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GOUVERNEMENT ECCLÉSIASTIQUE


n. 517 sq., p. 413 sq. ; Pesch, De Ecclesia Christi, part. II, sect. ii, prop. 33, schol. ii, n. 357, Prækctiones theologicæ, t. i, p. 220.

Guillaume Occain, franciscain, mort en 1347, professa les mêmes idées dans son Dialogus sur la constitution de l’Église. Parfois, cependant, il semble admettre une certaine primauté de Pierre et de ses successeurs, mais à laquelle il est permis de se soustraire, quand on s’aperçoit que celui qui en est honoré, en use contre le bien général de l’Église, contre les droits temporels des princes et contre ceux du peuple. Le pape serait donc inférieur au concile, parce que celui-ci est le représentant des fidèles. D’ailleurs, selon Occam, le concile lui-même peut se tromper.

Durant le xiv° siècle, une série de théologiens s’engouèrent de l’enseignement hétérodoxe d’Occam, et leur influence ne se fit que trop sentir aux conciles de Pise, de Bàle et de Constance. Si Pierre d’Ailly n’alla pas jusque-là, le pieux Gerson, son élève, ne recula point devant ces énormités. Il se montra partisan déclaré du système démocratique, et, même multitudiniste, pour le gouvernement ecclésiastique. On voit ces tendances très accentuées dans plusieurs de ses ouvrages, tels que De potestate ecclesiaslica ; De aujeribililate papse, etc., Opéra, t. ii, col. 249, 216, 436. Cf. Palmieri, De romano pontifice, Prolegomen., 12, p. 66 sq. Voir col. 1318 sq.

Les hérésiarques du xvi° siècle embrassèrent avec ardeur ces doctrines. Dans son livre De abrogalione missæ privalte, part. II, Luther proclame que, parmi le peuple chrétien, il ne doit y avoir aucune différence de personnes et de dignités : ni clercs, ni laïques, ni consécration, ni profession monacale, ou religieuse, etc. Calvin tient un langage analogue dans son Institutio christiana, 1. IV, c. vi, § 9 ; c. xx, n. 6-8 ; c. xli, n. 6, in-fol., Bâle, 1536, 1559 ; Leyde, 1454 ; trad. franc., in-fol., Strasbourg, 1541 ; 3 in-8°, Genève, 1818. D’après lui, tous les chrétiens sont également prêtres. Les dignités ecclésiastiques ne seraient pas d’institution divine, mais proviendraient uniquement de la libre élection du peuple chrétien. Le peuple, dans son ensemble, en effet, ne pouvant s’occuper de la prédication, ou de l’administration des choses religieuses, a élu, par lui, ou par le ministère des princes séculiers, quelques individus pour qu’ils s’en occupassent. Mais l’autorité de ces ministres sacrés ne leur provient que de l’élection librement faite par le peuple chrétien. Les puritains d’Angleterre voulurent imiter ce qu’ils admiraient à Genève, et établirent le gouvernement ecclésiastique sur la base du presbytérianisme. Selon eux, ce régime était le seul conforme au Nouveau Testament.

Au conciliabule de Bàle, où les évoques furent relativement peu nombreux, mais où les simples prêtres se comptèrent par centaines, et où des laïques furent appelés à siéger, les réunions prirent, vers la fin surtout, un caractère nettement démocratique ; disons plus, nettement révolutionnaire.

Le concile de Trente, sess. xxiv, can. 4, 7, Denzinger-Bannwart, n. 837, 844, condamna ces aberrations ; mais elles n’en furent pas détruites pour cela. Elles continuèrent à infecter certains esprits, qui, néanmoins, se disaient catholiques. Beaucoup de gallicans, en effet, en vinrent là. Après avoir conçu le gouvernement ecclésiastique comme une monarchie fortement tempérée d’aristocratie, ils descendirent, par une conséquence naturelle, jusqu’à transformer cette monarchie aristocratique en pure démocratie.

Edmond Bicher, professeur de théologie à l’université de Paris, et syndic de la Sorbonne, divulgua ces idées dans son opuscule, De ecclesiaslica et politica potestate libellus, petit livre de peu de pages, mais de beaucoup d’erreurs, in-4°, Paris, 1611, souvent réédité,

mais qui, un an après son apparition, fut condamné en France par le cardinal Du Perron, dans le concile provincial de Sens, tenu à Paris. Borne aussi le condamna, le 10 mai 1613. Si Bicher se rétracta, ce qui est douteux, il le fit seulement in articulo mortis. Après son premier ouvrage, en effet, il en avait publié une sorte d’apologie : Demonstratio libri de ecclesiastica et politica potestate, cum aucloris lestamento, in-4°, Paris, 1622 ; ouvrage mis, lui aussi, à l’index. Ce qui laisse craindre que sa rétractation in extremis n’ait pas été sincère, c’est que plusieurs de ses ouvrages posthumes, tirés de ses manuscrits après sa mort, renferment les mêmes erreurs : Traité des appellations comme d’abus, in-4°, Cologne, 1701 ; Historia conciliorum generalium, in-8°, Cologne, 1683 ; Vindiciæ doctrinse majorum scholse parisiensis, in-4°, Cologne, 1683, ouvrage directement composé contre les tenants de la monarchie pontificale, etc.

Parmi les jansénistes, les richéristes furent nombreux. Leur influence néfaste se maintint jusqu’à la grande Révolution de 1789. Les richéristes formaient un groupe compact à l’Assemblée nationale qui s’appuya sur leurs principes pour forger la Constitution civile du clergé. Cf. Feller, Biographie universelle, t. vii, p. 261. Il ressort clairement, en effet, de l’enseignement de Richer, que Notre-Seigneur aurait conféré la plénitude de l’autorité à l’ensemble de l’Église, ou collectivité. Les membres de la hiérarchie sacrée : prêtres, évêques et le souverain pontife lui-même, n’ont d’autres pouvoirs que ceux qu’ils tiennent de la délégation que l’Église leur donne, en les élisant comme ses représentants, ou députés. De soi, la puissance est égale chez les prêtres et chez les évoques. La différence ne provient que de l’élection faite par le peuple chrétien, qui nomme quelques-uns de ses membres, les évêques, pour succéder aux apôtres, et quelques autres, les prêtres, pour succéder aux soixante-douze disciples. À tous, prêtres et évêques, la communication du sacerdoce de Jésus-Christ est égale, quoique, pour le bon ordre et hors des cas de nécessité, une partie des pouvoirs inhérents au sacerdoce soit liée et comme paralysée dans les simples prêtres. Ceux-ci n’en sont pas moins juges de la foi, et conseillers nécessaires des évêques pour la discipline. Même remarque pour le pape. Il n’a, en plus des évêques, que l’autorité dont ceux-ci consentent à ne pas user, et qu’ils lui délèguent, pour mieux assurer l’unité. Mais ils demeurent libres de lui retirer cette concession quand ils le croient opportun pour le bien de l’Église. Ce qui est ainsi délégué au pape, c’est surtout le pouvoir exécutif ; mais le pouvoir législatif s’exerce par les synodes de prêtres, ou les conciles épiscopaux. Le pape est une sorte de doge exécuteur des ordres du sénat ; mais il ne possède aucune espèce d’autorité propre dans les évêchés, où le moindre des fonctionnaires locaux en a plus que lui. Pour exprimer sa pensée, Richer se sert d’une comparaison singulière. L’autorité ecclésiastique, dit-il, est dans le corps entier de l’Église, comme la puissance de voir, ou d’entendre, est dans l’homme vivant tout entier, quoiqu’elle ne puisse s’exercer, pour le bénéfice du corps entier, de par sa volonté et sous sa dépendance, que par le ministère des sens, doués d’organes appropriés. Or, le corps n’existe pas pour l’œil, mais l’œil existe pour le corps. Donc.

Notons, parmi ceux qui embrassèrent et propagèrent ces doctrines subversives, Ellies Dupin, De anliqua Ecclesiæ disciplina disserlationes hisloricæ, disp. III, c. i ; disp. VI, § 1, etc., in-4°, Paris, 1686 ; Cologne, 1691 ; Noël Alexandre ; Ricci, évêque de Pistoie et Prato ; Van Espen ; Nicolas de Hontheim, son élève, ou Fébronius, qui, cependant, a souvent noyé sa pensée dans une foule de contradictions. Voir Fébronius, t. v, col. 2118 sq. Cf. Mazzella, De religione et Ecclesia,