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GNOSTICISME


tisme inconsistant. Les Pères n’ont pas manqué de signaler la dépendance où ils sont vis-à-vis des principaux représentants de la pensée hellénique : Pythagore, Platon, Aristote, Empédocle, Heraclite, Épicure. En outre, les gnostiques furent tributaires des religions de la Chaldée, de la Perse, de l’Egypte et très vraisemblablement de l’Inde.

Le premier à indiquer quelques-unes de leurs attaches avec la philosophie grecque a été saint Irénée. A sa suite, Tertullien, caractérisant leur procédé, y a vu une manie de discourir à perte de vue, un abus de la dialectique : artificem struendi et destruendi, versipellem in sententiis, coaclam in conjecturis, duram in argumenlis. operariam contentionum, molesiam etiam sibi ipsi. omnia rclractantem, ne quid omnino tractaverit. PrœscripL, 7, P. L., t. ii, col. 20. Et l’auteur des Philosophoumena a remarqué que, quelque inconsistantes que soient les fables et les pensées grecques, elles sont dignes de foi si on les compare à l’immense folie de ces hérétiques. Plùlosoph., I, prol., p. 2. Dépendants des Grecs, les gnostiques leur sont inférieurs pour les avoir follement et maladroitement plagiés : telle est l’appréciation des Pères.

2. Relative me ni à l’Écriture et à la tradition.

Les gnostiques, il est vrai, ont vu dans cette utilisation de la philosophie grecque et dans l’appareil scientifique dont ils ont cherché à l’entourer, non un but, mais un moyen d’influence et de propagande pour faire valoir et imposer leur spéculation religieuse. Car le but qu’ils ont réellement visé et poursuivi était d’exploiter le christianisme à leur profit et au détriment de la religion chrétienne. Ne pouvant méconnaître l’importance prise par le christianisme naissant dans le monde, ils ont voulu le surpasser pour le supplanter. Et c’est pourquoi ils n’ont pas hésité à emprunter sa méthode d’enseignement appuyé sur l’Écriture et la tradition, quelques-uns de ses dogmes, ses rites et son organisation, sauf bien entendu à leur faire subir les transformations jugées nécessaires par eux et à n’en plus oITrir dès lors qu’une odieuse caricature.

C’est ainsi, par exemple, qu’ils firent appel, eux aussi, au témoignage de l’Écriture et de la tradition. Ils connaissaient les Livres sacrés, tant ceux de l’Ancien Testament que ceux du Nouveau. Mais ils ne les acceptaient pas tous, ni tout entiers. Dans leur choix intéressé, ils pratiquaient d’habiles suppressions. Et quant aux textes sacrés qu’ils consentaient à retenir, ils savaient les solliciter par une interprétation allégorique, qui touche souvent à l’extravagance et quelquefois à l’impudeur, pour en faire les garants de leurs erreurs. Où -âaaiç, observe justement Clément d’Alexandrie, Slrom., VII, 16, P. G., t. ix, col. 533, où rcâijai ;, ETîêita où têXeiai ; eîprjuéva eî ; tàç ioiaç fj.ETâyo’jjt oôfaç. Clément blâme leur moyen déshonnète d’altérer la vérité et de piller arbitrairement le canon de l’Église : où yàp yp7J tcots, xaOâ ;  : sp oî làç a[pÉU£iç [aétiÔviêç Tïoioùai, jjloi/eûeiv Trjv àXrjŒiav, où8è (i.fjv y.lêr.xew tÔv xavova ifjç’ExxXt)<jÎocç, xat ; î81at ; È-iOuaiatç xaï çiXo80 ?iai ; yapiropiÉvouç. Strom., VII, 16, P. G., t. ix, col. 545. Déjà signalée et combattue par saint Irénée et Tertullien, cette audacieuse exploitation de la sainte Écriture nous a valu la formule du grand argument de prescription et la mise au point, dès le iie siècle, des rapports de l’Écriture avec la tradition orale, ainsi que de la nécessité de la tradition pour authentiquer et interpréter légitimement le texte sacré. Nous y reviendrons plus loin. « Un témoignage qu’il n’est pas permis de négliger, dit Mgr Duchesne, Les origines chrétiennes, édit. lith., Paris, 1886, p. 170, c’est celui que les grands gnostiques donnaient aux livres du Nouveau Testament, surtout à l’Évangile et aux Épîtres de saint Jean. Soit par des citations formelles, soit par des altérations reconnais sablés, soit par l’emploi de certains termes, Basilide et Valentiu se montrent tributaires de ce que l’on appelle parfois la théologie johannique. Il est difficile qu’un livre ait des témoins plus rapprochés que ceuxlà. » On en peut dire autant pour l’Évangile de saint Luc, dont Marcion s’est servi, en ajoutant que ces témoins si rapprochés sont des plus probants en faveur du Nouveau Testament.

Parallèlement à la tradition ecclésiastique, mais en opposition avec elle, les gnostiques en faisaient valoir une autre, la leur ; car ils prétendaient en posséder une ; bonne preuve de l’importance attachée par eux à l’enseignement oral, à la tradition vivante. Basilide disait suivie la doctrine de Matthias et avoir eu pour maître un certain Glaucias, interprète de saint Pierre. Clément d’Alexandrie, Strom., VII, 17. P. G., t. ix, col. 549. Valentin s’autorisait pareillement, tout comme Basilide et Marcion, de ce même Matthias, ibid., col. 552, et se donnait en outre pour disciple d’un Théodas, familier de saint Paul. Ibid., col. 549.

3. Relativement aux apocryphes.

Ce n’est pas tout ; car à l’usage répréhensible de l’Écriture, les gnostiques joignirent celui, non moins répréhensible, d’apocryphes suspects, dont ils furent, sinon les auteurs, du moins les exploiteurs intéressés. C’est le reproche que l’auteur des Constitutions apostoliques adresse à ces hommes « qui calomnient la création, les noces, la providence, la procréation des enfants, la loi, les prophètes. » Const. apost., VI, 16, P. G., t. i, col. 956. Ces apocryphes, pour mieux surprendre la bonne foi des simples, portaient pour la plupart des titres semblables à ceux des livres de l’Ancien Testament et du Nouveau. Il y eut ainsi des prophéties, telle que la Prophétie de Barcoph ou Barcobas et Parchor, Clément d’Alexandrie, Strom., VI, 6, P. G., t. ix, col. 276 ; Eusèbe, H. E., iv, 7, P. G., t. xx, col. 317 ; des apocalypses, telles que V Apocalypse d’Adam, d’Abraham, de Moïse, d’Élie ; des assomptions, telles que VAssomplion de Paul, d’isaïe ; des Évangiles en très grand nombre. Tous ces apocryphes n’existaient pas sans doute dans la première moitié du iie siècle ; mais plusieurs circulaient déjà à cette époque, saint Irénée affirme qu’ils étaient nombreux, bien qu’il ne nomme que l’Évangile de Judas. Cont. hier., i, 20, 1 ; 30, 1, P. G., t. vii, col. 653, 704. D’une manière générale, Tertullien reprochait de même aux valentiniens et aux marcionites, non seulement d’altérer et d’interpréter mensongèrement l’Écriture, mais encore d’ajouter aux textes sacrés areana apocryphorum, blasphemise fabulas. De resurrectione carnis, 63, P. L., t. ii, col. 886. L’auteur des Philosophoumena signale parmi les gnostiques les Évangiles xat’Aîyj^Ttojç et xatà <~)’.>tj.àv, V, 7, p. 144, 148. D’après Origène, In Luc., homil. i, P. G., t. xiii, col. 1803, il faut ajouter à ces deux évangiles apocryphes déjà cités ceux de Matthias, des Douze apôtres et de Basilide. Et saint Jérôme, après avoir énuinéré les Évangiles des Égypiens, de Thomas, de Matthias, de Barthélémy, des Douze apôtres, de Basilide et d’Apelles, donne à entendre qu’il y en avait encore d’autres. In Matth., prol., P. L., t. xxvi, col. 17. Mais c’est à saint Épiphane qu’on doit une énumération plus complète de toute cette littérature apocryphe utilisée dans les milieux gnostiques : les Prophéties de Barcobas, l’Évangile d’Eve, les’EptoTr^stç Mapia ;, l’Apocalypse d’Adam, les Livres de Seth, le PÉvva Mapia ;, User., xxvi, 2, 8-3 ; les Livres de Moïse, Y Apocalypse d’Abraham. Hær., xxxix, 5, P. G., t. xli, col. 333, 344, 352, 369.

4. Relativement à l’Église.

Les gnostiques n’ont pas emprunté seulement à l’Église sa méthode d’enseignement oral appuyé sur l’Écriture, ils l’ont encore imitée dans ses cérémonies, ses rites, ses sacrements, ses réunions. Si, dans quelques-unes de leurs sectes, certains termes spécialement consacrés par la langue chré-