1451
GNOSTICISME
1452
Nous sommes loin de l’eschatologie de Basilide ; et si le langage rappelle un peu celui de l’Évangile, nous sommes encore loin de la félicité chrétienne, de la vision intuitive et de la jouissance de Dieu. Ces noces où les âmes pneumatiques seront les épouses des anges et formeront avec eux des syzygies, reproduiront sans doute l’image du plérome et de ses couples d’émanatii ns. et c’est en cette imitation, mais en dehors du plérome, que consistera la ressemblance avec la divinité.
I. Murale.
Que devient la liberté humaine dans ce système ? Il n’y a guère de place pour elle, du moment qu’on est fatalement sauvé ou condamné d’après la nature que l’on a. Elle ne s’expliquerait que pour les psychiques qui peuvent se sauver ou se perdre. Les Extraits de Théodote nous apprennent que l’école valentinienne orientale enseignait le fatalisme astrologique. Excerpla Theodoti, 69-72, P. G., t. ix, col. 692. Et si tout, dans la vie de l’homme, est réglé par le mouvement des astres, leur lever et leur coucher, leur entrée et leur sortie de l’un des signes du zodiaque, leur conjonction, la liberté n’est qu’un vain mot. Cependant d’après un autre extrait, 78, col. 093, l’influence des astres ne se faisait sentir que jusqu’au baptême. Le baptême, étant la purification, l’illumination de l’âme par la gnose, n’enseignait pas seulement à l’homme ce qu’il avait été, ce qu’il était devenu, où il se trouvait, d’où il venait, où il allait, comment il avait été racheté et ce que sont la génération et la régénération, mais encore il donnait à l’homme la liberté, non toutefois d’une manière certaine et infaillible ; car il pouvait se faire qu’au moment de descendre dans la piscine baptismale, des esprits impurs descendaient avec le catéchumène et en remontaient avec lui, mais en détenant devers eux le sceau de la gnose et en laissant les catéchumènes inguérissables pour toujours, lbid., col. 696. C’était donc une liberté illusoire, et cela se comprend du moment que la gnose était une œuvre d’élection. D’après Clément d’Alexandrie, Slrom., III, 1, P. G., t. viii, col. 1097, les disciples de Valentin qui ont enseigné l’émanation par syzygie tenaient le mariage pour honorable. Il n’en est pas moins vrai qu’ils ont donné lieu, eux aussi, à des accusations d’immoralité. L’inutilité des œuvres pour le salut faisant partie de leur doctrine ouvrait la porte à tous 1rs débordements.
b) École italique de Valenlin. — Parmi les partisans de l’école orientale, l’auteur des Philosophoumena, VI, 35, p. 296, ne signale qu’un certain Axionicus, d’ailleurs inconnu, et Bardesane, qui échappa à la gnose et revint à une orthodoxie presque complète. Voir Bardesane, t. ii, col. 391-398. Parmi ceux de l’école italique, il range Ptolémée et Héracléon, Secundus et Épiphane, Marc et Colorbasus. Philosoph., VI, 35, 38, 39, 40, 56, p. 296, 302, 303, 304, 332. Voir Bassus, t. n col. 476. C’est contre ceux-ci, particulièrement contre Ptolémée, celui qu’il appelle la « fine fleur » de l’école valentinienne, que saint Irénée, très au courant du mouvement gnostique qui s’était produit peu avant lui dans les vallées du Tibre et du Rhône, a écrit sa réfutation. Et voici, d’après lui, le résumé du gnosticisme valentinien de l’école italique ; on y remarquera facilement les différences légères qui le distinguent du gnosticisme de l’école orientale.
a. Théogonie. — L’école italique place au sommet et au commencement de tout une syzygie, composée du principe mâle nommé tour à tour le Premier Principe, ^poapyrj, le Premier Père, -oo^ât’op, ou l’Abîme, [JjOoç, et du principe femelle désigné sous le nom de Pensée, k’vvota, de Grâce, yâpiç, ou de Silence, « rcp). Ce premier donne naissance à la syzygie Esprit et Vérité, voO ; ou [ ! ’, , ’, : //[ : et y.///ua, de laquelle émanent le Verbe et la Nie, AcJyoç et 'l">r[, et de ces derniers l’Homme et l’Église, stvOpwjto ? et laxA-rçaia. Tel est le premier groupe d’éons
du plérome. Mais ici ce n’est pas la syzygie voue et àÀr^Js’.x qui forme la décade, c’est Xo’yo ; et X^ ; et c’est la syzygie « vGowtïoç et Èy.xvrjaîa, qui forme la dodécade. Mais le dernier de tous ces éons, c’est encore la Sagesse, aopta, dont le rôle n’est pas tout à fait le même que dans l’école orientale. S. Irénée, Cont. hær., i, 1, 1-2, P. G., t. vii. col. 445-449.
La Sagesse, éon femelle, transportée de plaisir, veut s’élancer sans le secours de personne à la recherche de la sublime connaissance. Mais, d’après les uns, elle est détournée de son dessein par Féon-limite, ô’po ;, qui lui apprend que le Père est incompréhensible et ineffable ; et dès lors elle revient à elle et abandonne son téméraire projet. D’après les autres, au contraire, elle produit, en punition de sa faute, un fruit informe, qui ne s’appelle pas ïxTpwpa, comme dans l’école orientale, mais la Passion de la sagesse ou la Sagesse Achamoth, ÈvOjar^’.ç -fi’, aoepia ; ou aoçia àxa>j.(oO. A la vue d’un tel avorton, la Sagesse est prise de tristesse, de honte et de crainte de le voir détruit ; de là sa prière et la prière de tous les éons du plérome à Dieu le Père, qui produit alors l’éon à la fois mâle et femelle, la Limite, 6’poc, chargé de purifier so^ia et de la rendre à l’époux qu’elle a quitté. Un nouveau couple paraît alors, le Christ et le Saint-Esprit, qui enseigne aux autres éons à respecter les limites de leur nature et à ne pas chercher à comprendre l’incompréhensible. Pénétrés de cette doctrine, tous les éons n’ont plus qu’un désir, celui de rendre grâce au Père ; et chacun d’eux, faisant émaner de lui-même ce qui est le meilleur de sa nature, collabore à la production d’un nouvel éon, Jésus, l’Astre, le Sauveur, le Fruit, le Verbe, le Tout. S. Irénée, Cont. hær., i, 2, P. G., t. vii, col. 452-465.
b. Cosmologie. — Comme IstTpw|j.a, Ivôûjujaiç ou àyap. wO reste à l’extérieur du plérome, dans l’obscurité et le vide. L’éon Christ en a pitié et par l’intermédiaire de l’éon Limite, dpoç, lui donne une forme.’AyaiitôO, bien que restaurée, se trouve saisie des mêmes angoisses que sa mère, aoyia : de chagrin, parce qu’elle n’a pas compris ; de crainte, parce qu’elle a peur de ne plus retrouver la lumière ou de perdre la vie ; et d’ignorance, parce qu’elle ne connaît pas les mystères du monde supérieur. Mais c’est de ces souffrances que dérive l’essence prochaine de la matière, l’âme du monde, le démiurge. Le Christ envoie à sa place un autre éon, le Consolateur, le Paraclet, le Sauveur Jésus, revêtu par le Père de la toute-puissance nécessaire pour créer les choses visibles et invisibles. Jésus est accompagné d’anges. A son approche, ày a ; xtôO se voile la face, puis jette un regard furtif et accourt vers le Sauveur qui complète définitivement sa forme et la délivre de ses passions et de ses souffrances. Rendue joyeuse, ày auiôO n’a qu’à contempler les anges, qui accompagnent Jésus, pour concevoir et enfanter des fruits spirituels, qui deviennent les créatures spirituelles. On a dès lors les trois natures, matérielle, animale et spirituelle ; il n’y a plus qu’à leur donner une forme. Et c’est à quoi s’applique àyaurôQ. Laissant de côté la nature spirituelle, dont l’information échappe à son action trop peu puissante, elle forme de la substance animale le démiurge, père et mère de tous les êtres créés. Or ce démiurge ignore tout ce qui est au-dessus de lui ; il agit sans trop savoir ce qu’il fait ; il crée les sept cieux sur lesquels il domine, les sept mondes ou l’hebdomade. Puis se servant de la matière qui est sortie des passions d’àya ; j.tôO, il crée tout ce qui se trouve dans l’univers. Et il se croit seul auteur et seul maître. S. Irénée, Cont. hær., i, 4-5, P. G., t. vii, col. 477-504.
c. Anthropologie. — L’homme se trouve composé d’une âme et d’un corps. Le corps sort de la matière ; la chair n’est que de la matière organisée ; l’âme psychique vient du démiurge ; mais certains hommes ont une âme pneumatique ; ils l’ont reçue d’àyajxoSÔ à l’insu