprit les paroles de l’institution et leur consacra un commentaire assez ample, afin de réfuter ses contradicteurs. Il y revint encore dans sa lettre à Frudegarde, col. 1351-1352, à laquelle il joignit l’extrait de l’ExposiVi’o surlacène. Paschase avait dit l’essentiel. On ne fit guère que le suivre jusqu’au temps de Bérenger. On eut, alors, à répondre aux objections scripturaires de l’hérésiarque. Il citait saint Pierre, Act., iii, 21 : quem oportel cselum suscipere usque in tempora restitulionis omnium, et en concluait que, puisqu’il doit être au ciel jusqu’à la fia du monde, il ne peut en descendre et venir dans l’eucharistie. Cf. Lanfranc, Liber de corpore et sanguine Domini, c. x, P. L., t. cl, coi. 421 ; Guitmond, De corporis cl sanguinis Domini veritate in eucharistia, 1. II, col. 1466. Bérenger essayait de démontrer que le pronom Hoc, dans les paroles de la consécration, s’oppose à toute hypothèse de conversion du pain au corps du Sauveur ; Guitmond s’attache à le réfuter et tire de ces paroles un argument contre l’impanation aussi bien que contre l’absence réelle, 1. II, III, col. 1463-1464, 1484, 1494 : « Le Seigneur, après avoir pris le pain et l’avoir béni, a dit : Ceci est mon corps. Il n’a pas dit : Mon corps est caché dans ceci. Il n’a pas dit non plus : Mon sang est dans ce vin. Mais il a dit : Ceci est mon sang. Notre-Seigneur n’a pas dit : Une partie de ceci est mon corps. Il a dit simplement : Ceci est mou corps. » Cf. J. Turmel, Histoire de la théologie positive depuis l’origine jusqu’au concile de Trente, Paris, 1904, p. 306-311. « Constamment les auteurs du moyen âge recoururent aussi à la tradition pour établir leurs thèses sur l’eucharistie. Ceux de la première époque surtout firent plutôt de la théologie positive, c’est-à-dire qu’ils prouvèrent la vérité dogmatique plus à l’aide des citations de la sainte Écriture et des Pères que par le procédé du raisonnement et de la démonstration rationnelle ou théologique. J.-A. Chollet, La doctrine de l’eucharistie chez les scolastiques, Paris, 1905, p. 15. Dans son prologue, Paschase Radbert, Liber de corpore et sanguine Domini, P. L., t. cxx, col. 12671268, dit à son disciple Placide : Hœc autem ut securius tua perlegat infanlia, plaçait, charissime, catholicos