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1937
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GUERRE


péen qui. ayant éclaté à la fin du mois de juillet 1914, a fait couler tant de fleuves de sang, a accumulé tant de ruines et semé la désolation au sein de tant de peuples divers, non seulement en Europe, mais jusqu’aux régions les plus lointaines de l’univers, les violations du droit des gens et du droit naturel ont malheureusement été si nombreuses, qu’on se demande, non sans raison, si le moyen âge si décrié, ou même l’antiquité païenne ont connu quelque chose de pire ou de semblable. Ne pouvant ici entrer dans tous les détails, nous nous bornerons à signaler quelques-unes de ces violations flagrantes, que toute conscience non seulement catholique ou chrétienne, mais simplement honnête, doit réprouver avec indignation.

1° Violation de la neutralité de la Belgique, et crimes énormes qui en lurent la suite. — 1. Toute une série de traités, rédigés notamment en 1831, 1839, 1870, et au bas desquels, comme preuve de la toi jurée, se trouvent, avec les signatures, les sceaux et les armoiries des principaux souverains de l’Europe, ceux et celles du roi de Prusse, de l’empereur d’Allemagne et de l’empereur d’Autriche, assuraient à la Belgique une perpétuelle neutralité, plus l’intégrité et l’inviolabilité de son territoire. Les puissances signataires s’étaient solennellement engagées à respecter, et à faire respecter par les autres, cette indépendance, parce que, gardant le souvenir des guerres napoléoniennes, et prévoyant le retour possible de pareilles calamités, elles voyaient dans l’érection de cet État qui devait rester perpétuellement étranger à leurs querelles, une garantie de paix européenne. Ces engagements solennels furent renouvelés, ces dernières années, à la Conférence de La Haye, et signés, cette fois, au nom de l’empereur Guillaume II lui-même. En voici les principales clauses : a. 1. Le territoire des puissances neutres est inviolable ; a. 2. Il est interdit aux belligérants de faire passera traversée territoire des troupes, ou des convois, soit de munitions, soit d’approvisionnements ; … a. 10. Ne peut être considéré comme un acte hostile le fait par une puissance neutre de repousser, même par la force, les atteintes à sa neutralité.

Malgré sa propre signature, Guillaume II voulut lancer à travers la Belgique ses armées, ses canons, ses mitrailleuses, ses convois de munitions, etc. ; et la Belgique ayant essayé de s’y opposer, comme c’était son droit, et même son devoir, l’empereur d’Allemagne, quoiqu’il eût solennellement reconnu qu’un pareil acte de la port de la Belgique n’était pas hostile, en a tiré la plus eiîroyable vengeance, en déclarant par un cynique mensonge, et en faisant déclarer par toutes les voix de la publicité à sa solde, que la Belgique est seule responsable de la dévastation qu’elle a subie. Pour avoir osé se défendie, les Belges ont été traités de bandits par de soi-disant intellectuels, cela par l’application méthodique des principes contraires à l’humanité, longtemps médités dans les ouvrages des Treitschke, des Clausewitz, des Nietzsche, des Bernhardi et d’une foule d’autres philosophes de même acabit, enseignant, de propos délibéré, les maximes les plus révoltantes, dont nous avons fait plus haut un court exposé, et se croyant néanmoins au sommet de l’échelle morale. En présence de l’assassinat de tant de victimes innocentes, ils se lavent les mains, prétendent que les bourreaux n’ont rien à se reprocher, et justifient tous les crimes, même les plus énormes, quand ils sont perpétrés au profit de leurs ambitions nalionales. Nous allons en indiquer quelques-uns, dût-on nous accuser de diffamer méchamment des incendiaires, des tortionnaires et des pillards, en ne saluant pas leur brutale agression et leurs innombrables méfaits, comme un bienfait salutaire de la culture germanique, telle que l’entendent ceux chez lesquels le sens catholique n’a jamais existé, ou s’est sensiblement affaibli.

Le droit naturel, le droit ecclésiastique et le droit des gens, comme nous l’avons établi, déclarent que, dans une guerre même juste (et à plus forte raison si elle est injuste, comme l’invasion de la Belgique), les innocents doivent toujours être respectés, et qu’on ne doit leur faire aucun mal. Par le mot innocents, on entend, en langage juridique, ceux qui, pour un motif ou un autre, étant inaptes à porter les armes, sont incapables de nuire aux troupes en campagne, c’est-à-dire les enfants, les femmes, les vieillards, les citoyens paisibles ou civils, les blessés, et, en particulier, d’après les prescriptions canoniques, les clercs, les prêtres, les religieux, etc. Sous aucun prétexte, on ne peut directement et intentionnellement mettre à mort les innocents, à moins qu’on n’ait démontré juridiquement qu’ils ont commis une faute méritant cette peine. Cl. S. Thomas, Sum. lltrol., IIa-IIæ, q. lxiv, a. 2. On ne doit pas davantage les persécuter, les torturer, ou les terroriser, en les menaçant des derniers supplices pour les moindres infractions à des règlements arbitraires et tyranniques. Outre qu’elles sont condamnées expressément par le Congrès de La Haye, Annexe à la Convention, a. 50, les formules déclarant qu’il ne sera pas fait de quartier, et que toute la population payera pour les coupables, sont des formules barbares, aussi contraires à la raison et au droit qu’aux plus élémentaires notions de justice. Elles sont contraires également aux Kriegcrs Arlikeln, sorte de code militaire rédigé par l’empereur Guillaume If, à l’usage de ses officiers et de ses soldats, et que ses officiers et ses soldats ont délibérément violés. Voir le commentaire officiel de ces Articles de guerre fait par le colonel von Unger, du grand état-major allemand, Drei Jahre im Sattel. Ein Lern und Lcscbuch fur den Dienstunterriclil der Dev.lschen Kavalleristen, 15e édit., in-8°, Leipzig, 1911. L’art. 17 est ainsi conçu : En campagne, le soldat ne doit jamais oublier que la guerre n’est faite qu’aux forces armées de l’adversaire. La vie et les biens des habitants du pays ennemi, les blessés, les malades et les prisonniers de guerre sont sous la protection particulière de la loi… Les prises de butin ordinaires, le pillage, Pendommagement ou la destruction des propriétés étrangères, par méchanceté ou amusement, l’oppression des habitants du pays occupé, recevront les plus sévères châtiments.

Qu’il y a loin de la théorie à la pratique ! Nous n’accusons pas, en général, tous les Allemands d’avoir violé en toutes circonstances ces lois fondamentales de l’honnêteté ; mais quelle bibliothèque ne remplirait-on pas avec les témoignages, les enquêtes, les rapports, les brochures et les livres, dans lesquels non seulement les alliés, mais aussi les neutres racontent les incroyables excès de tout genre commis par les armées allemandes I Et combien de volumes aussi ne formerait-on pas avec les ordres du jour des officiers, les proclamations bruyantes et la correspondance authentique trouvée sur les prisonniers ou sur les morts dans les champs de bataille, pièces indéniables par lesquelles les Allemands appartenant à tous les degrés de la hiérarchie militaire ou ? ociale commandent, exaltent, louent, ou confessent ces mêmes excès 1 II n’est que trop prouvé, hélas ! que, sans nécessité stratégique, ils ont détruit des villes importantes, telles que Louvain, Dinant, Termonde, verschot, et réduit, presque totalement en cendres des centaines de villages, à tel point que plusieurs n’ont même pas laissé de ruines. Églises, écoles, asiles, hôpitaux, couvents, usines, constructions de tout genre, de toutes dimensions et sans nombre, ont disparu, ou ne sont plus qu’un tas de décombres informes. Des milliers d’innocents, femmes, enfants et vieillards, prêtres et religieux, otages et prisonniers, blessés ou soldats désarmés, ont été délibérément non seulement mis à mort, mais massacrés et immolés avec des raffinements de cruauté incon-