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EUCHARISTIE AU XII" SIÈCLE EN OCCIDENT


p. 268, n. 3, penche ensuite en faveur de Pierre Damien qui apparaît avoir le premier usé de ce terme. The body of Christ, Londres, 1901, p. 116, note 2. C’est ce que fait aussi Darwell Stone, op. cit., t. I, p. 259-260, n. 3. Gieselcr, parfaitement documente dans ce chapitre de sa Kirchengeschichle, les avait déjà précédés dans cette affirmation. Lehrbuch der Kirchengeschichle, Bonn, 1848, t. ii, p. 134, n. 5. Cette attriIjulion n’est malheureusement pas justifiée. Kaltenbusch, loc. cil., p. 57, et Endrcs, Pclriis Damiani und die wclUiche Wissenschafl, dans les Beilràge ziir Geschichle der Philosophie des Millelaltcrs, t. viii, p. 10, n. 31, ont raison de ne pas regarder l’authenticité de l'œuvre comme hors de doute ; nous ne pourrions actuellement lui assigner d’auteur, mais nous croyons pouvoir affirmer qu’elle n’est pas de Pierre Damien. Elle suit en maints chapitres, pas à pas, le J. IV du De sacro allaiis myslcrio d’Innocent III et, si celui-ci ne se fait pas faute de transcrire Hugues de SaintVictor, comme nous le montrons ailleurs, la comparaison entre les c. vi et xvii, par exemple, d’Innocent III, P. L., t. ccxvii, col. 859, 868, avec les paragraphes 3 et 7 de Pierre Damien, P. L., t. cxlv, col. 881, 883, montre qu’ici le plagiaire n’est pas l’auteur du De sctero allaris myslcrio, mais le compilateur de VExposilio canonis missæ, qui tantôt copie littéralement le précédent, tantôt supprime des phrases entières, tantôt les résume. Le mot Iranssiibslanliuiio, qu’il emploie dans le passage indiqué, est pris au titre du chapitre De sacro cdlaris myslcrio, 17, dont il copie les premières lignes. L'écrit attribué à Pierre Damien s’occupe, en outre, de beaucoup de discussions scolaires, ce qui s'éloigne de la façon ordinaire du cardinal de Saint-Sixte. Cf. Endres, op. cit., passim. Ce texte est donc : écarter définitivement (le la liste des premiers témoins et doit être reculé jusqu'à la fin du xiie siècle. oir Recherches dn science religieuse, 1911, t. ii, p. 465.

Le premier emploi du mot qu’on puisse signaler au xiie siècle est celui qu’en fait Etienne de Baugé, évêque d’Autun, mort en 1139 ou 1140, à Cluny, entre les bras de Pierre le Vénérable, EpisL, v, 6, P. L., t. CLxxxix, col. 390 : oramus ul cihiis hominum fiai cihits angclontm, sciliccl ul oblalio panis el vini Iranssubslemlietur in corpus et sanguinem Jcsu Christi, Tractalus de scicramento cdlaris, c. xiii, /'. L., t. cr.xxii, col. 1291, et un peu plus loin : Quasi dicercl (l)ominus), panem quem accepi in corpus meum Ircmssnbstanliavi, el illud do vobis. Op. cil., c. xiv, col. 1293. Cette (euvrc est-elle sûrement authentique ? Gorc ne semble pas en douter, Disserlalions, cic., 1895, p. 268, note 3 ; Kattenhusch est plus circonspect. licalencyclopddie, t. XX, p. 57. Jadis Labbe, qui hésitait, Disserlidiones philologicæ de scriploribus ecctesiaslicis, Paris, 1660, t. II, p. 372, se promettait d'élucider la question, ibid., appendice, p. 807 ; mais il n’a pu réaliser son I)rojet. Depuis Mabillon, Aruiales ordinis S. Benedicli, Paris, 17.39, t. vi, p. 270, l’on regarde communément comme auteur le premier des deux évêques d’Autun du xiie siècle qui portérent le nom d’Etienne (le .second a un successeur en 1186).

Les paroles de Pierre de Cluny, loc. cil., appuient celle attribution à Etienne de Baugé. Remarquons, en outre, que dans les exemples du c. vi : Quando Christus ecclesiaslicaa adminislralioncs suscrpil, ibid., col. 1277-1278, l’auteur du Traclalus se fait seulement l'écho d’Yves de Chartres († 1115), Serm., ii, de rxcellenlia sucrorum ordinum, P. L., t. clxii, col. 513 sq., mais pas encore de Hugues de Saint-Victor, Drsacramentis, I. II, part. III, c. vi sq., P. L., t. ci.xxvi, col. 424 sq., ce qui concorde parfaitement avec la palernilé du premier Etienne ; en outre, les expressions fort discrètes de l’auteur quand il parle de la

fraction de l’hostie et de la manducation du corps du Christ, c. XIV, xviii, ibid., co. 1293, 1303, alors que pour d’autres points il a d’heureux développements, par exemple, c. xvii, placent son œuvre avant les progrès qu’accuse la terminologie de Pierre Lombard. Voir plus loin.

Un témoignage qui ne soulève aucune incertitude et qui n’a pas été signalé jusqu’ici, croyons-nous, si ce n’est par Gillmann, loc. cil., p. 418, est celui de Roland Bandinelli, le futur Alexandre III, qui écrit ses Sententise, vers 1140-1142 d’après Déni fie, Archiv fur Lilercdur und Kirchengeschicide des Millelallers, 1885, t. i, p. 604, Abdlard’s Senlenzen und die Bearbeilungen se iner Theologia vor Mille des xii Jahrliunderts ; vers 1150 d’après Gietl, Die Senlenzen Rolands Bandinelli, 1891, p. XVI ; mais nous croyons avec le P. Ehre, Zeilschrift fiir kalholische Théologie, 1892, t. xvi, p. 148-149, que la preuve qu’apporte Gietl n’est nullement décisive. Le professeur de Bologne s’exprime ainsi : Verumlamen, si necessilale imminenle sub allerius panis specie consecraretur, profeclo ficrcl Iranssubslemlialio, sanguinis auleni nunquam fil nisi de vino Iranssubstanlialio, èdit. Gietl, p. 231. Voir plus loin l’enseignement détaillé de Roland.

A partir des années 1150-1160, les témoignages s’accumulent ; on trouve le mot Iranssubslanlialio (ou Iranssubstanliare) dans les recueils scolaires des maîtres de Paris (Pierre de Poitiers, Pierre Comestor, Alain de Lille, Prévostin, etc.), dans les sermons (Pierre de Celle, Pierre Comestor, etc.), dans les correspondances privées ou officielles (Pierre de Blois, Pierre de Pavie, etc.), dans les traités polémiques (Alain, l’anonyme Conlra amaurianos), dans les ouvrages de liturgie (Sicard de Crémone, Giraud le Cambrien, Innocent III), dans les recueils canoniques (Etienne de Tournai, Iluguccio), et jusque dans les écrits des moines des deux sexes (sainte Hildegarde et divers écrivains cisterciens), jusqu'à ce que le ch. ii des décrets de 1215 le sanctionne par une décision conciliaire.

2. Usage avanl 1215. — Nous rangeons ici, le plus possible par ordre chrouologifiue, les principaux témoignages qui s'échelonnent jusqu’au concile de Latran :

1. Etienne de Baugé, évêque d’Autun (I" 11391149) : Oremus ul… oblalio panis et vini Iranssubstantirtur in corpus et sanguinem Jesu Christi, P. L., t. CLXxii, col. 1291, Qtiqiuisi dicercl (Domi nus), panem quem accepi in corpus meum transsubslanliavi. Ibid., 14, col. 1293.

2. Roland Bandinelli (Alexandre HI), vers 11401142, probablement pas après 1145, et sûrement avant 1153 : Verumlamen si necessilale imminenle, sub allerius panis specie consccraretur, profeclo fierel Iranssubslanlialio ; sanguinis autem numquam fil nisi de vino lranssubslanli(dio. Sententiæ, édit. Gietl, p. 231. Cf. ibid., p. xvii ; Ehrie, Zeilschrifl fiir kalholische Théologie, 1893, t. XVI, p. 148149 ; Denifle, Abdlard’s Senlenzen und die Bearbeilungen seiner Theologia vor Mille des.ii Tahrhunderls, dans Archiv fiir Lilcratur und Kirchengeschirhle des Millelallers, 1885, t. i, p. 603-611.

3. Adam du Petit-Ponl, évêque de Saint-Asaph en 1175 ( ; - 1181), vers 1159-1165, à en croire le renseignement d’I-'liennc de Tournai qui r ; i|ipelle l’enseignement d’Adam (voir plus loin l'œuvre (l’Etienne) : Dclerminabal (Mag. Adam Parviponlanus) autem eam (auclorilalem) sic : Id quod fuit panis, etc., con~ verlitur, Iranssubslantiatur in corpus Christi ; cum enim omnia vcrba rommunionis admiltantur, ut lranssub.ilantiatur, converlitur et hujusmodi, trnnssuhslanlialum ul est vcl eril, vel fuit, non admillitur, ne tamquam ex materin flcri credatur, ul avis ex ovo ; ita rnim panis converlitur in corpus ul non sit verum hoc : crit illud, vel ex hoc, lanquam ex malcria, fct illud Op. cit., part. IH, dist. II, c. xl, p. 274.