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GRÉGOIRE XV

1820

plus nécessaire une juste sévérité et l’emploi de la force pour leur faire abandonner leurs impiétés. En fait, le nonce Charles Caratïa fut inébranlable dans ses réalisations en Bohème comme en Moravie. Ici les prédicateurs calvinistes et luthériens, là les frères Moraves furent écartés. Les fidèles eurent le choix entre le culte catholique et l’exil. En Hongrie, le livre de l’archevêque Pazmanni, intitulé : Kalauz, avait déjà réalisé une contre-réforme. Cf. Hodœgus, Igazsagra vezcrlo Kalauz, Presbourg, 1613-1623. Les élites créèrent le mouvement, lin fait, pour 1625. le parti catholique autrichien dominait dans la diète hongroise.

Grégoire XV ne fut pas moins pressant près de Maximilien de Bavière, le conquérant du Palatinat. Dès avant la soumission du pays, il lui avait fait demander par le nonce Montorio à Cologne la bibliothèque d’Heidelberg. Tilly la préserva du pillage et ce fut le docteur Leone Allacci, un des bibliothécaires du Vatican, qui vint recevoir ces livres et manuscrits de valeur inappréciable. Le pape fut enchanté de cette affaire. 11 déclara « qu’elle était un des événements les plus heureux de son pontificat, les plus utiles et les plus honorables pour le Saint-Siège, pour l’Église, les sciences et même pour le nom bavarois qui devait se réjouir de voir un butin aussi précieux, éternellement conservé à Borne, le centre du monde. » Banke, op. cit., t. iv, p. 128. Mais Grégoire XV, dont l’humanisme élégant avait encore su confier au Dominiquin l’architecture des palais apostoliques (1621), considérait dans la circonstance trop sérieusement sa charge pour la réduire à un mécénat littéraire et artistique. La grande affaire pour lui, pendant que son légat Charles Caraffa, aidé des infatigables Pères de la Compagnie de Jésus, continuait à reconquérir les Allemagnes sur l’hérésie, était de donner à l’empire le statut légal qui devait consacrer l’influence du catholicisme dans sa politique générale. Ferdinand II, avant son alliance avec Maximilien de Bavière, lui avait promis eu cas de succès l’électorat du Palatinat. Cf. lettre de l’empereur à Balthazar de Zuniga du 15 octobre 1621, imprimée dans Sattler, Histoire du Wurtemberg, t. vi, p. 162. Le nombre des voix protestantes était jusqu’alors égal à celui des voix catholiques dans la diète électorale. Cette situation avait empêché que le parti romain y obtînt la majorité. La translation une fois effectuée, Cologne, Mayence et Trêves devaient s’unir à la Bavière pour infirmer les décisions de la Saxe et du Brandebourg. Grégoire XV mena l’affaire avec toute la gravité qu’elle comportait. Les puissances catholiques restèrent unies grâce à sa médiation.

Il fallait obtenir avant tout l’assentiment de l’Espagne. Au fait, la conclusion était des plus délicates. Moins rigoureux que Paul V, son prédécesseur, le pape avait lui-même rapproché l’Angleterre de la péninsule pour confirmer le mariage du prince de Galles, fils de Jacques I er, avec l’infante d’Espagne, fille de Philippe III. Les vues du pontife n’étaient pas douteuses. La lettre au jeune prince Charles est des plus suggestives. Il lui exprime l’espérance « que la vieille semence de piété chrétienne qui avait autrefois enfanté de si belles fleurs parmi les rois anglais, germerait à nouveau en son cœur ; en tout cas, puisqu’il songeait à épouser une princesse catholique, il ne pouvait penser à opprimer l’Église romaine. » Banke, op. cit., t. iv, p. 149. Ce mariage était une conquête. Mais la translation de l’électorat palatin s’y opposait directement. Frédéric V. le vaincu de la Montagne-Blanche, était le gendre de Jacques I rr, roi d Angleterre. Il fallait donc pour la papauté se résoudre à perdre la majorité électorale dans l’empire, si elle voulait obtenir les bonnes grâces de l’Angleterre. L’Espagne ne pouvait par elle-même concilier le dilemme. Peut-être même protesterait-elle contre la première hypothèse, car les négociations ma trimoniales étaient déjà largement engagées. En dernière analyse, le ménagement de la péninsule s’imposait au plus haut point. Grégoire XV avait engagé Philippe III à rompre avec les Pays-Bas la trêve de 1609. La conquête romaine des Provinces-Unies, alors démontrée très possible dans le large coefficient catholique des Néerlandais, s’annonçait par la reprise de la guerre espagnole contre les États révoltés. Le frère I lyacinthe, habile capucin envoyé à la cour d’Espagne, rapporta à celle de Vienne l’acceptation implicite de sa Majesté catholique. Le nonce Montorio décida les trois électeurs ecclésiastiques par l’entremise de Schweikard, l’archevêque de Mayence, d’abord hostile au projet de translation par crainte d’une guerre nouvelle et par respect des droits du comte palatin de Neubourg. Le 25 février 1623, l’empereur déférait l’électorat à Maximilien de Bavière, avec réserve, en cas de mort, des droits des héritiers et agnats du Palatinat. Le prince bavarois sut à qui il devait son merci : « Votre Sainteté, écrivait-il au pape, a non seulement favorisé la réussite de cette affaire, mais elle l’a directement effectuée par ses exhortations, son autorité, l’activité de ses démarches ; elle doit être attribuée entièrement à la faveur et à la vigilance de votre Sainteté. » « Ta lettre, ô mon fils, lui répondit Grégoire XV, a rempli notre cœur d’un torrent de délices semblables à une manne céleste ; la fille de Sion peut enfin secouer de sa tète les cendres de deuil et se revêtir d’habits de fête. » Banke, op. cit., t. iv, p. 134.

Le pape avait encore su faire taire, pour le moment au moins, le vieil antagonisme franco-autrichien. Dans son œuvre de restauration romaine, sa première force était dans l’union des puissances catholiques. La France devait au ministère De Luynes une ère d’affirmation anticalviniste. Dans la plupart des provinces, dans toutes les classes, le pape avait le plaisir d’enregistrer des retours sensationnels à la vérité. Le 20 octobre 1622, il avait tenu à reconnaître cette heureuse cfflorescence en érigeant en métropole l’évêché de Paris. L’Espagne et l’Autriche avaient vu dans la révolte de la vallée de la Haute-Adda l’occasion d’y ménager le territoire de jonction de la branche aînée et de la branche cadette des Habsbourg pour leurs efiorts catholiques et impérialistes. La Savoie et Venise, gênées par un voisinage à tout le moins inopportun, en avaient référé à Louis XIII, qui dès 1622 décidait une action commune pour enlever à la maison d’Autriche les places et les défilés des Grisons. Grégoire XV comprit la situation. Il empêcha les hostilités. Son prestige fut assez fort pour amener Louis XIII et l’empereur à lui demander l’arbitrage. La Valteline fut occupée par les troupes papales. Un projet d’indépendance fut élaboré pour elle. Grégoire XV y maintenait pourtant le droit de passage pour les Espagnols. Le pape pouvait dès lors se féliciter ; toute l’Europe avait accepté son pouvoir, à tout le moins son contact. En fait l’Église romaine, pour 1623, dominait l’hérésie.

Les Indes occidentales et orientales, la Chine, le Japon, l’Abyssinie, depuis un demi-siècle déjà avaient entendu la parole évangélique de la bouche des dominicains, des franciscains et des jésuites. Grégoire XV eut à s’occuper spécialement du pays des Bramines (Hindoustan). Depuis 1606, le Père Nobili était à Madaura. Frappé du peu de progrès fait par le christianisme dans une région occupée depuis longtemps par les Portugais, il avait conclu que le Christ y était regardé comme le Dieu des parias. Bompant avec la tactique de ses prédécesseurs, le Père Nobili, dès son arrivée, se dit appartenir à la plus haute noblesse ; il entra en relation intime avec les Bramines, en adopta les manières, le vêtement, les pratiques religieuses, changeant seulement la signification de ces usages. Dans les églises, il sépara les classes les unes des autres.