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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/291

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1814
GRÉGOIRE XIII


créait par là la pépinière salubre d’où les replants catholiques allaient bientôt porter racines dans le Saint Empire. Les Anglais, eux aussi, retrouvèrent leur collège Saint-Thomas. Bulle Qanniam divinæ de 1579, Magnum bullarium romanum, t. ii, p. 453. Il n’est pas jusqu’aux grecs qui n’aient eu part aux libéralités pontificales. Le Collège grec, institué par le pape sur les conseils de l’évêque de Sitia, groupa des jeunes gens de treize à seize ans, venus indifféremment des régions encore soumises à la domination chrétienne comme Corfou et Candie, ou de Constantinople, de la Morée ou de Salonique : « On leur donna des professeurs grecs ; ils étaient revêtus de caftans et de bonnets vénitiens ; on voulait les élever tout à fait à la manière des grecs, afin qu’ils eussent constamment à la pensée qu’ils étaient destinés à retourner dans leur patrie. On devait leur laisser leur rite aussi bien que leur langue et les instruire dans la foi selon les dogmes du concile dans lequel l’Église grecque et l’Église latine avaient été réunies. » Ranke, op. cit., t. il, p. 239 ; bulle In aposlolicas sedis, Magnum bullarium romanum, t. ii, p. 438. Hors de Rome, l’activité de Grégoire XIII fut aussi féconde ; il favorisa partout les collèges religieux : en Lorraine, il transforma le collège de Pont-à-Mousson en université, cf. Magnum bullarium romanum, t. ii, p. 520, bulle In supercmincnti de 1572 ; à Vienne, à Prague, à Olmùtz, en Autriche et Bohême, à Vilna, en Lithuanie, à Clausenbourg en Hongrie, et même au Japon, les efforts de Grégoire XIII ont été réalisateurs.

Partout, d’ailleurs, le pontife avait opéré par la puissante Compagnie de Jésus, qui sous son règne compta plus de 5 000 religieux, 110 maisons et 21 provinces. Nombreuses sont ses bulles qui attestent sa haute estime pour ses habiles et entreprenants auxiliaires. Il sut aussi garder à la Compagnie son caractère catholique, en empêchant qu’elle fît du généralat un privilège de la nation espagnole. Depuis 1534, les trois premiers généraux, Ignace de Loyola, Laynez, François de Borgia, avaient appartenu à cette nation. Le 23 avril 1573, si la majorité des Pères profès ne passa pas au Père Palanque, originaire de la Péninsule ibérique, mais au Père Mercurian qui fut élu, l’intervention de Grégoire XIII y fut pour quelque chose. Grégoire XIII fit des jésuites ses pionniers. Le pontife sut d’ailleurs se garder de tout exclusivisme dans ses affections. Ses bulles nous le montrent étendant sa sollicitude à tous les ordres religieux, notamment aux franciscains et aux trinitaires ; on rappellera avec profit qu’en 1575 il approuva l’institution de l’Oratoire, société de prêtres unis par la prière pour le travail intellectuel, sans la pratique d’aucun vœu supplémentaire. Cf. Magnum bullarium romanum, t. ii, p. 523, bulle Copiosus. Il leur donnait l’église et la maison de Sainte-Marie de la Vallicella à Rome. En 1579, il rétablissait et réorganisait encore l’ordre de Saint-Basile en Occident. Magnum bullarium romanum, t. il, p. 464, bulle Benedictus Dominus.

Toutes ces institutions pouvaient échouer par l’opposition même des différentes confessions réformées. Dans de nombreux pays, l’hérésie s’était étatisée ou féodalisée. Il importait au pape, pour maintenir et conquérir, de fomenter l’opposition catholique dans les nations qui, loin de pratiquer la prophylaxie de l’erreur, l’avaient même intronisée ; il devait grouper les souverains amis pour la croisade de l’orthodoxie romaine. Par cette tactique, la saine théologie pouvait s’implanter.

Grégoire XIII avait ses jalons. Élu pape en 1572, avec l’appui du cardinal Granvelle, il eut recours, pendant toute la durée de son pontificat, à la sympathie très affective du roi d’Espagne, Philippe II, qui devait d’ailleurs l’amener à la Ligue française, dès les premiers moments de sa fondation, Le pontife qui avait

célébré la Saint-Barthélémy comme « journée très joyeuse pour la chrétienté, » sut rappeler aux ligueurs leur but suprême : pour détruire l’hérésie, ils recevaient l’indulgence plénière et les bénédictions papales (15 février 1585). C’était détruire leurs scrupules de loyalisme envers leur souverain Henri III. Grégoire XIII connaissait aussi les menées d’Elisabeth d’Angleterre pour soutenir les calvinistes français. Pour la réduire, il sut entretenir des révoltes en Irlande. Ses négociations secrètes avec l’Espagne et les Guise devaient aboutir un jour à la grande expédition, si malheureuse d’ailleurs, de l’invincible Armada (1588).

La méthode forte ne lui fut point familière au point de ne laisser aucune place à la puissance persuasive. La tentative de restauration du catholicisme en Suède est là pour le montrer. Au nom de Grégoire XIII, le Père Possevin, honoré du titre d’ambassadeur extraordinaire de l’Empire, pour lui permettre une entrée plus facile, partit donc vers le royaume des Wasa (1577). Le 16 mai 1578, Jean III (1568-1592), sur les instances de sa femme, la catholique polonaise Catherine Jagellon, abjura secrètement l’hérésie. Pour amener ses sujets à la religion romaine, il demandait au pape certaines conditions : célébration de la messe en langue vulgaire, communion sous les deux espèces, mariage des prêtres, suppression de l’invocation des saints, des prières pour les morts et de l’eau bénite ; conservation par les laïques des biens de l’Église dont ils s’étaient emparés. La dernière clause seule fut ratifiée par Grégoire XIII. L’Église, comme toujours, sacrifiait ses biens pour garder l’idée catholique, en ramenant les âmes. Jean III revint au luthéranisme. Ce fut une souffrance pour Grégoire XIII ; elle n’eut d’égale que celle à lui donnée par la conscience de l’impossibilité où il fut de décider Venise et l’Espagne à une croisade contre les Turcs. Le jubilé de 1575, en groupant autour de l’autel de la confession plus de trois cent mille pèlerins, montra au monde que, dans l’Église catholique, le concile commençait son action.

Le pouvoir temporel.

Dans toutes ces conquêtes,

il avait fallu des ressources. Grégoire XIII a contribué à l’affermissement du pouvoir temporel en montrant pratiquement toute son utilité pour les réalisations catholiques contre les ambitions calvinistes et luthériennes. Dans un temps de Mécénat artistique et littéraire, il resta fidèle ù sa mission en se faisant le banquier de toutes les entreprises vitales de l’Église romaine. Des sommes énormes partirent du Vatican pour les souverains énergiques qui se firent les champions de la doctrine traditionnelle. Charles IX reçut 400 000 ducats provenant d’une subvention des villes de l’État romain. L’empereur et les chevaliers de Malte eurent aussi leur part aux libéralités pontificales. On n’a pas oublié les collèges construits par Grégoire XIII. L’appui donné à de nombreux jeunes gens pour faire leurs études coûta deux millions au pape qui dépensa annuellement 200 000 scudi à des œuvres pies. Cf. Ranke, op. cit., t. ii, p. 242.

De ce fait, l’administration publique du pontife eut une importance supérieure. Elle est une preuve de la capacité de la papauté à diriger les intérêts matériels confiés à sa charge. Condamnant les emprunts, les aliénations et les nouveaux impôts, le pape sut demander au patrimoine de saint Pierre les ressources qui lui furent nécessaires. II fit acte de souverain. L’industrie minière et manufacturière, l’agriculture donnèrent leur maximum de rendement, sur les terres du pontife qui sut garder ses monopoles et ses douanes. Bulles Ex incumbenliæ, Volentes pro nostra de 1577, Magnum bullarium romanum, t. ii, p. 449. Cf. Ranke, op. cit., tu, p. 183-232. Grégoire XIII, l’homme de droit, n’avait pas oublié les principes enseignés à Bologne. En supprimant les privilèges injustifiés, il fit rappeler par le