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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/201

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GRACE

luis

iluence décrite est, de sa nature, transitoire, car elle est tout entière ordonnée à Yack de foi. Elle est encore réellement distincte de la grâce sanctifiante, puisqu’elle est donnée avant la justification.

2. L’influence divine, interne et intime, requise à la foi salutaire, est enseignée par saint Paul : « Moi j’ai planté, Apollos a arrosé, mais Dieu a fait croître. Ainsi celui qui plante n’est rien, ni celui qui arrose ; Dieu, qui fait croître (est tout). » 1 Cor., iii, 6. Paul a rempli à Corinthe le rôle de celui qui plante : il a le premier prêché l’Évangile aux Corinthiens et a mis dans leurs âmes la semence de la foi ; après son dépari est arrivé Apollos, qui par sa prédication a, pour ainsi dire, arrosé ce que Paul avait planté. Mais de même que, pour la moisson naturelle, ceux qui plantent et ceux qui arrosent ne font pas autre chose que réaliser les conditions externes requises à la croissance, ainsi en est-il des prédicateurs pour la moisson spirituelle ; ils proposent ce qui est nécessaire à la foi, mais ils ne la produisent pas. La cause véritable de la croissance de la plante est sa force vitale interne qui lui est donnée par Dieu ; c’est encore l’influence interne et vitale donnée par Dieu, ou la grâce. Cf. Cornely, Commentarius in priorem Epislolam ad Corinlhios, Paris, 1890, p. 78. Dans la pensée de saint Paul, les prédicateurs de l’Évangile sont les coopérateurs, ayvepyoî, de Dieu dans l’œuvre de la sanctification des hommes : leur activité se termine à ce qui est extérieur à la foi et à la sanctification ; celles-ci sont l’effet du secours interne qui vient de Dieu. Ce secours n’est pas le concours général de Dieu, car il est dans l’ordre de la foi et de la justification, qui sont des dons gratuits et qui dépendent des mérites de Jésus-Christ, comme l’expose l’apôtre, Rom., m, 22-24 ; Eph., il, 8-10 ; ce sont des dons surnaturels comme nous l’avons démontré en exposant l’existence de la grâce considérée en général. Enfin ce secours surnaturel est actuel, c’est-à-dire qu’il est essentiellement ordonné et qu’il se termine à des actes qui sont requis préalablement à l’état de justification.

Dans les justes il est aussi une influence du Saint-Hsprit, qui détermine des actes, notamment des supplications. Rom., viii, 15, 26. C’est encore par cette influence que l’homme peut résister volontairement aux assauts de la concupiscence. Rom., vii, 5-vm, 5. La coopération des prédicateurs à l’œuvre de la conversion des hommes est, elle aussi, un cfïet d’une influence divine spéciale : « Ce n’est pas que nous soyons par nous-mêmes capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes, mais notre aptitude vient de Dieu. » Il Cor., m. 5. Dieu, qui, parsa grâce interne, produit la foi dans les âmes, exerce encore son influence sur l’intelligence des prédicateurs et la rend apte à concevoir les pensées opportunes. De ce texte on peut conclure que l’aptitude à penser salutairement, chez ceux qui arrivent à la foi, est aussi l’effet de la grâce divine actuelle. Saint Paul compare les Corinthiens convertis à une lettre écrite, par son ministère, non avec de l’encre, mais par l’Esprit du Dieu vivant, 3 : l’interprétation la plus probable de ces paroles les explique de l’action interne et surnaturelle que l’Esprit-Saint exerce sur les âmes et par laquelle il produit en elles des actes salutaires ; en ce sens, le texte confirme l’existence des grâces actuelles.

Le texte de l’Épître aux Philippiens, ii, 13 sq. : « Ainsi, mes bien-aimés, comme vous avez toujours été obéissants, travaillez à votre salut avec crainte et tremblement…, car c’est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir, » n’est pas expliqué de la même manière par tous les interprètes, notamment pour ce qui concerne la portée des mots avec crainte et tremblement. Cf. Prat, Théologie de saint Paul, t. ii, p. 125 sq. ; Knabenbauer, Commentarius in Epislolas ad Ephesios, ad Philippenses et ad CoLossenses,

Paris, 1912, p. 225 sq. Quoi qu’il en soit, les paroles de l’apôtre contiennent l’affirmation d’une influence interne et surnaturelle sur l’activité mêmes par laquelle les justes se sanctifient, notamment sur l’acte de vouloir le bien et son exécution, sur la résolution de bien faire et sa mise en pratique. L’apôtre n’explique pas en quoi consiste cette influence sur la volonté, mais, d’après sa doctrine générale, nous devons comprendre que c’est un effet de l’Esprit-Saint qui habite dans les justes. On ne peut pas conclure de ce texte qu’une influence spéciale et surnaturelle est requise pour chacun des actes salutaires dans l’homme justifié : l’apôtre considère en général l’activité par laquelle l’homme se sanctifie : il doit agir lui-même et opérer son salut, mais il ne peut pas le faire seul ; il doit être aidé par Dieu qui agit intimement en lui, suscite de bonnes résolutions et renforce la volonté dans leur exécution. Ainsi l’activité salutaire de l’homme dépend réellement de Dieu, et l’homme doit craindre parce qu’il peut perdre ce secours divin.

2° Les Pères, avant le pélagianisme, enseignent aussi l’existence d’une influence surnaturelle affectant directement les actes salutaires et l’existence d’un secours divin surajouté à l’énergie humaine pour résister aux tentations ou pour réaliser les actes vertueux. Saint Ignace d’Antioche dit que c’est avec l’aide de Jésus que nous repousserons victorieusement tous les assauts du prince de ce monde. Ad Magn., i, 2. Clément d’Alexandrie connaît l’influence de la grâce sur les actes de la volonté et y voit deux forces conjuguées. Voir Clément d’Alexandrie, t. iii, col. 174 sq. Origène connaît aussi cette influence divine qui se surajoute à l’énergie volontaire et la renforce, sans cependant détruire la liberté. De principiis, 1. III, c. i, n. 22, P. G., t. xi, col. 289, 301. La nécessité du secours divin, qui laisse intacte la liberté humaine, est aussi affirmée par saint Éphrem. Cf. Tixeront, Histoire des dogmes, t. ii, p. 213. Tertullien décrit la puissance de la grâce divine qui surpasse l’énergie naturelle et fléchit le libre arbitre. De anima, n. 21, P. L., t. ii, col. 285. Cf. d’Alès, La théologie de Tertullien, p. 270 sq. Marius Victorinus, In Epist. ad Phil., ii, 12, 13, P. L., t. viii, col. 1212, expose très bien aussi comment notre activité salutaire dépend et de nous et de Dieu : c’est nous qui voulons, mais c’est Dieu qui opère en nous l’acte de vouloir et qui donne l’efficacité au vouloir salutaire. Saint Cyrille de Jérusalem, Cal., xvi. P. » . P. G., t. xxxiii, col. 244, décrit comment le Saint-Esprit illumine l’intelligence par de bonnes pensées. L’influence spéciale de Dieu sur les actes salutaires de connaissance et de volition se trouve maintes fois affirmée par saint Basile, De Spiritu Sancto, c. xxvi, n. 61 sq. ; Epist., vu. lxxix, P. G., t. xxxii, col. 180, 184, 244, 453 ; par saint Grégoire de Nysse, cf. Tixeront, op. cit., p. 145 ; par saint Grégoire de Nazianze, cf. Hummer, Des hl. Gregor Nazianz Lehre von der Gnade, Kempten, 4890, p. 66 sq. ; par saint Jean Chrysostome, In Joa., homil. xlvi, 1 ; In Epist. 7 ara ad Cor., homil. xxiv, l, P. G., t. lix, col. 257 ; t. i.xi, coï. 198. Saint Cyrille d’Alexandrie montre la grâce agissant dans les actes par lesquels l’homme se prépare à la justification. Gf.Weigl, Die Heilslehre des hl. Cyrill von Alexandrien, p. 138 sq.

C’est surtout dans les œuvres de saint Augustin écrites contre le pélagianisme et dans les documents des conciles réunis contre cette hérésie, qu’il faut chercher la doctrine catholique concernant la grâce actuelle, c’est-à-dire du secours donné précisément pour les actes qui sont salutaires en celui qui les produit ; nous ne parlons pas de ce qu’on appelle maintenant les charismes ou gratiæ gratis datæ.

L’homme, de lui-même, peut pécher ; mais il ne peut pas produire des œuvres de justice (opéra justa) ou observer tout ce qui comporte la justice sans le secours