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EUCHARISTIE AU XIP SIÈCLE EN OCCIDENT


ciatiis de verilule corporis Christi et pour auteur Grégoire de Bergame, moine de Vallombreuse, ami de saint Bernard, évêque de Bergame en 1133 et mort en 1146. Si le Traclatus n’a pas eu la diffusion et l’influence de celui d’Alger, il convient néanmoins d’en parler ici : c’est une œuvre de mérite, remarquable par sa netteté d’expression et sa justesse de pensée, qui prend surtout pour sujet d’étude la présence réelle, cf. prologus, p. 2, celle-ci étant principalement le point d’attaque de ses adversaires, Grégoire ne s’occupe que secondairement de la conversion. Les Sommistes semblent bien avoir ignoré cette œuvre, mais les renseignements qu’elle fournit sur les points controversés, son arsenal de textes, d’objections, de solutions émises, etc., fournit un utile commentaire aux premiers produits de la systématisation théologique. Nous citons d’après la réimpression de la collection de Hurter, SS. Patium opuscula sclccta, Inspruck, 1879, t. XXXIX, p. 1-123, qui reproduit l’édition d’Ucelli (en appendice dans les Scrilti inediii del B. Gregorio Barbarigo, Parme, 1877, p. 673-745).

Conformément au plan qu’il annonce dans son prologue, I, p. 7, l’auteur passe d’abord en revue les objections des bérengariens tirées de l’Écriture, c. ii-vi, des Pères, c. vii-ix, et des divers noms donnés à l’eucharistie, c. x-xix : spccies, myslerium, sacramentum, figura, etc. Il y compare l’eucharistie aux autres sacrements (c’est ici qu’intervient la nomenclature septennaire des sacrements, c. xiii, p. 56, qui n’est, pensons-nous, qu’une interpolation ; en l’absence de témoins du texte primitif, la copie de 1C86 ne peut nous aider beaucoup ; le mot Scrvaior, ms. lat. de la Bibliothèque nationale, 17187, fol. 314 r, p. 36 de la pagination du traité, qui trahit le vocabulaire de la Renaissance et qui ne se retrouve, croyons-nous, qu’une fois ailleurs dans le traité, c. XII, p. 52, est bien suspect en cet endroit ; partout ailleurs, on ne rencontre que Sa/ya/or ; mais surtout le peu d’harmonie avec l’énumération des sacrements qui se rencontre au début du chapitre suivant, laisse peu de vraisemblance à la présence de ces lignes dans le texte original). A partir du c. xx, Grégoire expose le dogme catholitiue appuyé de ses preuves scripturaires ou patristlejucs et de l’enseignement de l’Église, l’uis, c. xxx-xxxiii, viennent quelquesquestions secondaires, dans le genre desQuæsiiunculie dul. II d’Alger, mais moins nombreuses.

D’autres traités antibérengariens sont perdus, tels celui de Bernold de Constance, auquel fait allusion son De Berengarii condenmalionc mulliplici, n. 11, P. L., t. cxLViii, col. 1458, ou celui que signale Cliiniel, dans un manuscrit de Weingarten. Germania sucra, l. ii, p. 427, n. 1488.

De ces divers traités se dégage la constatation d’un réel progrès dans la théologie de l’eucharistie ; en bien des points la terminologie elle-même se fixe grâce à ces écrits antibérengariens, les idées se corrigent ou se précisent si bien que l’on ne peut appliquer qu’aux conclusions théologiques groupées dans une systémalisation d’ensemble, et non aux principaux points du dogme, la formule trop générale de Ilarnack, Dogmengeschichlc, 4e édit., 1910, t. iii, p. 385, n. 4. Remarquons aussi que, pour plusieurs points, l’écrit de Rem ! d’Auxerre : Exposilio de celebnitione missæ, dans Maxima bibliollieca Patrum, Lyon, t. xvi, p. 932961, et le Liber de divinis officiis du pseudo-Alcuin qui l’intercale dans sa compilation, c. xl, P. L., t. CI, col. 1246 sq., notamment, col. 12()0 1261, préparaient déjà la voie, et que Paschase Radbert voyait déjà la route plus ou moins ouverte devant lui par l’essai d’exposé systématique, si fréquemment utilisé par tout le moyen âge qui le cite habituellement sous le nom d’Lusèbe d’Émèsc(en réalité Fauste de Riez) :

De corpore et sanguine Domini, P. L., t. xxx, col. 271 ; c’est la xxviii^ lettre ou l’homélie du pseudo-Jérôme.

Voyons les principales affirmations qui résultent, nettement formulées, de cette controverse :

Le dogme de la présence réelle est affirmé avec une netteté indiscutable dans ces trois écrits ; inutile d’y insister, puisque les avis ne sont même pas unanimes à ranger Bérenger parmi les négateurs de cette présence. Voir Bérenger de Tours, t. ii, col. 727.

Ce n’est pas par l’impanation ni par l’union hypostalique avec le pain, Guitmond, 1. III, col. 1481 ; Alger, 1. I, 6, 8, col. 754-757, 765, c’est par la conversion du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ que se produit cette présence, Guitmond, 1. III, col. 1481, 1483, 1489, 1494, etc. ; Alger, 1. I, 7, 9, col. 766, où les expressions sont telles, dit Kattenbusch (Steitz), qu’on s’attendrait à y rencontrer le mot « transsubstantiation » , Bealer}cyclopâdie, 1908, t. XX, p. 61, on renvoie par erreur à P. L., col. 760 ; Gore constate aussi que matériellement la transsubstantiation se rencontre enseignée par Guitmond et Alger, Dissertations on subjects connected witli the Incarnation, Londres, 1895, p. 264 ; Grégoire de Bergame, c. xxi, p. 85 ; c. xxvii, p. 104-107 ; c. xxx, p. 113, 116. Après cette conversion, les apparences sensibles continuent à exister, mais non dans le pain et le vin qui ont disparu. Guitmond, 1. II, col. 1450, etc. ; Alger, 1. I, 7 ; II, 1, col. 807, 809, 810 ; Grégoire, c.’xxi, p. 85 ; c. xxx, p. 113. Voir Eucharistiques (A^ccidents).

Cette conversion ne se produit pas par une nouvelle naissance ou création, ni par le processus de l’assimilation nutritive ; le corps du Christ n’augmente pas par suite des consécrations multiples, pas plus qu’il ne diminue par le nombre ^des communions. Guitmond, 1. II, col. 1462, 1450 ; Alger, 1. I, 9, col. 766 ; 1. I, 15, col. 783 ; Grégoire, c. xxxii, p. 120-123. C’est le même corps que celui qui est né de la Vierge, mort sur la croix, monté au ciel. Alger, 1. I, 16, col. 786 sq. ; Grégoire, c. xxxii, p. 120. Ce corps du Christ, présent dans l’eucharistie, participe aux prérogatives de la spiritualité et de l’incorruptibilité ; il échappe aux lois de l’espace, il est en même temps au ciel, dans l’hostie, en tous lieux ; un des grands arguments de Bérenger, De sacra cœna, p. 195 sq., est réfuté ici. Guitmond, !. I, col. 1431, 1435-1438 ; Alger, . I, 11, col. 771 sq. ; 12, col. 772 ; Grégoire, c. xxxii, p. 123.

Il est présent tout entier sous chaque partie de l’hostie divisée ; ce n’est pas ce corps qu’on rompt en rompant l’hostie : autre argument de Bérenger, De sacra cœna, p. 35, etc. ; Guitmond : unaquæqne particula. .. totuni corpus Christi, 1. I, col. 1435, 1436 ; tantum in portiuncula quantum in hostia, col. 1434 ; Alger, qui emprunte son expression à Pausle de Riez, op. cit., P. L., t. xxx, col. 273, peut-être en en modifiant légèrement le sens : tantum est in cxiguo quantum esse constat in toto, 1. 1, 15, col. 784 ; / ; i fracto lotus, col. 785. Il est tout entier sous chaque espèce ;.lgcr, 1. I, 15, col. 785 : in utroque totus. Anselme et Arnoul de Rochester l’avaient dit aussi. Epist., 1. IV, epist. cvii, P. L., t. CMX, col. 255. En communiant, les mauvais le reçoivent ainsi que les bons. Guitmond, 1. iii, col. 1491-M91 ; 1. I, col. 1430 ; Alger, 1. 1, 20, 21, col. 797 sq. ; Grégoire, c. xxxi, p. 117.

Sur la persistance de la présence réelle en cas de corruption des espèces, de manducation par les animaux, etc., voir Guitmond, 1. ii, col. 1448-1450 ; Alger, 1. ii, 1, col. 807-812. C’est ici que s’accuse la principale lacune dans l’ccuvre des deux théologiens, ce qui leur vaut une critique de Rcllarmin, De scriptoribus ecclesiastiris, Cologne, 1684, p. 164, 176 ; jils sont déroulés ici par l’attaque de leur adversaire qui